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De la tentative de sauvetage à la transition

Dans le document Le système monétaire international (Page 11-16)

2.2.1 De la tentative de sauvetage à la fin du système 2.2.1.1 Un parité fixe incohérente avec la situation actuelle

En plus des déséquilibres mentionnés (déséquilibres de la balance des paiements américaine, eurodollars), la parité fixée en 1945 ne correspond plus à la situation productive des pays, européens notamment. Le dollar est surévalué à mesure qu les autres pays gagnent compétitivité. Or, même si rien n’obligeait les États-Unis à dévaluer le dollar en termes d’or, cette parité continue d’être défendue alors même que la situation l’imposait, ils ont continué de le faire pour « conserver un prestige ».

De plus, les différentiels d’inflation exercent de fortes pressions sur les taux de change (cf. cours taux de change). Un système de changes fixes n’est viable qu’en situation de convergence des taux d’inflation, ce qui n’était pas le cas pendant cette période (croissance inflationniste française par exemple).

2.2.1.2 La constitution d’un pool de l’or

En 1960, à la suite d’achats d’or importants (dus à des mouvements spéculations) sur le marché libre de l’or à Londres, 8 Banques centrales mettent leurs réserves d’or en commun afin de maintenir la parité or-dollar sur le marché, et constituent « le pool de l’or ». Cependant, en 1968, le Pool de l’or n’arrive plus à défendre la parité de 35$ l’once d’or sur ce marché. En conséquence, il est dissous et un double marché de l’or est créé. Sur le marché officiel (réservé aux Banques centrales) le prix de 35$ l’once d’or reste garanti, tandis que sur le marché libre les prix se forment uniquement en fonction de la force respectives des offres et des demandes privées.

De plus, au cours des années 1960, la France et la RFA se méfient du dollar, et convertissent une partie de leurs réserves de dollars en or, ce qui accentue l’érosion du stock d’or américain. Ainsi, les réserves métalliques de la Banque de France, qui ne représentaient plus que 510 t en 1958 progressent jusqu’à 4 650 t en 1968.

2.2.1.3 L’abandon de la convertibilité-or

Le premier déficit commercial que connaissent les États-Unis en 1971 conduit à accroître l’anticipation d’une dévaluation et à renforcer les mouvements spéculatifs, faisant ainsi pression sur la parité or-dollar. De plus,

la convertibilité est largement fictive. Ainsi, le 15 août 1971 R. Nixon suspend la convertibilité-or : « Les États-Unis ne peuvent plus continuer à se battre avec une main attachée dans le dos ».

2.2.2 Interpréter la fin du système 2.2.2.1 Un refus des responsabilités

Pour J. Rueff (L’âge de l’inflation, 1963), un système où une monnaie internationale est asymétrique suppose une responsabilité pour ce pays en maintenant la convertibilité-or. Contrairement à la Grande-Bretagne qui avait fait de la stabilité du système sa priorité au détriment de son équilibre intérieur, les États-Unis ont mis leur politique monétaire au service de la croissance interne plutôt qu’au profit de la stabilité internationale.

Pour C. Kindleberger (The international economic order, 1988), les États-Unis ont refusé le coût de l’hégémonie, qui paradoxalement la réduisait. Dans un premier XXe siècle caractérisé par deux guerres et une crise économique mondiales, la Grande-Bretagne n’a pas été en mesure d’utiliser la livre sterling pour enrayer son déclin, à la différence des États-Unis dont le statut d’émetteur de monnaie mondiale a autorisé une « douce négligence » (G. Haberler)

Comme l’a dit J. Connally, secrétaire au Trésor américain, « le dollar,c’est notre monnaie, mais c’est votre problème ».

2.2.2.2 Une illustration du triangle de Mundell

R. Mundell (The monetary dynamics of international adjustement under fixed and flexible exchange rates, 1960) considère que la politique monétaire est inefficace en changes fixes s’il y une mobilité des capitaux.

Une politique monétaire expansionniste conduit à une baisse des taux d’intérêts, provoquant une sortie de capitaux dépréciant la monnaie, et obligeant la Banque centrale à racheter sa propre monnaie, ce qui annule le mouvement initial.

Le théorème d’impossibilité (ou trilemme de Mundell) stipule qu’il est impose de combiner changes fixes, mobilité parfaite des capitaux et politiques monétaires indépendantes.

Jusqu’en 1958, les mouvements de capitaux sont limités, donc on concilie changes fixes et autonomie de la politique monétaire. Après 1958, la croissance des mouvements capitaux induit une tension forte entre stabilité des changes et politique monétaire. Les États-Unis ont renoncé à la fixité des changes pour conserver leur autonomie monétaire.

