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Section 2 : Théorie des ondelettes univariées et multivariées

2.2 La transformation continue en ondelette (Continuous Wavelet Transform CWT):

2.2.3 Vers une discrétisation temporelle de la CWT

Les ondelettes analytiques constituent une simplification de la CWT mais celle-ci a une mise en œuvre pratique relativement complexe car elle se base sur un signal continu infini. Empiriquement, les séries sont finies (de longueur N) et s’observent avec un pas de temps 𝛿𝑡

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qui induit une discrétisation temporelle. Il est ainsi nécessaire de « discrétiser » en temps les équations de la CWT tout en l’associant avec une ondelette analytique. Dans ce cas, on doit ajuster les équations (20b) pour des signaux discrets 𝑥𝑡 :

𝑥̂ (𝑓) = {𝑎 𝑥 ̂ (𝑓) 𝑠𝑖 𝑓 = 0 𝑒𝑡 𝑁/2 2 𝑥 ̂ (𝑓) 𝑠𝑖 0 < 𝑓 < 𝑁/2 0 𝑠𝑖 𝑁 2 < 𝑓 < 𝑁 (20𝑐)

Nous réécrivons l’équation (10) sous une forme discrète en temps :

𝑊(𝑠, 𝜏) = ∑ 𝑥𝑡 √𝛿𝑡/𝑠 𝜓∗( (𝜏 − 𝑡) 𝛿𝑡 𝑠 ) 𝑁−1 𝜏=0 (29)

√𝛿𝑡/𝑠 permet d’assurer la normalisation de la variance d’après Torrence et Compo (1998).

La reconstruction de la série s’effectue en sommant, à un instant, les parties réelles des coefficients d’ondelettes de chaque échelle s.

En théorie cette équation s’effectue dans le domaine temporel (à chaque instant du temps), ce qui amène à répéter N fois la relation ci-dessus sur chaque échelle fréquentielle s, soit N*s itérations. On peut réduire le nombre de calculs en basculant dans le domaine fréquentiel de Fourier et en utilisant le théorème de convolution. De cette manière, on réalise ‘’seulement’’ N fois l’équation (29) pour obtenir la transformée en ondelettes 𝑊(𝑠, 𝜏) qui est la transformée inverse de Fourier du produit de convolution.

En notant 𝑥̂𝑓, la transformée discrète de Fourier de la série 𝑥𝑡, on peut écrire :

𝑊(𝑠, 𝜏) = √𝛿𝑡/𝑠 ∑ 𝑥̂𝑓 𝑁−1

𝑓=0

𝛹̂𝜏,𝑠∗(𝑠𝑤𝑓) 𝑒(𝑖𝑤𝑓 𝑡 𝛿𝑡 ) (29𝑏)

Avec 𝑤𝑓 la fréquence angulaire liée à 𝑓 telle que

𝑤𝑓= { 2𝜋 𝑓 𝑁 𝛿𝑡 𝑠𝑖 𝑓 ≤ 𝑁/2 −2𝜋 𝑓 𝑁 𝛿𝑡 𝑠𝑖 𝑓 > 𝑁/2 (29𝑐)

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Les équations (29) et (29c) impliquent aussi une répartition de l’énergie du signal discret représentée par le scalogramme |𝑊(𝑠, 𝜏)|².

La discrétisation en temps des ondelettes est la résultante du caractère discret des variables à décomposer. Puisque le temps n’est plus continu certaines échelles s perdent de leur utilité pour l’interprétation. Il est alors nécessaire de définir convenablement un ensemble de taille J traduisant les échelles fréquentielles 𝑠𝑗 retenues. Un ensemble d’échelle indique le ‘’raffinement en fréquence’’ de la transformation en spécifiant les fréquences retenues et leurs nombres. Il est devenu commun d’exprimer les échelles comme des multiples de 2 en utilisant une grille dyadique. La prise en compte d’échelles intermédiaires permet alors de moduler la précision fréquentielle.

