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Vers un nouveau système monétaire international ?

Dans le document Le système monétaire international (Page 16-19)

3.2.1 Le retour d’un dilemme de Triffin ? 3.2.1.1 Les actifs sûrs

Un actif sûr est un actif financier dont la valeur reste constante voire augment en cas de crise.

R. Caballero, E. Farhi et P-O Gourinchas (On the global ZLB economy, 2015) montrent que les déséquilibres courants proviennent des différences de capacité des pays à produire des actifs sûrs (comme des bons du trésor américain), fortement demandé par les marchés financiers. Cette pénurie d’actif sûrs a conduit à creuser les déséquilibres extérieurs, en particulier le déficit budgétaire américain. Les afflux de capitaux des pays émergents vers les pays producteurs d’actifs sûrs (les États-Unis notamment, mais aussi le Japon) font pression à la baisse sur les taux d’intérêts, et incitent à l’émission de titres de dettes publiques, et donc au creusement du déficit.

3.2.1.2 Le nouveau dilemme de Triffin

Dans le système monétaire international, les bons du Trésor américain ont remplacé le rôle de l’or dans Bretton Woods. Les liquidités au niveau international sont assurés en partie par l’existence d’un large déficit courant américain. Cependant, E. Farhi et M. Maggiori (The New Triffin Dilemma, 2017) soulignent que la stabilité du système, et en particulier dans la valeur du dollar, repose précisément dans la confiance dans le système fiscal américain. À long terme, la seule façon pour les États-Unis de répondre à la croissance de la demande mondiale d’actifs sûrs est d’accroître leurs capacités budgétaires et financières, ce qui risque d’ébranler la confiance des investisseurs dans le dollar (anticipation d’une dépréciation passée un certain seuil de déficit) et de déclencher une volatilité et des crises autoréalisatrices.

De plus, la prééminence du dollar est amenée en partie à s’affaiblir avec la montée des pays émergents et de l’Europe dans le commerce mondial.

3.2.1.3 Pourquoi le dollar pose problème pour que le système monétaire international soit réellement efficace ?

La détention de liquidité est un protection contre les incertitudes de l’économie marchande, mais également un pouvoir d’achat. Depuis 2008, la liquidité internationale en dollars a explosé et inondé les secteurs privés des pays émergents, principalement sous forme obligataire. L’asymétrie d’un système fondé sur le dollar crée un problème : les États-Unis n’adaptent pas leur objectifs avec la demande de liquidité international, de manière à assurer un équilibre. L’endettement international devient excessif, pouvant conduire à une crise financière (comme en 2008). Cette abondance de liquidité tient avant tout à l’existence de déséquilibres courants.

Quelles pistes pour pouvoir proposer une alternative au dollar ?

3.2.2 Quelles alternatives au dollar ? 3.2.2.1 Définir une monnaie internationale

Il existe cinq grandes conditions pour qu’une monnaie devienne internationale (A. Bénassy-Quéré et al, 2016) : être émise par un grands pays ou une grande zone monétaire, être utilisée comme moyen de paiement inter-national, être stable sur le plan interne (faible inflation) et externe (taux de change stable), environnement réglementaire assurant la stabilité financière, et disposer d’un fort pouvoir non-économique (politique, mili-taire).

3.2.2.2 Un recours plus fréquent aux DTS ?

Le yuan est entré dans le panier de référence du DTS en 2015, et a conforté sa position en septembre 2021.

Le DTS, à l’échelle internationale, a l’avantage de permettre une diversification des réserves, d’augmenter les liquidités internationales et de rendre le système plus multilatéral. Il donne potentiellement au FMI un rôle de prêteur en dernier ressort au niveau international, et limiterait en partie l’accumulation de réserves américaines.

Pour M. Aglietta (2019), le DTS a un rôle potentiel très important pour rénover le système monétaire international :

• Le rôle du DTS est très modeste, car il a été artificiellement contraint dans ses conditions d’utilisation par le veto américain à la suite des accords de la Jamaïque. Une utilisation plus importante des DTS limiterait la dépendance des Banques centrales vis-à-vis du dollar, en diversifiant les réserves de change.

• Grâce au DTS, le FMI pourrait jouer un rôle de prêteur en dernier ressort légitime et équitable. En effet, le DTS est un actif qui n’est associé à la dette d’aucun pays, et éviterait la concurrence entre devises-clés. Cependant, cela nécessiterait une refonte du FMI, en réduisant le pouvoir de décision des États-Unis, de sorte à pouvoir éliminer définitivement le privilège exorbitant du dollar.

3.2.2.3 Pourquoi l’euro ne s’internationalise pas ?

Si J. Delors déclarait « Le petit euro deviendra grand », la place de l’euro dans les échanges internationaux est toujours la même en 2021 qu’en 2002. Pour B. Coeuré (2019), l’euro a trois grandes lacunes pour devenir réellement une monnaie internationale :

• la capacité de l’euro à servir d’actif sûr, c’est-à-dire être une valeur de réserve crédible pour les acteurs financiers. Ainsi, l’absence d’une émission d’obligations propres à la zone euro (à l’image des États-Unis), qui jouerait le rôle de dette liquide et sans risque, dessert la monnaie, et la crise des dettes souveraines n’a pas réussi à crédibiliser l’euro au niveau international. Sur ce point, la crise du COVID-19 a conduit la zone euro a émettre sa première obligation commune, à hauteur de 750 milliards.

