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Vers une analyse exergétique : efficacités exergétiques

6.3

Vers une analyse exergétique : efficacités exergétiques

Les bilans exergétiques permettent de quantifier et localiser les pertes exergétiques et les irréver- sibilité d’un procédé de manière automatique. Malgré tout, l’évaluation des performances énergé- tiques d’un système, et surtout l’identification des opérations unitaires ou des zones de procédés présentant les plus forts potentiels d’amélioration, passe nécessairement par l’évaluation d’un cri- tère de performance adimensionnel et indépendant des flux matière et de travail traités. Il apparaît ainsi essentiel d’être capable d’exploiter les données d’irréversibilités et de pertes externes pour en exprimer un terme d’efficacité exergétique.

Depuis le début des années 50, nombreux sont les auteurs à avoir proposé tour à tour leur propre définition et/ou formulation de l’efficacité exergétique. Un état de l’art renforcé par une analyse critique de l’ensemble des formulations proposées dans la littérature sont rigoureusement détaillés dans un de nos articles récents disponible en annexe (Gourmelon et al., 2015). Aussi nous ne présenterons ici qu’un résumé et les conclusions associées. Le tableau 6.3dresse un récapitulatif de notre analyse.

Tableau 6.3 – Récapitulatif des efficacités exergétiques de la littérature

Type Auteur(s) Formulation

En

trée-sortie

Grassmann(1950) Exergie sortante Exergie entrante

Szargut et al.(1988) Exergie sortante utile Exergie entrante

Gong & Wall(1997)

Pro

duit

-Consomm

é

Baehr(1968) Exergy increases Exergy decreases

Kotas(1985) Desired output

Necessary input

Szargut et al.(1988) Useful exergetic effect Driving exergy

Sorin & Brodyansky(1992) Exergy out - Transit Exergy in - Transit

Tsatsaronis(1993) Product Exergy Fuel Exergy

Marmolejo-Correa & Gundersen(2015) Exergy sink Exergy Source

Feng et al.(1996) Product Exergy

Fuel Exergy - Unavoid. Ex. Dest.

Tsatsaronis & Park(2002)

Comme suggéré parLior & Zhang(2007),Marmolejo-Correa & Gundersen(2012a) etNguyen et al. (2014), et illustré à travers letableau 6.3, il est possible de classer les différentes formulations selon deux catégories :

Chapitre 6

• L’ efficacité "entrée-sortie", ou totale est définie comme le ratio des exergies sortantes sur les exergies délivrées au système.

• L’ efficacité "produit-consommé" se calcule comme le ratio des exergies associées aux produits générés par le système sur les exergies consommées/dépensées.

En complément des études précédentes, une comparaison de ces efficacités a été menée dans le but de définir l’efficacité exergétique la plus adaptée à l’implémentation dans le simulateur ProSimPlus R. Cette dernière s’appuyant sur des exemples typiques issus du génie chimique est

présentée dans (Gourmelon et al.,2015) disponible en annexe H.

Il ressort de cette comparaison que l’efficacité simple, définie comme le ratio de l’exergie sortante sur l’exergie entrante, est la formulation la plus aisément implémentable dans un simulateur. Cependant, cette efficacité qui repose sur l’évaluation des bilans tels que définis par l’équation (6.2), peut conduire à des valeurs non-pertinentes et par conséquent conduire à des conclusions erronées (Marmolejo-Correa & Gundersen,2012a;Cornelissen,1997). En effet, il a été démontré que la sensibilité de l’efficacité simple diminue avec l’augmentation de la quantité d’exergie "inerte" alimentant le système. Néanmoins, comme mentionné parTsatsaronis(1993), cette approche peut être utilisée avec satisfaction pour évaluer l’efficacité exergétique d’un procédé lorsque celui-ci est composé d’un grand nombre d’opérations unitaires.

L’efficacité simple présente le même problème que la représentation graphique de Grass- mann présentée plus tôt. Plus la quantité d’exergie entrante que l’on peut qualifier d’inerte pour la transformation est importante, moins l’efficacité simple, et le diagramme de Grassmann sont pertinents pour l’analyse.

Dans le but de définir une efficacité exergétique plus informative, des auteurs se sont appuyés sur la formulation des bilans exergétiques fournie par l’équation (6.7). Les exergies entrante et sortante sont respectivement remplacées par les exergies "consommé" et "produit". On note que la manière de calculer les exergies "produit" et "consommé" peut différer selon les auteurs (Gourmelon et al., 2015). On retrouve ainsi les efficacités "Fuel-Product" (Lazzaretto & Tsatsaronis,2006;Tsatsaronis, 1993), l’efficacité rationnelle (Kotas,1985), l’efficacité intrinsèque (Brodyansky et al.,1994), etc.