Rioul et Duhamel (1992) commencent par définir 𝑠0 la plus petite échelle réalisable compte tenu du pas temporel telle que 𝑠0 = 2𝛿𝑡. Ils montrent, par la suite, qu’en prenant un ensemble d’échelle trop restreint on tend vers une version particulière des transformations en ondelettes appelée Discrete Wavelets Transforms (DWT). Un ensemble fréquentiel large couvre, à l’opposé, la totalité des fréquences et se rapproche de la CWT.

Le choix de 𝑠𝑗 dépend du caractère orthogonal des ondelettes comme l’indique Farge (1992). Un ensemble discret d’échelles est nécessairement sélectionné en cas d’ondelettes orthogonales, ce qui amène à la DWT. Dans le cas des ondelettes continues qui sont non- orthogonales, cet ensemble d’échelle peut être choisi arbitrairement pour régler à sa convenance le niveau de résolution en fréquence.

Pour considérer un nombre d’échelles intermédiaires plus important, dans le cadre de la CWT, Lau et Weng (1995) puis Torrence et Compo (1998) donnent des formules pour déterminer les valeurs optimales de 𝑠𝑗 𝑒𝑡 𝐽 pour réaliser une CWT à la fois plus complète etplus rapide en calcul tout en ayant la possibilité de choisir son degré de résolution :

𝑠𝑗 = 𝑠0. 2 𝑗 𝛿𝑗 ∀ j = 0, … . J (30) 𝐽 = 1 𝛿𝑗 ⌊𝐿𝑜𝑔2( 𝑁𝛿𝑡 𝑠0 )⌋ = 1 𝛿𝑗 ⌊𝐿𝑜𝑔2( 𝑁 2)⌋ (30𝑏) ⌊… ⌋ renvoie à la partie entière

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Dans ces formules 𝛿𝑗 représente le pas fréquentiel, et il détermine le nombre d’échelles intermédiaires. L’exemple suivant illustre plus clairement les différentes échelles fréquentielles.

En fixant le pas temporel 𝛿𝑡 à 1, il vient 𝑠0 = 2. En considérant l’échelle dyadique, l’échelle 1 est égale à 𝑠1 = 2. 𝑠0 = 4𝛿𝑡 = 4 puis l’échelle 𝑠2 = 8 et etc … dans ce cas, on ne considère aucune échelle intermédiaire entre 2 et 4. Comme nous le verrons ultérieurement, ce cas constitue la base de la DWT car le ‘’raffinement’’ fréquentiel (maillage en fréquence) est relativement limité.

On applique ici la formule (30) avec 𝛿𝑗 = 0.5. L’échelle 𝑠0 reste identique mais 𝑠1 = 𝑠0. 20.5 = 2.83 ≠ 4 et 𝑠

2 = 𝑠0. 22∗0.5 = 4 ≠ 8, nous considérons une échelle intermédiaire entre 2 et 4. L’échelle dyadique revient à fixer un pas fréquentiel égal à 1.

On peut alors déterminer le degré de résolution de notre CWT par le choix de 𝛿𝑗 qui considère

(1

𝛿𝑗− 1) échelles intermédiaires entre deux échelles dyadiques. Dans ce sens plus 𝛿𝑗 est

faible, plus on considère un nombre élevé d’échelles intermédiaires conduisant à un maillage fréquentiel 𝑠𝑗 plus fin et très précis mais au prix d’une mise en œuvre complexe et lente. La valeur de 𝛿𝑗 est liée à l’ondelette-mère utilisée dans la décomposition car celle-ci peut être limitée dans sa localisation temporelle ou fréquentielle. L’ondelette de Morlet, en ce sens, est bien équilibrée mais 𝛿𝑗 ne doit pas dépasser 0.5 pour garantir un ‘’bon’’ ensemble d’échelle.

Comme nous venons de le constater l’ensemble d’échelle 𝑠𝑗 (et J) correspond au paramètre de dilatation de l’ondelette-mère et fournit les coefficients d’ondelettes sur les niveaux de fréquences retenues. L’interprétation de ce paramètre n’a pas de sens en dehors de l’aspect purement mathématique, contrairement à la fréquence ou à la période de l’analyse de Fourier. Il est nécessaire de convertir l’échelle en période afin d’interpréter les résultats plus facilement.

