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Holgersson, la Bibliothèque Nobel veille

Dans le document 55 : Pays nordiques (Page 60-63)

de haut sur la littérature

mondiale. Comme

certaines bibliothèques

d’autrefois, en plus d’un

lieu d’étude, elle est

un lieu d’échange et de

débat intellectuel. Visite

dans les coulisses des

grands prix.

La banque de la Bibliothèque Nobel.

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LARS RYDQUIST Suède. La Bibliothèque Nobel de l’Académie suédoise. Une bibliothèque pour les prix littéraires 59

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NEVASTEVEILLEDOCUMENTAIRE ENLITTÉRATURE

La bibliothèque compte cinq bibliothécaires en poste. Leur veille s’exerce sur les publications en littérature contemporaine dans le monde à travers le dépouillement de 150 journaux et périodiques en anglais, français, italien, polonais, portugais, russe, espagnol et allemand. L’offre éditoriale francophone est surveillée principalement à travers La Quinzaine littéraire, Le

Magazine littéraire, Lire, Action poétique, La Nouvelle revue française, Lettres québécoises, en même temps que les supplé-

ments littéraires du Monde, du Figaro et de L’Orient mensuel. D’autres périodiques sont dépouillés, avec l’ambition d’obtenir une couverture maximale de la littérature francophone dans le monde. La bibliothèque tire également avantage des compé- tences des experts littéraires et des emprunteurs qui fréquen- tent la bibliothèque et/ou qui soumettent des suggestions via Internet. C’est une mission délicate que d’essayer d’exercer une veille sur toute la littérature mondiale et de se préparer à compléter les collections si l’on découvre des corpus littéraires jusqu’alors passés inaperçus.

En plus du prix Nobel, l’Académie suédoise, à l’instar de l’Académie française, décerne une cinquantaine d’autres prix à de jeunes écrivains, des dramaturges, chercheurs et traduc- teurs jugés dignes d’intérêt. Ceci implique une veille toute particulière sur les littératures et recherches en littérature qui font l’actualité en Suède et dans les autres pays nordiques. La Bibliothèque Nobel prend une part active au projet col-

laboratif « Hissbiblioteken 1 » dans le domaine des sciences humaines, un projet porté par les bibliothèques universitaires et spécialisées de la région de Stockholm.

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NLABORATOIRE

Karl Warburg considéra très tôt que la bibliothèque devait se développer de manière à devenir un laboratoire littéraire faisant office de soutien aux travaux de l’Académie dans le cadre du prix Nobel de littérature. L’Institut Nobel fut constitué avec un cercle d’experts en littérature qui ont travaillé à son service durant de nombreuses années. Celui-ci exprimait des ambitions scienti- fiques que partageaient les institutions décernant les autres prix Nobel dans le cadre de leurs travaux. Un groupe de spécialistes dont l’expertise était poussée au plus haut degré poursuivit ce travail dans le cadre d’un échange permanent avec les membres de l’Académie et le personnel de la bibliothèque. L’Institut Nobel vit son importance diminuer rapidement mais ne fut aboli qu’en 1983. En effet, les compétences de l’Académie dans le domaine littéraire s’étaient étendues au cours des années et on en était venu à considérer que ces tâches pouvaient être menées à bien sans l’aide d’experts. Pourtant, plus tard, ce problème est rede- venu d’actualité, et un certain nombre d’experts sont rattachés à la Bibliothèque Nobel pour que la veille documentaire sur la littérature mondiale soit la plus exhaustive possible.

1. Humaniora i stockholm samverkar (HISS) : www.hissbiblioteken.se.

Un jeudi après-midi dans la salle de lecture.

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assister à des mini-séminaires et pour écouter des conversa- tions littéraires.

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ESTRAVAUXAUTOURDUPRIX

N

OBEL

:

UNEACTIVITÉSURTOUTEL

ANNÉE

Lorsque le nom du lauréat du prix Nobel de littérature de l’an- née est rendu public, au début du mois d’octobre, le travail continue, avec l’envoi d’invitations à des professeurs de litté- rature et de linguistique, aux associations d’écrivains, aux Pen Clubs, aux académies littéraires correspondantes du monde entier, leur demandant d’émettre leurs propositions pour les candidats aux prix Nobel de l’année suivante. Au cours du printemps, une liste est préparée d’après toutes ces proposi- tions, liste comptant environ 200 noms et qui est complétée de biographies et de notes bibliographiques. Cette liste est la base de travail du Comité Nobel qui comprend cinq académi- ciens et d’autres membres de l’Académie (impliqués dans une moindre mesure dans le choix du lauréat).

