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Le Gold Exchange Standard (GES) et la crise du SMI dans les années 1930

Dans le document Le système monétaire international (Page 6-11)

1.2.1 De la première guerre mondiale à la Conférence de Gênes 1.2.1.1 L’inflation post-guerre mondiale

Pour J. M . Keynes (How to pay for the War, 1940), il y a trois façons de financer la guerre : liquider les créances détenues sur l’étranger, emprunter et émettre de la monnaie. Le recours à ce dernier moyen a conduit à une inflation massive, conduisant à un abandon de l’étalon-or (au vu du manque de réserves d’or pour financer les dépenses de guerre). Les importations massives des pays européens conduisent à liquider des créances, faire des transferts d’or et des emprunts auprès des États-Unis. Ce pays devient alors créancier net du monde, et détient 50 % du stock d’or mondial dans les années 1910 (et 30 % dans les années 1920), et New York devient une place financière concurrente à celle de Londres.

1.2.1.2 Les principes de la conférence de Gênes

En 1922, la conférence de Gêne réunit les pays membres de la Société Des Nations pour organiser un retour à l’étalon-or au niveau international, en dépit des risques de manque d’or. Le nouveau système est un étalon de change-or (Gold Exchange Standard) reposant sur des devises-clés, qui sont les seules à pouvoir être convertibles en or (livres-sterling et dollar principalement). De plus, la convertibilité interne de la monnaie en lingot est limitée, et réservée principalement aux Banques centrales dans le cadre de transactions internationales. Ce système permet d’accroître les liquidités internationales tout en gardant une référence à l’or.

1.2.1.3 Des retours difficiles à l’étalon-or Pour le Royaume-Uni :

En 1925, afin de retrouver sa suprématie par rapport aux dollars et d’éviter un risque de dépréciation ainsi que de perte de confiance dans la valeur de la monnaie, le Royaume-Uni revient à la convertibilité-or de la livre au taux d’avant-guerre. La réévaluation de la monnaie passe par une politique de déflation coûteuse sociale (taux de chômage élevé, déclin industriel amorcé par la perte de compétitivité-prix à l’international) pour J. M. Keynes (Economic Consequences of Sterling Parity, 1925), décrivant l’or comme « une relique barbare ».

Pour l’Allemagne :

Le financement monétaire de l’effort de guerre puis des réparations dues par le Traité de Versailles (1919) conduit à une hyperinflation, atteignant un pic en 1923 (où 1$ = 1200 milliards de marks). Le ministre

de l’Économie, H. Schacht, crée le rentenmark, une monnaie de substitution, grâce à un emprunt garanti par une hypothèque de 6 % sur tous les biens agricoles, industriels et immobiliers du pays, permettant de restaurer la confiance dans la monnaie (ainsi que le plan Dawes de 1924 qui permet un moratoire sur les dettes). Ensuite, par une politique déflationniste et un retour à l’équilibre budgétaire, le reischmark, créé en 1924, devient convertible en or.

Pour la France :

L’arrivée du Cartel des gauches en 1925 inquiète les milieux d’affaires et entraîne une fuite massive des capitaux. Comme le franc flotte sur le marché des changes, les francs sont échangés contre des livres massivement, conduisant à une forte dépréciation du franc. L’arrivée de R. Poincaré en 1926 permet, par des mesures déflationnistes (relèvement du taux d’escompte, augmentation des impôts, suppression d’emplois de fonctionnaires) et des accumulations de réserves, de rétablir la stabilité du Franc, et de revenir à la convertibilité or en 1928.

1.2.2 L’échec du GES

1.2.2.1 Les dévaluations de la livre et du dollar

Face au creusement de ses déficits et à des sorties d’or importantes, la Grande-Bretagne suspend la convertibilité-or le 21 septembre 1931, permettant à la livre de se déprécier, et au pays de regagner une meilleure compétitivité-prix pendant la crise des années 1930.

Dans la mesure où de nombreux pays procèdent à dévaluations compétitives et prennent des mesures protec-tionnistes, la conférence de Londres (juillet 1933) procède d’une volonté d’arrêter à la « guerre des monnaies

». Cependant, c’est un échec, car le dollar flotte depuis avril 1933. Pour F. D. Roosevelt, « la solidité du système économique d’une nation est un facteur beaucoup plus grand de son bien-être que le prix de sa monnaie en devises d’autres pays ». Le Gold Reserve Act (janvier 134) fixe une parité de 35$ avec l’once d’or, ce qui revient à une dévaluation du dollar de 60 %.

