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SECONDE PARTIE : LES GESTIONNAIRES ET L'ORGANISATION DU SECTEUR DE L'ENCADREMENT DANS LE MONDE DES CLUBS DE TENNIS

Après avoir abordé le développement socio-historique de notre objet d'analyse, nous allons désormais tenter de l'appréhender au travers d'une dimension plus qualitative, dans une perspective locale. Nous allons ici pénétrer l'espace du club, en observant la circulation des acteurs et la configuration des modes de gestion propres au service de l'encadrement et de la transmission du tennis. En effet, dans ces endroits, il se distingue de nombreuses « façons de faire » vis à vis de l'intendance propre à la relation de service que nous étudions. Tout comme il émane une multitude de statuts et de formes d'investissement entre ceux qui la gèrent, la coordonnent et l'administrent.

Dans le sens de Becker326 on peut alors considérer que les situations effectives de pratique –

ou la situation du promeneur par laquelle nous avons démarré cette étude – ne résultent pas uniquement de la simple production de leurs participants, mais qu'elles se raccordent à l'ensemble d'un univers que nous allons ici présenter au lecteur. Le fait de faciliter la consommation du tennis à des publics qui en étaient antérieurement exclus implique également une reconstruction collective des espaces qui hébergent cette même consommation. De nouvelles formes organisationnelles, de nouveaux dispositifs, de nouvelles logiques d'action, et de nouvelles représentations identitaires se rattachent à ce phénomène. Nous allons ici tenter de les saisir et de les analyser.

Cette partie tente de mettre en avant des situations, des trajectoires et des discours typiques au milieu observé. Elle est le fruit d'une immersion de plusieurs années à l'intérieur même des clubs de tennis, de leur « culture », de leurs conventions. Si la valeur économique et sociale du service – développée en partie par sa rationalisation progressive – se doit d'être prise en compte327,

il convient également de l'atténuer face à d'autres perspectives propres à sa réalité quotidienne. De ce fait, les données ethnographiques ici employées nous permettront de dégager les principes qui sont liés au sens de l'action des différents gestionnaires de la pratique, et des aléas au regard de sa coordination en dehors de la séance. La notion de « monde social »328 est donc ici

prépondérante, elle nous permettra de définir les rouages, les statuts, les segmentations et les formes d'engagement que l'on retrouve à l'intérieur du phénomène analysé. Dans cette optique, tout en explicitant la coordination du service par celles et ceux qui le gèrent, nous montrerons les façons par lesquelles ce monde se perçoit par ceux qui le font. Nous mettrons principalement en valeur les

326 Becker Howard, 1986, op.cit. 327 Voir Dubar Claude, 1992, op.cit. 328 Voir dans nos prolégomènes.

dispositifs d'administration qui lui sont propres et l'engagement des praticiens qui y exercent. Ceci avant de nous attarder sur les rapports entretenus par ces derniers vis à vis des dirigeants de club qui font appel à leur service.

- Le tennis en Lorraine, quelques précisions statistiques préalables :

Avant de démarrer l'observation, il convient brièvement de préciser la place de la ligue de Lorraine dans le champ tennistique fédéral329. En 2013, à l'échelle sportive, la Lorraine comptait

quelques 330 clubs (sur 8 125 en France), 37 000 licenciés ( sur environ 1,1 million en France) et 1300 terrains (sur 32 000 en France). Le département de la Moselle où nous avons élaboré la majeure partie de l'enquête comptant pour sa part 163 clubs, 19 000 licenciés et prés de 600 terrains, ce qui représente près de la moitié des forces structurelles de la ligue. Cette dernière se situant à la 20ème place (sur 38) en terme d'effectifs et de « taux de pénétration » au regard de la population française (1,5% de la population de la région est licenciée à la FFT). Au niveau des résultats sportifs, la Lorraine se retrouve dans la moyenne nationale330. La ligue finit fréquemment

autour de la dixième place au « trophée Perrier » qui calcule les résultats des joueurs de chaque ligue durant les différents championnats de France (vétérans, 10/11 ans, seconde série, etc.). L'ASPTT Metz comptait parmi les douze clubs qui participent au championnat de France par équipe de première division (tout comme la TC Thionville chez les femmes), on compte trois joueurs régionaux qui ont intégré le « top 100 mondial » ces vingt dernières années (sur une cinquantaine de joueurs français), etc.

La région d'enquête est ainsi un lieu plutôt représentatif au regard du tennis en France, toutefois quelques spécificités sont à préciser. D'une part, le climat de la Lorraine implique un besoin d'infrastructures couvertes qui ne s'est réellement développé qu'à partir des années 80/90, on joue donc beaucoup au tennis dans des salles ce qui, nous le verrons implique quelques spécificités. D'autre part, en rapport au « boom des D-E » explicité partie 1, la ligue de Lorraine possède cette particularité d'être celle où le taux d'enseignant professionnel par licencié s'avérait être le plus faible de France au début des années 2010 (environ 1 D-E/300 licenciés, contre 1/136 en Côte d'Azur, ou encore 1/200 à Paris ce qui est la cause d'un climat défavorable, mais également de la concurrence du Luxembourg de ses salaires et de ses horaires plus attractifs331).

329 Les chiffres donnés se retrouvent sur les sites web de la FFT et de la ligue de Lorraine.

330 La ligue de Lorraine finit fréquemment autour de la dixième place au « trophée Perrier » qui calcule les résultats des joueurs de chaque ligue durant les différents championnats de France (vétérans, 10/11 ans, seconde série, etc.). L'ASPTT Metz compte parmi les douze clubs qui participent au championnat de France par équipe de première division, on compte trois joueurs régionaux ayant intégré les top 100 mondial ces vingt dernières années... 331 Les entretiens menés avec des D-E exerçant au Luxembourg ont fait ressortir une tendance qui voit les D-E de

France plus motivés à y exercer non pas principalement pour l'argent (25 euros de l'heure contre 17 en moyenne en France) mais surtout pour les horaires d'exercices qui sont plus classiques qu'en France, où les journées commencent

Chapitre 3 Les dispositifs locaux de transmission du tennis : des modalités de