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Vers une vue d’ensemble du développement grammatical

Dans cette section, nous nous proposons de dégager les tendances de l’organisation et du développement des compétences grammaticales à l’aide de comparaisons entre les scores présentés dans la Section 1. Nous montrerons d’abord comment s’organise et se hiérarchise le développement des différentes capacités morphologiques, puis celui des capacités syntaxiques.

Pour comparer les scores entre eux (les quatre scores de morphologie, les deux scores de complexité syntaxique), nous avons calculé des scores relatifs – ou proportionnels- en rapportant les scores bruts au nombre d’items dans la série. Le nombre d’items dans une série pouvant varier selon la version du questionnaire, les scores relatifs sont calculés de deux façons : par rapport à la version de référence (score V), et par rapport à la Version 4 qui est la plus complète (score V4). Les scores V résultent en performances plus valorisantes. Mais ils n’autorisent pas les comparaisons sur le long terme (entre les versions), pour lesquelles le recours aux scores V4, assurant la cohérence maximale à travers les quatre versions, est nécessaire. Ce sont donc les scores V4 que nous utiliserons dans les analyses comparatives ci-dessous, qui impliquent l’ensemble de la période 18-42 mois.

3.1. L’organisation des capacités morphologiques

Le développement des quatre scores relatifs de morphologie, calculés en valeurs V4 et ainsi dotés d’une comparabilité maximale, est représenté dans la Figure II.9. Pour plus de précisions, les valeurs moyennes des quatre scores en valeurs V4, ainsi que, pour information, en valeurs V27 sont données à l’Annexe II.9.

Figure II.9. Grammaire - Les quatre scores relatifs de morphologie : valeurs moyennes

La comparaison montre que les quatre scores sont très bas jusqu’à 20 mois : 0.11 pour les ‘Formes nominales’, 0.12 pour les ‘Formes verbales régulières’, moins de 0.03 pour les ‘Formes verbales particulières’ et les ‘Formes verbales erronées’. Après 20 mois, des trajectoires développementales très différentes se dégagent. Le score ‘Formes nominales’, marqué par une explosion précoce, atteint la valeur 0.80 à 30 mois et la valeur plafond dès 38 mois. En contraste, les trois scores de formes verbales ont des augmentations plus progressives et plus modérées. Les ‘Formes verbales régulières’ et les ‘Formes verbales particulières’ ont des fréquences relativement proches, bien qu’on puisse noter un décalage

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Les valeurs du score V et du score V4 sont identiques pour les ‘Formes nominales’ puisque les quatre versions du questionnaire proposent les mêmes items (au nombre de 5). Ce n’est pas le cas pour les trois autres scores – ‘Formes verbales régulières’, ‘Formes verbales irrégulières’, ‘Formes verbales erronées’- puisque les quatre versions diffèrent quant au nombre d’items proposés. Les valeurs V et V4 sont bien sûr identiques s’agissant de la Version 4, et elles peuvent l’être aussi pour d’autres versions si celles-ci comportent le même nombre d’items que la Version 4. Lorsque ce n’est pas le cas et que le nombre d’items proposés diffère de celui de la Version 4 (et il est alors inférieur), les valeurs du score V4 sont inférieures à celles du score V. Ainsi, pour le score de base ‘Formes verbales régulières’, qui propose 6 items dans la Version 1, 11 dans la Version 2 et 15 dans les Versions 3 et 4, le score V est supérieur au score V4 pour les Versions 1 et 2, mais semblable pour les Versions 3 et 4. Pour les scores ‘Formes verbales particulières’ et ‘Formes verbales erronées’, le score V est supérieur au score V4 pour les Versions 1, 2 et 3, puisque, dans ces trois versions, le nombre d’items diffère de la Version 4.

constant à l’avantage des formes régulières. Les deux scores ‘Formes verbales régulières’ et ‘Formes verbales particulières’ atteignent des valeurs respectives d’environ 0.40 et 0.30 à 30 mois, et 0.70 dans les derniers mois échantillonnés. Le score des formes erronées présente des valeurs nettement moins élevées (0.13 à 30 mois et autour de 0.30 dans les derniers mois) mais en augmentation constante aussi.

On notera que l’avantage des formes régulières sur les formes particulières est sensible surtout chez les jeunes enfants et très atténué après 36 mois. Ce phénomène est en partie lié à la présence, dans le score ‘Formes verbales régulières’, des deux items à évolution régressive, les formes incomplètes du participe passé et de l’infinitif employés seuls, qui sont beaucoup moins produits par les enfants les plus âgés que par les enfants plus jeunes. Ce type d’items favorise le niveau de performance globale dans les groupes les plus jeunes, qui utilisent largement ces formes transitionnelles, tandis qu’elle tend à défavoriser légèrement les plus âgés qui ne les utilisent plus guère.