1.2.2.2 Le bloc-or

A partir de 1933, la France ainsi que la Belgique, l’Italie, la Suisse, les Pays-Bas et la Pologne adoptent une stratégie différente : ils forment le bloc-or (maintien de la parité-or et de la convertibilité) jusqu’à ce que la déflation les pousse à abandonner cette stratégie (dévaluation du franc en 1936, sous le Front populaire).

1.2.2.3 Les raisons d’un échec

Selon P. Temin (Lessons from the Great Depression, 1989) , le système monétaire international de l’Entre-Deux guerre est la cause fondamentale de la dépression des années 1930. Le système, reposant sur l’étalon-or, s’est en effet révélé être un système asymétrique. Les pays connaissant des déficits courants (Europe centrale, Amérique latine) étaient contraints à la déflation, via notamment des hausses de taux d’intérêt, dans la mesure où leurs réserves d’or étaient insuffisantes pour défendre la parité de leurs monnaies. Les pays excédentaires, quant à eux, accumulaient des réserves de change (les E-U et la France représentent près de 70% des réserves d’or mondiales en 1932) tout en limitant l’inflation par des politiques de stérilisation (l’or est thésaurisé sans être monétisé ; les crédits à l’économie, donc la masse monétaire, n’augmentent pas).

Au total, on assiste à un assèchement des liquidités au niveau mondial et au maintien, voire à l’accentuation, des déséquilibres internationaux des balances des paiements

Pour C. Kindleberger (1973), un SMI doit s’appuyer sur une puissance hégémonique qui prend en charge le système. La Grande-Bretagne, à cette époque, voulait mais n’avait plus les moyens. Les Etats-Unis pouvaient mais ne voulaient pas (protectionnisme, et concurrence monétaire).

2 Le système de Bretton Woods

2.1 Fonctionnement et évolution du système de Bretton Woods

2.1.1 Constitution du système 2.1.1.1 Deux plans en concurrence

Le plan Keynes, anglais, propose des changes fixes ajustables, avec la possibilité de recourir de manière limitée au contrôle des changes afin de limiter la pression des mouvements spéculatifs, et à certaines mesures de contrôle commercial. Ce plan proposait également la création d’une Banque centrale internationale, émettant sa propre monnaie (le bancor), et créer un mécanisme de compensation internationale dont le rôle serait d’assurer le financement des déséquilibres des balances courantes en mettant en relations des pays excédentaires et déficitaires. Ceci aurait pour objectif d’éviter que les pays déficitaires aient à mener des politiques déflationnistes négatives pour l’emploi.

Le plan White, américain, propose un retour au Gold Exchange Standard, avec une seule devise-clé, le dollar, et un fonds de stabilité pour venir en aide aux pays avec des difficultés passagères de la balance courante.

Le plan White est retenu, et le mécanisme de compensation est rejeté. En revanche, le Fonds Monétaire International est créé afin d’assurer des prêts aux pays en difficultés.

2.1.1.2 Changes fixes et fin de la réglementation des changes

Les pays sont tenus de faire respecter une parité fixe par rapport à l’or et au dollar (35$ l’once d’or), et seul le dollar est convertible en or. Il y a une marge de fluctuation de l’ordre ± 1 %. La politique monétaire des États est totalement subordonnée à la stabilité des changes. En pratique, il est possible de laisser fluctuer le taux de change dans une borne allant jusqu’à ± 10 % afin de corriger un déséquilibre fondamental, avec l’accord du FMI.

L’objectif du système de Bretton Woods est la suppression des mesures de réglementation des changes (contrôle des changes, convertibilité limitée). Cependant, il est possible de pratiquer un contrôle provisoire des changes si l’économie est trop faible. C’est le cas des économies européennes jusqu’en 1958.

2.1.1.3 La prééminence du dollar

Les États-Unis détiennent 70 % des réserves d’or en 1945. Ce faisant, comme stipule la « lettre de Snyder » (1947) : les États-Unis s’engagent à fournir de l’or contre du dollar à la parité officielle. Ce faisant, les États doivent seulement assurer la parité fixe avec le dollar.

Le dollar a un rôle central dans le système de Bretton Woods. Comme le dit H. Bourguinat (1987) : « Le dollar de 1944 est le soleil autour duquel s’organisent les autres monnaies satellites ».

