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de verdure du Humlegården,

Dans le document 55 : Pays nordiques (Page 36-40)

les pierres de la

Bibliothèque royale

de Suède résonnent

d’échos chers au cœur

de bibliothécaires

français : repérant

similitudes et

dissemblances, c’est

l’un d’entre eux qui

s’est livré au petit jeu

des sept différences…

1. L’hésitation possible quant à la traduction en français du terme suédois est issue d’un débat récent ayant pour cause la volonté de la Bibliothèque royale de changer de nom au profit de celui de Bibliothèque nationale (pour éviter l’homonymie avec la danoise Kongelige Bibliotek ou la néerlandaise Koninklijke

Bibliotheek et souligner l’appartenance de la bibliothèque à l’ensemble des

Suédois). Le parlement ayant refusé le changement de nom, il a été décidé d’en changer simplement la traduction anglaise en National library of Sweden.

En salle de lecture.

© Istv

an Borbas / K

JEAN-BAPTISTE CAMPS Suède. La Bibliothèque royale de Suède. Une chambre d’échos 35

(Le Merveilleux Voyage de Nils Holgersson à travers la Suède) ou encore Astrid Lindgren (Fifi Brindacier ou Pippi Långstrump en version originale), mais pas uniquement, puisque on y trouve également les archives du secrétaire général des Nations Unies, Dag Hammarskjöld, et que ces fonds s’élargissent en perma- nence de dons de personnalités culturelles ou scientifiques suédoises (artistes, écrivains, professeurs) 3. En se promenant parmi ces rayonnages d’archives, l’on est parfois étonné par la diversité des objets qu’on y rencontre : diapositives, cartes pos- tales, souvenirs… Un partage tacite s’est en partie établi avec les Archives du royaume (Riksarkivet), qui se concentrent plutôt sur les fonds des hommes politiques et des administrateurs.

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ÉPÔTLÉGALET

S

UECANAEXTRANEA

La Suède est l’un des premiers pays européens à avoir vu l’instauration d’un dépôt légal, par ordonnance de la chan- cellerie de Charles XI en 1661, et l’un des seuls où ce sys- tème n’a pas depuis connu d’interruption. Si la Bibliothèque royale n’en est pas l’unique dépositaire 4, elle est la seule de la mer (on se rappellera que Stockholm est bâtie sur un

archipel).

Le bâtiment n’est pas le seul héritier des liens culturels et historiques forts entre la France et la Suède, entretenus notamment par le souvenir du fondateur de la dynastie régnante, Jean-Baptiste Bernadotte (1763-1844). Pour le visi- teur non-averti de la Suède, et particulièrement peut-être de ses bibliothèques, c’est toujours une surprise de constater le nombre élevé de personnes qui parlent ou lisent le français, ainsi que l’intérêt prononcé de bon nombre de Suédois pour la culture française. Cet intérêt ne date pas d’hier, comme en attestent les collections du Département des manus- crits, cartes et images, qui comportent un nombre impor- tant de manuscrits français, peut-être le plus important de Scandinavie : ce sont environ soixante manuscrits, dont une vingtaine sont médiévaux, tandis que d’autres proviennent d’auteurs plus proches de nous comme Georges Perec. Cette collection s’est en outre enrichie dans les années 1980 du don par un philologue romaniste, Gunnar Tilander, de sa collection de livres anciens comportant plus d’une centaine de manus- crits français (dont trois du Moyen-Âge) 2.

Une des autres spécificités de ce département est qu’il conserve des fonds d’archives, notamment celles de grands écrivains suédois tels que le naturaliste et expressionniste August Strindberg, le prix Nobel de littérature Selma Lagerlöf

3. Certaines de ces archives, provenant de traducteurs réputés (comme C. G. Bjurström, Elsa Thulin ou Lucien Maury), contiennent d’ailleurs des maté- riaux français.

4. Dans l’ordonnance de 1661, deux exemplaires devaient être déposés : un pour la Bibliothèque royale, l’autre pour les Archives du royaume. En 1707, ce nombre est passé à six (Bibliothèque royale, Archives du royaume, Universités de Dorpat, Lund, Uppsala, et Åbo, aujourd’hui ville finlandaise de Turku). Ce nombre est actuellement de sept (Bibliothèque royale, Universités de Göteborg, Linköping, Lund, Stockholm, Umeå et Uppsala).

2. Le catalogue des manuscrits français de la collection Gunnar Tilander est à paraître aux Acta Bibliothecae regiae Stockholmiensis.

La Bibliothèque royale de Suède, dans le parc Humlegården au centre de Stockholm.