Meyers et al (1993) proposent d’introduire dans l’équation de l’ondelette-mère une fonction de période définie (une cosinusoide) d’en réaliser la CWT puis d’identifier l’échelle s maximisant la puissance spectrale. Cette méthode revient à chercher le « pic » du scalogramme qui indique que l’ondelette et la cosinusoide sont fortement corrélées et donc de périodes identiques. Ils arrivent ainsi à déterminer un facteur de conversion, noté FC, permettant de transcrire l’échelle s en période T :

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𝑇𝑗 = 𝑠𝑗 ∗ 4𝜋 𝑓0+ √2 + 𝑓2 0 (31) 𝐹𝐶 = 4𝜋 𝑓0+ √2 + 𝑓2 0 (31𝑏)

Ces formules ne sont valides que pour l’ondelette de Morlet, en considérant 𝑓0 = 6 on obtient un facteur de conversion de 1.033.

La sélection de l’ensemble d’échelle implique, par ailleurs, une perte d’information car l’échelle maximale retenue est 𝑠𝐽. L’information contenue dans les échelles 𝑠𝑎 ∀ a > J n’est pas considérée lors de la reconstruction du signal. On doit prendre en compte une approximation 𝐴𝐽 qui concentre l’information pour les échelles 𝑠𝑎 . On définit, à cet effet, une fonction d’échelle particulière notée 𝜙(𝑡) tel que :

𝜙𝜏,𝑠(𝑡) = 1 √𝑠𝐽𝜙 ( 𝑡 − 𝜏 𝑠𝐽 ) (32)

Ce filtre est aussi normalisé ‖𝜙‖ = 1

On peut alors calculer l’approximation comme suit :

𝐴𝐽 (𝑠, 𝜏) = { 〈 𝑥(𝑡) , 1 √𝑠𝜙 ∗(𝑡 − 𝜏 𝑠 )〉 = 𝑥𝑡⋆ 𝜙̅̅̅ 𝑑𝑎𝑛𝑠 𝑙𝑒 𝑐𝑎𝑠 𝑐𝑜𝑛𝑡𝑖𝑛𝑢 𝑔𝑙𝑜𝑏𝑎𝑙𝑠 〈 𝑥𝑡 , √𝛿𝑡/𝑠 𝜙∗( (𝜏 − 𝑡) 𝛿𝑡 𝑠 )〉 = 𝑥𝑡⋆ 𝜙̅̅̅ 𝑝𝑜𝑢𝑟 𝑙𝑎 𝐶𝑊𝑇 𝑑𝑖𝑠𝑐𝑟é𝑡𝑖𝑠é𝑒𝑠 (32𝑏)

La reconstruction de la série suit alors la même logique que l’équation (14).

𝑅𝑥(𝑡) = 1 𝐶𝜓∑ 𝑊(𝑠, . ) ⋆ 𝜓𝑠(𝑡) 𝐽 𝑠 + 1 𝐶𝜓𝑠𝐽 𝐴𝐽 (𝑠, . ) ⋆ 𝜙̅̅̅̅ (33) 𝑠𝐽

Sous cette forme, la transformation en ondelette apparait comme un filtre Passe-Bande avec 𝝍(𝒇) le filtre Passe-Haut et 𝝓(𝒇) le Passe-Bas.

L’utilisation de 𝜙(𝑓) pour la CWT dépend directement du choix de s et J et permet une implémentation rapide. Cette fonction d’échelle porte aussi le nom d’ondelette-père, son

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utilité réside surtout dans le cas totalement discret et de son implémentation dans le cadre d’une l’analyse multirésolution.

La Transformation Continue est une représentation théorique des ondelettes mais elle nécessite de nombreux calculs même sous ses formes discrétisées car elle fournit énormément de coefficients d’ondelettes dépendant de s et 𝜏 et de leurs pas. Son utilisation pratique demande une puissance de calcul importante qui n’était pas disponible lors de sa théorisation. Des versions totalement discrètes des transformations en ondelettes ont alors été développées afin de réduire les temps de calculs et de simplifier son implémentation pratique.