L'Afrique connaît une urbanisation rapide, partant d'un niveau bas. Selon les Nations Unies, la quasi‐
totalité de la croissance de la population urbaine jusqu'en 2050 interviendra dans les pays en développement (ONU 2015). L'Afrique ne fait nullement exception et la proportion totale africaine de la population urbaine mondiale doublera, passant de 11,3 % en 2010 à 20,2 % en 2050. Actuellement, un quart des 100 villes à plus forte croissance dans le monde sont en Afrique, où on compte maintenant 52 villes abritant plus d'un million d'habitants (ONU‐Habitat 2014). Les villes d'Afrique subsaharienne gagnent environ un million de nouveaux citadins chaque année, et la région est en voie d'égaler le niveau de 70 % d'urbanisation de l'Europe et en Amérique du Nord (ONU 2015).
L'Afrique sera la dernière région à s'urbaniser, même s'il est vrai que cette transition impliquera un déplacement massif de populations. En 2050, l'Afrique devrait atteindre les 1,2 milliards de citadins, un niveau d'urbanisation de 58 % et une densité moyenne de 79 personnes au kilomètre carré.3 Dans les deux prochaines décennies, la population totale du continent devrait dépasser celle cumulée de l'Europe, de l'Amérique du Sud, et de l'Amérique du Nord. Avec plus d'un quart des villes à l'expansion la plus rapide
nature et le rythme de l'urbanisation varient considérablement entre les pays (figure 2).4 Bien que l'Asie la devance actuellement, l'Afrique devrait enregistrer l'urbanisation la plus rapide dans le monde entre 2020 et 2050. Le Nigéria, en particulier, devrait contribuer 8 % de la croissance de la population mondiale d'ici à 2050 (212 millions d'habitants sur 2,5 milliards). La population de la République démocratique du Congo, de l'Éthiopie et de la Tanzanie augmentera respectivement de 50 millions d'habitants. Si le Caire, Kinshasa et Lagos sont les seules mégalopoles africaines en 2014, Dar es Salaam, Johannesburg et Luanda suivront en 2030.5
Figure 1. Population urbaine en pourcentage de la population totale dans quelques pays d'Afrique subsaharienne
Source : Banque mondiale 2013e.
Figure 2. Taux annuel moyen de variation du pourcentage urbain par région
Source : ONU, 2014.
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100
Angola Bénin Botswana Burkina Faso Burundi Cabo Verde Cameroun Rép. centrafricaine Tchad Comores Rép. dém. du Congo Afr. du Sud Congo, Rép. du Côte d’Ivoire Guinée équatoriale Érythrée Éthiopie Gabon Gambie Ghana Guinée Guinée‐Bissau Kenya Lesotho Libéria Madagascar Malawi Mali Mauritanie Maurice Mozambique Namibie Niger Nigéria Rwanda Sao Tomé‐et‐Principe Sénégal Seychelles Sierra Leone Somalie Afrique du Sud Soudan du Sud Soudan Swaziland Tanzanie Togo Ouganda Zambie Zimbabwe
Population urbaine (% du total)
‐0.5 0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 3.5
1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050
Afrique Asie Europe
Amérique latine et Caraïbes
Amérique du Nord Océanie
L'essentiel de la nouvelle croissance urbaine dans les villes africaines se produira dans des bidonvilles.
Les bidonvilles sont caractérisés par des unités de logement présentant cinq principales insuffisances : 1) pas de source d'eau améliorée ; 2) manque d'assainissement amélioré ; 3) structure physique non permanente ou peu solide ; 4) espace de vie insuffisant et incidence du surpeuplement ; et 5) aucune prétention à la sécurité d'occupation. Selon les estimations de l’ONU, plus de 200 millions de personnes dans la région vivront dans des bidonvilles d’ici 2020 (ONU‐Habitat 2014). La population des taudis enregistre un taux de croissance de 4,5 % par an, et à ce rythme elle aura doublé dans 15 ans (Marx et coll. 2013). Après cette période, la majorité des habitants des bidonvilles de la planète vivra dans des villes africaines ; actuellement, toutes les autres régions connaissent un recul rapide du nombre de bidonvilles (voir la figure 3 ci‐dessous). L'expansion des bidonvilles en Afrique sera tirée par les migrations et la croissance démographique, qui impulseront le besoin en logements et en infrastructures qui font actuellement défaut, aussi bien pour les logements existants que pour ceux prévus à l'avenir.