© Istv

an Borbas / K

n’inclut pas encore l’Internet, en dépit des pressions de la Bibliothèque pour le vote d’une loi à ce sujet. Bien qu’elles ne soient pas explicitement concernées par le dépôt légal, les communautés suédophones de Finlande font régulière- ment parvenir à la Bibliothèque royale des exemplaires de leurs publications, signe sans doute d’une perception forte du rôle de la Bibliothèque royale comme centre de conser- vation de la culture suédoise, et ce même au-delà des fron- tières strictes du pays.

En effet, à cette mission du dépôt légal s’en ajoute une autre, plus originale pour nous : l’acquisition et le recense- ment des publications en langues étrangères traduites du suédois ou concernant la Suède. Conçue à l’origine par l’Ins- titut suédois comme un outil pour la diffusion de la culture suédoise dans le monde, la liste de ces publications, publiée de 1968 à 1997 en volumes papier, constitue aujourd’hui la base de données des Suecana extranea (dans laquelle il est bien possible que figure à terme le numéro que vous tenez entre les mains !)

institution à posséder une vocation de conservation des documents qui en sont issus. Ce dépôt y est entendu dans un sens assez extensif, puisqu’il comprend tout document destiné à une diffusion nationale, serait-il imprimé dans une boutique de photocopies de quartier. Toutefois, il

Le photographe Per B. Adolphson avec le manuscrit du Codex Gigas.

© Jens Östman / K

ungliga Biblioteket

Codex Gigas : portrait du Diable (à g.) ; une capitale L occupe une colonne sur toute la hauteur de la page pour le premier mot « Liber »

du premier livre de Mathieu (f. 254r). Il est suivi des treize premiers versets en capitales rouges, la première lettre en vert (à d.).

© K

ungliga Biblioteket / Claes Jansson / P

er B Adolphson

© K

européennes ou scandinaves, et elle est de plus liée par des partenariats internationaux avec bon nombre de biblio- thèques étrangères, françaises notamment, au premier chef desquelles figure la Bibliothèque nordique. Jusqu’en 2005, la Bibliothèque nordique recevait ainsi pour des périodes de quelques années un « bibliothécaire délégué » en provenance de Scandinavie ; elle reçoit toujours des dons d’ouvrages (biographies, livres d’art, catalogues d’expositions, œuvres de référence…) de la part notamment de la Bibliothèque royale et de son Département de la littérature étrangère (Utländsk litteratur).

En guise de conclusion, on pourra peut-être remarquer que, si le caractère innovant des bibliothèques de lecture publique scandinaves est somme toute bien connu en France, c’est peut-être encore un peu moins le cas en ce qui concerne les bibliothèques de recherche, universitaires et nationale. Si les contextes suédois et français sont certes différents en de nombreux points, il y aurait sans doute parmi les initiatives et modes de fonctionnement suédois de quoi intéresser de près les bibliothécaires français. Pour le stagiaire désireux de découvrir des institutions et un pays à la fois proche de nous et dépaysant, la Suède forme une destination de choix.

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JEAN-BAPTISTE CAMPS Suède. La Bibliothèque royale de Suède. Une chambre d’échos 37

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ÉPARTEMENTDELARECHERCHE

La fusion, le 1er janvier 2009, des Archives nationales de l’au-

diovisuel (Statens ljud- och bildarkiv) avec la Bibliothèque royale, a donné lieu à l’apparition, au sein de la nouvelle struc- ture unifiée, d’un Département de la recherche (Avdelningen

för forskningsverksamhet) qui réunit des chercheurs, docteurs

et doctorants, issus ou non des bibliothèques. Non content de fournir à ses membres un cadre pour leurs recherches, ce département, comparable à un laboratoire du CNRS, a pour vocation la valorisation scientifique des collections et le ren- forcement des liens entre la bibliothèque et le monde de la recherche universitaire. Pour ce dernier objectif, il se double d’un Conseil de la recherche (Forskarrådet), composé de huit membres extérieurs (professeurs d’université et chercheurs) et de deux représentants du Département.