2.2.3 Une transition vers les changes flottants 2.2.3.1 La création des DTS

Le DTS est un actif de réserve international, créé en 1969 par le FMI pour soutenir le système de parités fixes de Bretton Woods en complétant les réserves de change officielles des pays membres. Tout pays adhérent à un système de changes fixes doit en effet disposer de réserves officielles – avoirs en or de l’État ou de la banque centrale et devises largement acceptées – afin de pouvoir racheter sa monnaie nationale sur les marchés des changes internationaux en cas de dépréciation.

Mais l’offre internationale des deux grands avoirs de réserve, l’or et dollar, s’est révélée insuffisante au regard de l’expansion du commerce et de la financiarisation des économies. La communauté internationale a donc décidé de créer un nouvel avoir mondial de réserve sous les auspices du FMI, le DTS.

Il y a eu une première série d’allocation en 1970-1972 (9,5 milliards) qui ont servi aux États-Unis à racheter leur propre monnaie. Cependant, la fin du système de Bretton Woods et l’expansion de marchés des capitaux pour s’endetter, ont réduit considérablement les besoins. Le DTS n’est pas une monnaie, ni une créance.

Il représente en revanche une créance virtuelle sur les monnaies librement utilisables des pays membres du FMI. Il peut en effet être échangé contre des devises utilisables. Sa valeur correspondait à un certain poids en or, et aujourd’hui est déterminé par rapport à un panier de monnaies.

2.2.3.2 Les accords de Washington (dit de Smithsonian) de 1973

Le dollar est dévalué de 8 % et les marges des fluctuations des monnaies autour de la parité sont désormais de +- 2,25 %. Le Serpent monétaire européen est créé pour répondre à cet élargissement des marges.

Néanmoins, la nouvelle dévaluation du dollar en 1973 conduit à l’abandon du maintien de la parité par les autres pays. Le système est de facto dans un régime de changes flottants.

3 Depuis Bretton Woods, le flou monétaire international ?

3.1 Un nouveau système qui reste asymétrique et fondé sur le dollar

3.1.1 Un système instable fondé sur le dollar 3.1.1.1 La conférence de Kingston

La conférence de Kingston (1976) conduit à des mesures entérinant des situations de fait, notamment le flottement des principales monnaies.

• L’or est démonétisé. Les Banques centrales peuvent cependant le conserver en réserves de change et le comptabiliser au prix de marché. La tranche-or des quotes-parts du FMI est restituée en partie aux membres, et une autre partie est vendue pour venir en aide aux pays en développement.

• Le droit de tirage spécial sert de nouvel étalon, et il est prévu à long terme d’en faire l’étalon du futur système monétaire international, fondé sur des parités stables et ajustables. De nouvelles allocations de DTS sont faites entre 1979 et 1981, mais elles sont modestes et sans suite.

• En pratique, il y a un liberté de choix du régime de change pour les pays.

3.1.1.2 De fortes fluctuations du dollar

Le passage aux changes flottants aurait du dans la théorie monétariste permette une plus grande stabilité (cf. cours taux de change). En pratique, le système monétaire international est caractérisé par de fortes vari-ations des principales devises, notamment le dollar, qui reste utilisé comme mode de paiement international.

La politique monétaire expansionniste des États-Unis, pour faire face à la crise de 1973, conduit à une abondance de liquidités internationales, renforcée par le recyclage des pétrodollars (placement des excédents courants des pays pétroliers dans des banques européennes et américaines). Ainsi, le dollar se déprécie de 60

% par rapport au mark entre 1973 et 1979. Si cette dépréciation renforce la compétitivité-prix américaine, elle conduit à une inflation importée renforcée par le second choc pétrolier.

Afin de lutter contre l’inflation, P. Volcker (directeur de la FED) remonte les taux d’intérêts en 1979. La hausse des taux attire les capitaux et conduit à une flambée du dollar : appréciation de 80 % par rapport au mark entre 1979 et 1985. En outre, le financement des déficits jumeaux (budgétaire et courant) attire des capitaux qui renforcent l’appréciation. Cette appréciation est le déclencheur de la crise de l’endettement dans les pays en développement.

3.1.1.3 Une instabilité problématique

De 1985 à 1988, la force du dollar a des effets pervers : perte de compétitivité-prix qui creuse les déficits. La force du dollar reflète davantage ses déficits que sa puissance économique (à la différence du Royaume-Uni au XIXe siècle). Cette appréciation est également la conséquence du bulle spéculative : on croît que le dollar va continuer de s’apprécier, donc il s’apprécie. Cela nourrit une peur d’un ajustement brutal avec un retrait massif de capitaux.

Par ailleurs, l’instabilité du dollar, utilisé dans les échanges internationaux, crée une situation d’insécurité pour les importateurs et les exportateurs. Enfin, comme les matières premières, sont libellées en dollar, l’appréciation a renforcé l’augmentation du prix du pétrole.