En résumé, les capacités morphologiques associées à la production des formes nominales et verbales émergent à peine chez les enfants les plus jeunes de l’étude et ne commencent véritablement à se développer qu’à partir de 20 mois. Dès lors, le contraste entre formes nominales et formes verbales est manifeste. L’acquisition de la morphologie nominale connaît un développement précoce, marqué par une explosion à 22 mois et achevé à 40 mois, tandis que l’acquisition de la morphologie verbale – formes régulières aussi bien qu’irrégulières - est plus progressive, tardive et loin d’être achevée chez les enfants les plus âgés de l’échantillon. Les erreurs sur les formes verbales n’ont pas non plus commencé à diminuer à la fin de l’étude.

3.2. L’organisation des capacités syntaxiques

Le développement des deux scores relatifs de complexité syntaxique, calculés en valeurs V4, est représenté à la Figure II.10. L’Annexe II.10 fournit les valeurs moyennes précises, établies en scores V4, et, pour information en scores V28.

La comparaison montre une progression modeste et analogue pour les deux scores jusqu’à 25 mois, avec cependant déjà un avantage pour les structures complexes (structures : 0.13 ; phrases : 0.06). À partir de 25 mois, le contraste entre les deux types d’items complexes

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Pour le score ‘Structures complexes’, les valeurs V et V4 ne diffèrent que pour la Version 1 (30 items au lieu des 32 proposés dans les trois autres versions), et ils ne diffèrent que très peu, à 23 et 24 mois. Pour le score ‘Phrases complexes’, les valeurs diffèrent pour les trois premières versions, celles du score V étant toujours supérieures à celles du score V4.

éclate. Le développement du score ‘Structures complexes’ présente à ce point une augmentation de type explosif, atteignant la valeur de 0.60 à 30 mois et de plus de 0.90 dans les derniers mois de l’étude. En revanche, l’augmentation du score ‘Phrases complexes’ est progressive et régulière, restant limitée, bien que constante, jusqu’à la fin du parcours (0.19 à 30 mois et autour de 0.60 dans les derniers mois).

Figure II.10. Grammaire - Les deux scores relatifs de complexité : valeurs moyennes

Une dernière analyse compare, au sein des ‘Structures complexes’, les scores partiels regroupant les structures qui relèvent d’un même sous-domaine. Les valeurs sont fournies à l’Annexe II.11 pour les 9 scores : emploi du déterminant nominal (moyenne de 5 items), emploi du verbe copule, auxiliaire ou modal (9 items), du pronom sujet (3 items), des prépositions (4 items), du pronom objet (2 items), constructions possessives (3 items), construction interrogative (1 item), constructions subordonnées de type A (3 items) et B (2 items). Par souci de simplification, l’illustration graphique (Figure II.11) ne représente pas la construction interrogative, constituée d’un item unique, et regroupe les deux types de subordonnées en un seul.

Comme on le voit, les sept scores calculés en valeurs relatives se développent selon des trajectoires analogues et relativement groupées, où des explosions se produisant à partir de 25 mois sont visibles pour tous. Ils atteignent tous des valeurs élevées à la fin de l’étude - entre 0.84 et 1 (sauf la construction interrogative non représentée). Cependant, de légères différences sont apparentes entre 26 et 36 mois environ : les scores les plus élevés reviennent à l’emploi du déterminant nominal et du pronom sujet, puis à l’emploi de l’auxiliaire/modal et des prépositions, tandis que les scores les moins élevés sont associés à l’emploi du pronom objet, des constructions possessives et subordonnées.

Figure II.11. Grammaire - Les scores relatifs partiels de structures complexes : valeurs moyennes

En résumé, qu’il s’agisse de structures ou de phrases, l’accès à la complexité syntaxique émerge à peine durant les premiers mois de l’étude et n’est pas réellement manifeste avant l’âge de 25 mois. Le contraste entre les deux registres de la complexité est ensuite patent. La production des structures complexes, qui explose à partir de 25 mois, est totalement assurée à 41-42 mois. Les différents groupes de structures sont acquis de manière relativement synchrone, bien qu’on puisse noter une avance des capacités d’emploi du déterminant nominal et du pronom sujet. En revanche, la production des phrases complexes se développe tardivement et progressivement, loin d’être assurée à la fin de l’étude.

Section 4 - Bilan et mise en perspective des apports sur le développement