Cette expérimentation intéressante et novatrice, qui n’est pas à proprement parler tout à fait unique dans les institu- tions patrimoniales suédoises 5, relève d’une préoccupation grandissante. Il s’agit à la fois d’intégrer autant que possible au monde académique une bibliothèque de recherche, à vocation nationale et internationale mais qui n’est pas au sens strict universitaire, et de proposer aux chercheurs les services les plus adaptés, ce que seule peut rendre possible une conscience réelle de leurs besoins. C’est aussi dans cette dernière optique que la bibliothèque attribue aux chercheurs qui en font la demande des casiers personnels dans la salle de lecture qui leur est réservée, et dans lesquels ils peuvent stocker, sans limitation de nombre (plusieurs dizaines, par- fois plus d’une centaine), les ouvrages dont ils ont le plus besoin. Ils peuvent en outre emprunter à domicile les livres qui ne relèvent pas du dépôt légal. Quant aux ouvrages qui ne se trouveraient pas en Suède, la bibliothèque, jouant son rôle de bibliothèque de dernier recours, les fait venir en prêt d’autres bibliothèques scandinaves, voire européennes ou nord-américaines.

L

A

B

IBLIOTHÈQUEROYALEETLEMONDE

Jouant en Suède un rôle de tête de réseau des bibliothèques universitaires et de lecture publique par le biais de son Département de la coopération nationale (Avdelningen

för nationell samverkan), la Bibliothèque royale participe

également aux instances et organisations internationales,

Reconstitution du bureau d’Astrid Lindgren lors de l’exposition de 2008 à la Bibliothèque royale de Suède.

© J. L

und / K

ungliga Biblioteket.

5. Les Archives du royaume hébergent ainsi un département de recherche dont le rôle principal est la publication du Svenskt Diplomatarium (ou Diplomatarium

Suecanum), projet d’édition de l’ensemble des chartes médiévales concernant

la Suède.

Bibliothèque royale de Suède, la salle de lecture.

© K

ungliga Biblioteket / Ulf L

suédoise des bibliothèques publiques. L’État vit pourtant l’in- térêt que la rationalisation des bibliothèques présenterait pour fournir de l’information scientifique et qu’il y aurait avantage à mettre en place un système national au lieu de laisser les biblio- thèques de recherche (forskningsbiblioteken) construire leurs propres solutions de manière indépendante. Le système natio- nal des données des bibliothèques, Libris (Library Information

System), fut mis en œuvre comme un projet de modernisation

suédois typique de l’époque.

On avait vu grand, et la mise sur le marché du projet était très innovante pour son temps. Dans les démonstrations types du projet Libris on utilisa des rétroprojecteurs doubles, des visio- phones et le fax. Afin d’obtenir du ministère des Finances qu’il injecte de l’argent supplémentaire pour le développement du projet, on invita en 1970 le ministre d’alors, Gunnar Sträng, à une démonstration spéciale. À l’aide d’un crayon optique, Sträng put emprunter un ouvrage dans une simulation de système de prêt. Il put aussi voir des simulations de l’ensemble des routines bibliothéconomiques, tout ceci pour donner un aperçu d’un sys- tème qui marche, et qui n’avait besoin que d’un soutien de la part des caisses de l’État pour être lancé.

P

REMIÈRESÉTAPES

La démonstration fut apparemment un succès. Libris fut mis en route en 1971, non pas comme une automatisation de l’en- semble des tâches bibliothéconomiques habituelles, mais comme un moyen de rationaliser la production du catalogue maintenu par la Bibliothèque royale pour les acquisitions étran-

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NECONVERGENCE BIENPERÇUE

La seconde moitié des années 1960 a été le théâtre d’intenses discus- sions dans les bibliothèques de recherche suédoises autour de la possibilité d’automatiser les tâches bibliothéconomiques. Celles-ci por- taient non seulement sur l’introduc- tion de l’informatique, destinée à traiter de grandes quantités d’informations, mais aussi et surtout sur la façon de gérer l’ex- plosion de la recherche scientifique, en plein essor après-guerre, l’afflux d’étudiants à l’université et les publications scientifiques, ces dernières permettant aux chercheurs de communiquer leurs résultats mais aussi de gagner reconnaissance et promotion. On avait espoir de pouvoir, grâce à un système informatique auto- matisé, optimiser toute la chaîne de traitement des documents, de l’achat à la recherche d’information et au prêt en passant par le catalogage.

Les bibliothèques publiques elles aussi ont été confrontées à des défis similaires : une population très instruite souhaitant accéder à de l’information venue du monde entier, tous azimuts, et un renforcement de l’État-providence qui, à côté de l’emploi et du logement, voulait également donner aux citoyens l’accès à la culture et à l’éducation. Même si, de part et d’autre, on discu- tait du même problème, celui-ci était envisagé sous l’aspect de deux questions distinctes. La fourniture d’informations dans les bibliothèques publiques fut débattue au sein de l’Association

A

NDERS

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ÖDERBÄCK

Responsable du projet Libris

Département des coopérations nationales Bibliothèque royale de Suède

Suède

Dans le document 55 : Pays nordiques (Page 36-40)