3.1.1.4 Les accords du Plaza (1985) et du Louvre (1987)

Les pays du G5 reconnaissent la surévaluation du dollar et agissent de manière coordonnée afin de faire baisser le cours de façon contrôlée, à l’aide des pays à excédents courants (Allemagne et Japon). Cette action stabilisatrice, actée par les accords du Plaza en 1985, est facilitée par le contre-choc pétrolier, et le dollar baisse en même temps que l’activité mondiale reprend.

Les accords du Louvre (1987) ont pour objectif d’instaurer des zones cibles pour le dollar, et de le rapprocher du taux de change d’équilibre fondamental. Néanmoins, la coopération a été de courte durée, et le dollar a continué de se déprécier. Entre 1985 et 1988, le dollar a perdu 38,4 % face au mark.

Comme les marchés n’ont pas cru à la coopération stabilisatrice malgré les accords du Louvre, ils ont continué d’anticiper une baisse du dollar, ce qui a forcé la FED rehausser ses taux d’intérêts. Or, la montée des taux a conduit les agents à vendre leurs actions pour se reporter sur les obligations, mieux rémunérées. Ce report a conduit à un krach sur le marché des actions. Cependant, la FED a injecté des liquidités afin de gérer la crise.

3.1.2 La centralité du dollar 3.1.2.1 Un « semi-étalon dollar »

M. Aglietta parle d’un « semi-étalon dollar », en constant près de 60 % du PIB mondial intégré dans une

« zone dollar ». De nombreuses devises sont reliées au dollar (ancrage dans les pays d’Amérique Latine par exemple). En moyenne, 63 % des pays sont ancrés au dollar alors que seulement 29 % le sont à l’euro. En revanche, dollar et euro ont la même importance, environ 40 % (Gopinath, 2016)

De plus, le dollar sert de monnaie internationale : - c’est un support des transactions commerciales (matières premières par exemple) et financières, en particulier pour les pays qui ont des réserves trop faibles d’autres devises - c’est une monnaie de libellés d’émissions de titres obligataires (cf. péché originel) - c’est une monnaie de réserve, c’est-à-dire une monnaie dans laquelle les Banques centrales placent massivement leurs réserves de changes.

Ainsi, au niveau mondial, 61 % des réserves de changes officielles des Banques centrales sont en dollar, 24 % en euro et 4 % en yen. Comme les bons du trésor américains (titres de dettes publiques, appelés T-bills) sont considérés comme sûr par les marchés financiers, leur valeur est relativement constante au cours du temps, et les financiers ont confiance dans la valeur du dollar (pas de risque de perte de forte dépréciation).

3.1.2.2 Un système financier international asymétrique

Le maintien d’un privilège exorbitant pour les USA. Malgré la fin de Bretton Woods, la plupart des pays sont disposés à accumuler des réserves en dollar, finançant ainsi l’endettement extérieur américain, à court

et long terme. La position extérieure nette s’est ainsi totalement dégradée depuis 1985, devenue débitrice et représentant 45 % du PIB américain en 2019. Cependant, si les engagements augmentent, les avoirs également avec des IDE des FMN américaines et des investissements de portefeuille des fonds américains.

Une dépréciation du dollar ne peut avoir que des effets positifs pour les États-Unis (compétitivité-prix, diminution des dettes, et revalorisation des actifs détenus à l’étranger en euro par exemple). Une dépréciation du dollar de 10 % augmente la valeur des avoirs à l’étranger et représente un transfert de 6 % du PIB du reste du monde vers les États-Unis.

Les États-Unis bénéficient d’un privilège exorbitant qui allège leur contrainte extérieure (c’est-à-dire l’obligation de maintenir le déficit courant en dessous d’un certain seuil pour éviter une dépréciation importante de la monnaie). Pour P-O. Gourinchas et H. Rey (From world banker to world venture capitalist, 2005), la position centrale occupée par les États-Unis dans le système financier international renforce ce privilège, car ils jouent le rôle d’une société de capital-risque au niveau mondial (c’est-à-dire effectuent des opérations de transformations du risque), avec leur bilan : le reste du monde acquiert des titres de dette américains à faible rendement (les obligations américaines) et les États-Unis effectuent des investissement plus rémunérateur à l’étranger. Ils ont donc des bons du Trésor au passif (en émettant des obligations pour financer leurs dépenses), et des investissements risqués à l’actif. Par temps calme, cette structure produit un revenu net positif pour les États-Unis, car l’actif est mieux rémunéré que le passif.

Comme leur dette est en dollar et leurs actifs en monnaie étrangère, ils bénéficient en cas de dépréciation du dollar d’une amélioration automatique de leur position extérieure nette (bien que cette dernière soit largement déficitaire).