L'expérience mondiale montre que les zones urbaines sont des moteurs importants de la croissance économique. Les populations migrent vers les villes à la recherche d’opportunités économiques, et les villes attirent les entreprises et les investissements en raison de la concentration d’une réserve de main‐
d’œuvre diversifiée. En Afrique subsaharienne, les villes comprennent des pôles prédominants d'activités économiques formelles et informelles ; deux secteurs – la construction et l'extraction de ressources naturelles et les services connexes – ont représenté 60 % de la croissance économique régionale dans les années 1990 (Kessides 2005). L'urbanisation et la croissance du revenu par habitant vont généralement de pair, bien que les revenus en Afrique subsaharienne n'aient pas suivi (Clarke Annez et Buckley 2009 ; Fay et Opal 2000). C'est parce que l'urbanisation dans de nombreux pays africains ne s'accompagne pas de la croissance industrielle, mais est « poussée » par des facteurs tels que les mauvais rendements agricoles (Barrios et coll. 2006). Pour cette raison, les migrants urbains sont généralement pauvres et les perspectives pour eux d'amélioration de leurs revenus sont bien minces. Le défi pour les villes de la région consiste à débloquer et à élargir la portée des bienfaits de l'urbanisation en dépit de la faible croissance du revenu par habitant.
Figure 3. Nombre de personnes vivant dans des bidonvilles par région
Source : ONU, 2014.
0 50 100 150 200 250 300
1990 1995 2000 2005 2010 2015 2020 2025 2030
Millions
Afrique subsaharienne Moyen‐Orient et Afrique du Nord Amérique latine et Caraïbes Asie du Sud
Asie de l’Est et Pacifique Europe et Asie centrale
Le secteur du logement constitue une composante importante de la croissance économique nationale.
Les parcs immobiliers, ainsi que les investissements et les emplois dans les secteurs connexes de la construction et des finances, constituent une composante majeure de la richesse économique nationale.
La figure 4 montre les investissements dans le logement et le PIB par habitant en se fondant sur les données des comptes nationaux. Les pays d'Afrique subsaharienne y sont représentés par des points.
Cette figure montre que dans le monde entier, les investissements dans le logement et le PIB suivent une courbe en forme de « S » (représentée par la ligne bleue), avec une pente qui se redresse entre les niveaux de revenu de 3 000 dollars US et 36 000 dollars US (Dasgupta et coll. 2014). Lorsque les niveaux de revenu se situent en dehors de cette fourchette, les niveaux d'investissement se répartissent mieux, car les dépenses consacrées au logement font concurrence à d'autres besoins. La plupart des pays d'Afrique subsaharienne ont un PIB inférieur au seuil de 3 000 dollars US par habitant, et se situent donc loin du point d'inflexion où les niveaux d'investissement dans le logement sont susceptibles de commencer à être élevés. Enfin, les auteurs constatent que les principales sources d'investissement dans le logement dans la région sont l'épargne des ménages (qui est généralement faible) et les fonds publics, et non pas les marchés financiers, qui sont l'une des sources principales de liquidité et de financement à plus long terme pour les établissements de crédit et constituent en retour une composante importante de la performance du secteur du logement.
Figure 4. Investissement dans le logement et revenu par habitant en Afrique subsaharienne (2011) et dans le monde (1960‐2011)
Source : Calculs à partir de données de la Banque mondiale.
Remarque : Courbe tracée sur la base de l’ensemble des données disponibles entre 1960 et 2011. Les lignes verticales représentent les points d'inflexion.
La qualité et l’emplacement des logements ont des conséquences à long terme sur une croissance sans exclusive. Pour la plupart des ménages, l’achat ou la construction d’un logement est la plus importante des dépenses qu’ils auront à effectuer dans leur vie. Une maison est aussi généralement un investissement qui peut prendre de la valeur au fil du temps, peut servir de garantie pour un emprunt et
constituer, par voie d'héritage, un élément important du transfert intergénérationnel de la richesse.
L’emplacement d’un logement à proximité d’écoles, d’emplois et d’un accès à des moyens de transport influe directement sur la qualité de la vie urbaine et les perspectives de mobilité sociale (Banque mondiale 2013f). Les logements urbains ont tendance à être moins chers quand ils se trouvent dans des zones indésirables et sont d'une qualité de construction douteuse, souvent à la périphérie de la ville où les parcelles de terrain ne sont pas chères à l'achat ou dont l'occupation échappera à leurs propriétaires.
Certes les logements disponibles dans ces zones peuvent être abordables pour les citadins pauvres, mais les charges supplémentaires qu’imposent la longue durée des trajets, les problèmes de santé publique liés à une eau et un assainissement de qualité douteuse, et le manque de services d’éducation et de santé représentent des coûts indirects importants.