L’impact sur le statut de monnaie internationale de l’euro n’a pas encore été évalué, et dépendra de la capacité à de la zone à continuer vers le fédéralisme budgétaire, sur le modèle américain.

• les marchés des capitaux sont segmentés au sein de la zone euro : il faudrait des marchés profonds et liquides pour parvenir à atténuer les risques.

• la faiblesse politique de l’Europe sur le plan international

Pour E. Ilzetzki et al. (2020), le manque de puissance technologique, financière, géopolitique de l’Europe sont des handicaps majeurs pour l’internationalisation de l’euro. Pour C. Grekou (2020), la place de l’euro est amenée à rester la même à moins de construire un marché de titres de dette mutualisée, et de concurrencer les bons du Trésor américains avec des bons du Trésor proprement européen. B. Eichengreen (2011) parle « d’une monnaie sans État ».

3.2.2.4 Le yuan/renminbi

Si la Chine tend à une plus grande internationalisation du renminbi (introduction du yuan dans le panier des DTS en 2015), cette monnaie reste étroitement lié au dollar. L’essentiel des échanges de la Chine se fait en dol-lar, et la majorité des réserves de changes sont composées de bons du Trésor américain. L’internationalisation du yuan suppose un renforcement de ses marchés financiers à terme, le lancement de ses propres contrats à terme libellés en renminbi, en particulier sur le marché pétrolier, et la création du zone yuan en Asie où la monnaie serait plus utilisée.

La Chine essaie de s’imposer dans la finance mondiale, par des plans d’investissements importants (à hauteur de 400 et 450 milliards en Europe et en Afrique entre 2013 et 2017), et finance des Banques de développement dans la zone Asie. Son objectif est de jouer un rôle de prêteur international. La devise chinoise reste minoritaire néanmoins dans les flux financiers, même si l’utilisation du nombre d’institutions financières utilisant le yuan a augmenté de 11 % entre juillet 2017 et juillet 2019.

L’internationalisation du yuan passera nécessairement par le recentrage de la Chine sur sa demande intérieure, avec une réduction de ses excédents courants.Enfin, la politique de change chinoise devra s’adapter, et laisser le yuan flotter plus fortement, et le pays s’ouvrir aux mouvements de capitaux plus fortement, ce qui n’ira pas sans déstabilisation de l’économie.

3.2.3 Quelles réformes ?

3.2.3.1 Réduire les déséquilibres

E. Farhi (2019) propose un retour aux idées du plan Keynes, où le FMI pourrait agir à titre de chambre de compensation et de garant pour les lignes bilatérales de crédit réciproque, ou offrir ses propres services de crédit réciproque à court terme. L’idée serait de permettre l’équilibrage des déséquilibres courants, et assurant la stabilité du système financier. Cette idée est toutefois radicale et peu susceptible d’être acceptée.

3.2.3.2 Gérer la volatilité accrue

Un système multipolaire pourrait être générateur d’instabilité financière si des monnaies internationales devenaient fortement substituables entre elles, et on pourrait revenir à une forme de « loi de Gresham ».

Pour gérer le trilemme de Mundell, ou plutôt le dilemme de Rey, O. Blanchard (Currency wars, coordination, and capital control, 2016) considère que l’optimum serait la coordination des politiques monétaires afin d’éviter les externalités négatives sur les taux de change. En pratique, cette coordination est très difficile, et les pays n’ont pas forcément intérêt à coordonner leurs politiques monétaires en raison de cycles économiques différents. Ce faisant, il vaut mieux régler ses problèmes intérieurs par la politique monétaire, tout en restant en changes flottants, et mettre en œuvre des contrôles de capitaux pour se prémunir contre les risques associés aux variations des taux d’intérêts.

3.2.3.3 La guerre des monnaies en situation de faibles taux d’intérêts

Pour R. Cabellero et E. Farhi. (2015), considèrent que la rareté d’actifs non risqués est une cause des déséquilibres globaux ayant conduit les pays à une situation d’excès d’épargne. Selon les auteurs, lorsque les investisseurs sur les marchés financiers ont du mal à trouver des actifs sûrs dans lesquels placer leur épargne, cette dernière devient élevée et fait baisser les taux longs. Ces taux ne peuvent pas « percer » la barrière zéro (ils ne peuvent pas rester négatifs durablement). Dans ce cas, c’est la production (au lieu du taux d’intérêt) qui s’ajuste pour équilibrer l’épargne et l’investissement. En économie ouverte, à défaut de pouvoir faire baisser les taux d’intérêt, les gouvernements peuvent empêcher la production de baisser en ajustant leur taux de change, ce qui conduit à une « guerre » des monnaies illustrée par des dévaluations compétitives. Les dévaluations deviennent des stratégies pour exporter son chômage en quelque sorte.

Pour O. Jeanne (2018), une guerre des monnaies peut avoir un positif sur le bien-être national, à la différence d’une guerre tarifaire. Cependant, pour A. Bénassy-Quéré et al. (Trade and currency weapons, 2021), la trappe à liquidité limitant fortement la possibilité de dévaluer sa monnaie par la politique monétaire, un pays réagira d’autant plus facilement par une montée des barrières douanières qu’une dépréciation de sa monnaie (la possibilité étant exclue).

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