2.1.1.4 Le rôle du FMI

Le Fonds monétaire international a été créé par les accords de Bretton Woods sur le principe d’une caisse de solidarité. Chacun cotise au prorata de sa part dans le commerce international et dispose en contrepartie de possibilités d’emprunts (les droits de tirage) en cas de besoin. Cette cotisation, appelée « quote-part », est versée pour un quart en or et pour les trois-quarts en monnaie nationale. Les prêts sont libérés en cinq tranches de 25 (une cotisation de 100 donne droit à 125 de prêts) à conditionnalité croissante (le FMI impose progressivement aux pays emprunteurs les politiques d’ajustement destinées à résorber leur déficit extérieur, la caisse de solidarité devient alors un décideur).

Initialement, la quote-part des États-Unis représente 36 % des fonds. Comme les droits de vote sont en partie fonction de la quote-part, cela donne une très grande importance aux États-Unis dans le fonctionnement.

2.1.1.5 L’évolution du système

Le système de Bretton Woods a évolué en deux grandes phases, que l’on détaille dans les sous-parties suivantes :

Dans les années 1950, il y a une pénurie de dollar au niveau international (dollar gap), une forte hégémonie américaine et une régulation élevée.

Dans les années 1960, il y a un excès de dollar au niveau international (dollar glut), une concurrence croissante à l’hégémonie américaine et une régulation bien moindre.

2.1.2 Les années 1950 : dollar gap et coopération internationale 2.1.2.1 Une poignée de d’échange, et une poignée de dollars

Les échanges internationaux sont freinés par l’inconvertibilité des monnaies européennes, dont les économies ont été fragilisées par la guerre, et les échanges se font par des accords de clearing (convention entre deux pays aux termes de laquelle le produit des exportations d’un des pays est affecté au règlement de ses importations et qui tend à réaliser un équilibre des échanges entre les deux pays). Par ailleurs, la livre-sterling échoue à redevenir une devise-clé en 1947, en raison d’une demande de conversion en or trop importante (convertibilité suspendue, échec à retrouver le prestige de la période de l’étalon-or).

De 1946 à 1955, le déficit cumulé des paiements courants du reste du monde à l’égard des États-Unis s’élève à 38 milliards de dollars (soit plus que la totalité du stock d’or monétaire mondial), dont 96 % entre 1946 et 1949, d’où un immense besoin de dollars, et la crainte de sa pénurie, phénomène qualifié de « dollar gap », accentué par les restrictions sur les opérations de capital.

2.1.2.2 Le plan Marshall

Entre 1947 et 1951, les États-Unis consacrent 16,5 milliards de dollars (dont 11 milliards en dons) au rétablissement de 23 pays européens. En pratique, les milliards débloqués ne sont pas un don, mais un prêt accordé par des banques américaines avec une garantie des États-Unis. Le mécanisme retenu consistait à fournir un crédit à un État européen. Ce crédit devait servir à payer des biens et services provenant des biens et services provenant des États-Unis. L’État européen bénéficiaire encaissait en monnaie locale, le produit des ventes de ces importations sur son marché national, ainsi que les droits de douane afférents.

Parallèlement, cet État devait octroyer à des agents économiques nationaux (entreprises ou administrations) des crédits destinés à des investissements d’un montant deux fois supérieur au crédit qu’il avait lui-même reçu (système de la contre-valeur). L’État européen bénéficiaire devait en outre faire la preuve qu’il autofinançait sa part, sans recourir à la création monétaire, donc au moyen de l’impôt ou en recourant à des banques. Par ce montage, les États-Unis encourageaient un effort significatif d’équipement et d’épargne en Europe.

2.1.2.3 L’Union Européenne des Paiements

Les États-Unis poussent à la création de l’OECE (futur OCDE) en 1948, et en particulier la création de l’Union Européenne des Paiements (UEP). L’UEP fonctionne sous l’autorité de la Banque des règlements internationaux (BRI). C’est un organisme de compensation conjoint des règlements des paiements commer-ciaux des pays européens. La BRI organise des accords de clearing multilatéral (à la différence des accords bilatéraux avant 1950), en utilisant l’or comme unité de compte. L’idée est d’égaliser tous les soldes des

membres de l’UEP par des compensations multilatérales. Il est également possible de permettre des délais de paiement entre les créditeurs et les débiteurs, ce qui revient à accorder des crédits aux pays déficitaires grâce aux pays excédentaires. Cependant, passé un certain seuil, il est obligatoire de régler une partie du solde débiteur en or (20 % de solde débiteur), mais le pays disposera d’un certain nombre d’aides pour revenir à l’équilibre. Symétriquement, un pays excédentaire se voit versé une partie de sa créance au-delà d’un certain niveau. Néanmoins, l’objectif de l’UEP est de limiter à la fois les excédents et les déficits, à l’image du mécanisme imaginé par Keynes. Le retour à la convertibilité des monnaies met fin à ce mécanisme, qui a été couronné de succès.