Bconsommé= Bproduit+ I + Boutwaste (6.7)

Ces efficacités se révèlent bien plus pertinentes que l’efficacité simple. L’efficacité "fuel-product" (Tsatsaronis, 1993) est définie comme le rapport de l’augmentation désirée d’exergie à la dimi- nution d’exergie à laquelle on soustrait l’augmentation subie d’exergie. Bien que cette efficacité semble être la formulation la plus correcte (Lazzaretto & Tsatsaronis, 2006; Tsatsaronis, 1993), elle nécessite une définition préalable de l’objectif principal de l’opération unitaire de la part de

6.3 Vers une analyse exergétique : efficacités exergétiques

l’ingénieur (Lazzaretto & Tsatsaronis,2006). Aussi, cette définition est difficilement automatisable et implémentable dans un simulateur de procédé.

A quelques nuances prêts, les efficacités "Sink-Source" (Marmolejo-Correa & Gundersen,2015) et rationnelle (Kotas, 1985) sont relativement similaires. Les différences entre les formulations reposent essentiellement sur l’interprétation que l’on fait des résultats (Marmolejo Correa,2013). Les résultats de l’étude réalisée parMarmolejo Correa (2013) sont disponibles en annexeF. Bien que pertinentes, ces formulations nécessitent l’intervention de l’utilisateur pour définir les exergies produites et consommées.

Parfois jugée trop calculatoire (Ghannadzadeh et al.,2012), l’efficacité intrinsèque deBrodyansky et al.(1994) semble pourtant être la bonne alternative à l’efficacité simple pour l’intégration dans un simulateur. A la différence des autres efficacités du même type ("fuel-product" (Tsatsaronis, 1993), rationnelle (Kotas, 1985), etc.), elle considère toute augmentation d’exergie comme utile (Gourmelon et al.,2015).

L’exergie produite ∆Bproduced est alors égale à l’augmentation d’exergie. La réduction d’exergie correspond pour sa part à la consommation d’exergie. (Équation (6.8)). Reposant sur le concept d’exergie de transit Btr (Kostenko,1983), cette formulation permet de calculer de manière auto- matique les quantités d’exergie produite et consommée par un système. Les auteurs retirent ainsi toute la subjectivité de la décision de l’utilisateur quant à la fonction du système étudié.

ηint= ∆Bproduced ∆Bconsumed = augmentation d’exergie diminution d’exergie = Boututilized− Btr Bin− Btr (6.8) 𝐵𝑖𝑛 𝐵𝑜𝑢𝑡 𝐵𝑜𝑢𝑡𝑤𝑎𝑠𝑡𝑒 𝐵𝑤𝑎𝑠𝑡𝑒,𝑡𝑟 𝐵𝑜𝑢𝑡𝑢𝑡𝑖𝑙𝑖𝑠𝑒𝑑 𝐵𝑡𝑟 𝐵𝑢𝑡𝑖𝑙𝑖𝑠𝑒𝑑,𝑡𝑟

System

I ∆ 𝐵 𝑐𝑜𝑛 𝑠𝑢 𝑚 𝑒𝑑 ∆ 𝐵 𝑝 𝑟𝑜𝑑 𝑢𝑐𝑒𝑑

Chapitre 6

L’exergie de transit correspond à l’exergie alimentant un système et le traversant sans jamais participer aux transformations physico-chimiques s’y déroulant. Cela peut par exemple correspondre à l’exergie portée par un inerte dans une réaction chimique, ou alors la totalité de l’exergie chimique dans un échange de chaleur.

Bien que cette efficacité soit prometteuse, la formulation de l’exergie de transit introduite par Brodyansky et al.(1994) n’est pas implémentable en l’état dans un simulateur de procédé.

Dans leur méthodologie, Ghannadzadeh et al. (2012) ont préféré utiliser l’efficacité rationnelle de Kotas (1985), plus simple à calculer que l’efficacité intrinsèque. On rappelle que l’efficacité rationnelle se définit selon l’équation (6.9).

Efficacité Rationnelle = Effet exergétique désiré

Effet nécessaire (6.9)

D’après sa formulation, l’efficacité rationnelle nécessite la définition préalable de l’effet désiré (correspondant à l’exergie "produit"). L’effet nécessaire (exergie "consommé") est ensuite calculé par bilan (Équation (6.10)).

Effet nécessaire = Effet désiré + I + Boutwaste (6.10)

Pour illustrer le calcul de l’efficacité rationnelle sur des opérations unitaires, considérons le com- presseur K-101 du procédé ammoniac.

Compresseur K-101

Concernant le compresseur, la définition de l’effet désiré n’est pas immédiate. Correspond-t-il simplement à l’augmentation de pression, ou doit-on également y inclure l’augmentation de la température ? Deux formulations de l’efficacité rationnelle sont possibles suivant choix effectué.

• Choix 1 : L’effet désiré ne correspond ici qu’à l’augmentation de pression. Dans ce cas, l’effet désiré ne réside que dans l’augmentation de l’exergie mécanique du flux. On a donc :

(effet désiré)#1K−101 = BS02∆P− BS01∆P On en déduit ensuite par bilan :

(effet nécessaire)#1K−101 = WK−101+ B∆TS01− B∆T

S02+ BS01ch − BS02ch