Le privilège exorbitant est, cependant, compensé par un devoir exorbitant. Lors de la crise de 2008, la FED a joué le rôle de prêteur en dernier ressort mondial en diminuant ses taux d’intérêts, ce qui a permis un afflux de liquidités au niveau international. Pour P-O Gourinchas et H. Rey (2005), la structure de la position extérieure des États-Unis leur impose un devoir exorbitant en cas de crise : ils subissent d’importantes pertes en capital sur leurs actifs tandis qu’ils assurent la valeur de leurs engagements (les T-Bills). En effet, en cas de crise, l’actif du bilan de la FED se dévalorise, mais le passif vu que les T-Bills sont des actifs sûrs. P-O. Gourinchas et H. Rey (2016) estiment qu’entre le dernier trimestre 2007 et le troisième trimestre 2015, le bilan des États-Unis a subi une perte d’environ 4 130 milliards de dollars, soit 22,9 % du PIB de 2015 ou 5,6 % du PIB mondial. L’absorption de cette perte par les États-Unis a contribué au processus de désendettement dans d’autres parties du monde.

Ces facteurs se renforcent mutuellement. La prédominance du dollar dans la facturation commerciale rend les emprunts en dollars plus attrayants, et par là même la tarification en dollars plus intéressante ; le rôle des États-Unis en tant que prêteur de dernier ressort rend plus sûr l’emprunt en dollars, ce qui augmente la responsabilité du pays en temps de crise.

3.1.3 Politiques monétaires et système monétaire international 3.1.3.1 Deux politiques monétaires pour deux conséquences

Le système monétaire international actuel est relativement peu coopératif, car les politiques monétaires menées répondent avant tout à des objectifs de croissance interne.

M. Aglietta, V. Coudert (Le dollar et le système monétaire international, 2014) constatent une alternance entre des phases d’appréciation et de dépréciation du dollar, avec des fluctuations relativement large. Les variations du dollar sont fortement corrélées avec les évolutions de la politique monétaire et les anticipations de taux d’intérêt (les politiques restrictives conduisant à une hausse du dollar, et expansive une baisse).

Dans les deux cas, ces variations posent des problèmes pour les pays émergents :

• Une politique restrictive américaine conduit à une dépréciation de la monnaie des pays émergents, ce qui renforce le poids de leur dette, et faire fuir les capitaux (si les mouvements sont libres).

• Une politique expansionniste risque de conduire à une appréciation de la monnaie des pays émergents, réduisant ainsi leur compétitivité-prix (sur laquelle ils fondent principalement leur industrie).

H. Rey (Dilemma Not Trilemma : The Global Financial Cycle and Monetary Policy Independence, 2013) montre que le trilemme de Mundell n’est pas validé, car le choix des changes flottants ne permet pas de s’isoler de la politique monétaire des autres pays, en particulier celle des États-Unis. Il y a surtout un choix à faire entre libre-circulation des capitaux et autonomie de la politique monétaire.

3.1.3.2 Une non-coordination plutôt qu’une guerre des monnaies

En pratique, les politiques monétaires expansionnistes des banques centrales occidentales ont eu pour effet des flux de capitaux vers les pays émergents et une appréciation de leur monnaie. C’est pourquoi le thème de « guerre des monnaies » a émergé dans les années 2010 (Guido Mantega, Ministre des Finances brésilien, 2010). On reproche par exemple aux États-Unis de dévaluer leur monnaie afin de retrouver leur compétitivité.

Or, les politiques monétaires expansionnistes des pays occidentaux sont avant tout la conséquence de la lutte contre la déflation, et la recherche de la croissance économique. Néanmoins, les pays émergents doivent réagir en conséquence, c’est en sens que le yuan a été dévalué en 2015. Rajan (2014) met en évidence que l’afflux de capitaux dans les pays émergents conduit à un endettement excessif, ce qui est déstabilisant financièrement pour ces pays.

Le concept de guerre des monnaies fait écho à celui de guerre commerciale. Cependant, il n’est pas bien établi par la politique économique : en pratique, les changes réagissent différemment aux chocs, ce qui peut donner l’illusion d’une guerre des monnaies.

3.1.3.3 Dollar et croissance des pays émergents

P. Druck et al. (2015) ont montré que les cycles d’appréciation du dollar tendent à réduire la croissance du PIB réel des pays émergents, alors que les cycles de dépréciation tendent à la stimuler. Les auteurs estiment que les prix des matières premières constituent le principal canal de transmission : comme le dollar s’apprécie, le prix des matières premières chutent ; la chute du prix des actifs déprime la demande domestique des pays en développement, et réduit le revenu réel. Cet effet de revenu associé à l’appréciation du dollar compense tout effet bénéfique de la dépréciation de la devise domestique. Cet effet est symétrique.

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