2.1.3 Les limites du système dans les années 1960 2.1.3.1 Le dilemme de Triffin

R. Triffin (L’or et la crise du dollar, 1960) met en évidence un dilemme lorsqu’une monnaie nationale joue également le rôle de monnaie internationale.

• Soit les Etats-Unis ont une balance excédentaire, la valeur or du dollar n’est plus en péril, mais les autres pays voient leur réserve de dollars ou d’or diminuer ce qui menace à terme la croissance du commerce mondial.

• Soit les États-Unis ont un déficit régulier de leur balance des paiements, amenant une distribution de dollars au profit des autres internationales, mais à terme le crédit des États-Unis est affecté par la disproportion entre le montant des dollars en circulation et la quantité d’or sur laquelle la valeur de ces dolalrs est gagée

Le fonctionnement du GES repose sur une contradiction : pour qu’il fonctionne, il est nécessaire que les États-Unis acceptent une balance déficitaire, ce qui devait nécessairement provoquer à terme la remise en cause de la convertibilité or du dollar en or. R. Triffin parle d’un problème de confiance.

Ainsi, il y a un décalage croissant entre les réserves étrangères en dollar (en hausse) et les réserves d’or américaines (en baisse). Le rapport entre ces deux variables est inférieur à 1 jusqu’en 1964, et égal à 5 en 1971.

2.1.3.2 Deux causes principales à l’excès de dollar

La balance courante des États-Unis se détériore. En plus des volumes importants d’IDE afin de pénétrer

« la forteresse Europe », le rattrapage productif européen conduit à réduire les écarts commerciaux, et stimuler la demande d’importation au sein des Unis. D’une situation d’excédent courant, les États-Unis connaissent un premier déficit commercial en 1971. Ce déficit est accru par les dépenses, notamment la guerre du Vietnam et Medicare, financés en partie par la création monétaire et menant à un déficit de la balance des capitaux. Le maintien de la stabilité du dollar passe par des ventes d’or qui diminue les réserves du pays.

Le développement des eurodollars. Dans les années 1960, le Royaume-Uni interdit de prêter des livres en dehors de la zone sterling. La City trouve alors une alternative en prêtant ses avoirs aux dollars, qu’elle récolte d’autant plus facilement que la rémunération de dépôts est plafonnée aux États-Unis par la réglementation Q et le Glass-Steagall Act. La circulation des capitaux conduit à une diffusion massive d’euro-dollars. Ce mouvement est accentué par le rapatriement des avoirs en dollar de l’Union Soviétique des États-Unis vers l’Europe.

2.1.3.3 L’asymétrie du système

Le principe n-1. Le système d’étalon de change or est asymétrique. Les États-Unis ne sont pas tenus de défendre la valeur de leur monnaie, cette charge est laissée aux autres pays. Si dans une économie mondiale à n pays, une monnaie est prise comme étalon, alors il existe N-1 taux de change par rapport à cet étalon : dès que (n-1) Banques centrales interviennent sur les marchés des changes, les taux de change sont parfaitement déterminés. Le n-ième pays est donc dégagé de toute contrainte.

En outre, le dollar étant la monnaie internationale, les États-Unis peuvent financer leurs déficits extérieurs avec leur propre monnaie : la possibilité d’endettement est illimitée. Comme le déficit américain paraît impensable, cette anomalie n’est pas perçue. Pourtant, J. Rueff (Le péché monétaire de l’Occident, 1971) dénonce le droit de seigneuriage des États-Unis : « L’étalon de change-or a accompli cette immense révolution de livrer aux pays bénéficiant d’un prestige internationale le merveilleux secret du déficit sans pleurs, qui permet de prêter sans emprunter d’acquérir sans payer ». V. Giscard d’Estaing parle d’un « privilège exorbitant » (1974).

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