Quand le Comité Nobel travaille sur les diverses proposi- tions, la bibliothèque a pour mission d’acquérir de nouvelles traductions et de mettre à jour les bibliographies. Parfois, les travaux du Comité Nobel peuvent aboutir à une actualisation et à un approfondissement des analyses d’une œuvre ou d’un corpus littéraire précis. Au moment où le prix est finalement annoncé, la Bibliothèque Nobel assure la majeure partie du travail bibliographique.

Durant l’automne, la Bibliothèque Nobel prend également part au travail de préparation du discours de réception prononcé par le lauréat, ce qui implique de prendre contact avec des tra- ducteurs (traditionnellement ceux qui, par le passé, ont déjà traduit une ou plusieurs de ses œuvres). Mais ces traductions doivent être accessibles à la fois en version papier et en version électronique sur les sites internet de l’Académie suédoise et de la Fondation Nobel 2. Le travail de la bibliothèque dans le cadre du prix Nobel se termine pendant la semaine de remise des prix, qui comporte une visite de la bibliothèque par le lauréat.

Parmi les lauréats des dernières années, Jean-Marie Le Clézio, Orhan Pamuk, Herta Müller et Mario Vargas Llosa ont manifesté un très grand intérêt pour la bibliothèque. Le fait de montrer les locaux et les collections de la bibliothèque aux lauréats du prix Nobel est une récompense en soi pour le personnel, au-delà du fait de travailler au contact d’une littérature qui revêt une aussi grande importance pour un si grand nombre d’individus.

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Trad. du suédois : Anna Svenbro

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NLIEUD

ÉCHANGED

EXPÉRIENCES ETDEDIALOGUE

L’Académie suédoise tient son assemblée tous les jeudis dans la maison de la Bourse (Börshuset) ; ses membres, qui se réu- nissent environ une heure avant dans la salle de lecture de la bibliothèque, peuvent participer à ses nouvelles acquisitions. Une sélection d’ouvrages est présentée sur la grande table de la salle de lecture, parfois accompagnée des critiques les concer- nant. C’est également une occasion d’échanger diverses expé- riences et de discuter des littératures suivies. Mais les membres de l’Académie émettent également des avis et des propositions d’achats directement auprès de la bibliothèque.

La Bibliothèque Nobel est davantage une bibliothèque dévolue au dialogue autour de la littérature qu’une biblio- thèque avec de forts taux d’emprunt. Chaque visiteur et emprunteur est considéré comme un interlocuteur pré- cieux dans ce dialogue sur la littérature contemporaine. Les échanges avec les visiteurs de la bibliothèque trouvent un écho dans les soirées de discussion organisées par la Bibliothèque Nobel où, au cours de quelques dates à l’au- tomne et au printemps, le public est convié à des conversa- tions littéraires dans un lumineux atrium, mitoyen de la biblio- thèque. On y croise souvent des critiques, des traducteurs et des écrivains qui assistent à ces soirées littéraires où l’on discute de tout, des « classiques de demain » à « la biographie comme roman ou le roman comme biographie ».

Parmi les activités de la bibliothèque tournées vers l’ex- térieur, on trouve aussi sa participation à la Foire du livre qui se tient chaque année à Göteborg, où l’Académie suédoise tient un grand stand. Nombreux sont ceux qui s’y rendent pour

LA BIBLIOTHÈQUE NOBEL

Collections : environ

200 000 ouvrages et 150 périodiques (la plupart en langues étrangères). Accroissement des collec- tions : 40 mètres linéaires par an.

Fréquentation : 1 500 visi-

teurs par an ; 1 900 emprunteurs inscrits (dont 450 actifs par an). Visites d’étudiants : 15 groupes par an. 13 500 prêts par an.

Équipement : 10 places de lecture pour les chercheurs. SIGB : Innovative Millenium.

www.nobelbiblioteket.se 2. www.nobelprize.org. © S venska Akademien La galerie. © S venska Akademien

JÓN KALMAN STEFÁNSSON Islande. Agrandir le monde, écrire les abîmes 61

• Quelle fut votre première expé- rience marquante de lecteur ? Peut-on dire que vous avez été nourri par certains auteurs ?

Il n’y a pas une expérience, un livre, mais plusieurs. Quand j’avais environ vingt ans, j’étais fou du roman de Thomas Mann, Tonio

Kröger. Je pense également à un

poème de Vallejo qui a changé ma vie d’auteur. J’ai aussi été beau- coup impressionné par l’œuvre de Boulgakov. Le Maître et Marguerite a été pour moi une révélation, une illumination. En le lisant, j’avais l’impression que c’était comme si l’auteur avait réussi à se libérer de toutes les lois du roman. Mikhaïl

Boulgakov est parvenu à capter un monde nettement plus grand que le monde réel. Et je n’ai pas osé relire ce livre depuis plus de vingt ans…

L

EBIBLIOTHÉCAIRE

• Quel rapport entretenez-vous avec votre bibliothèque personnelle, celle qui entoure votre table de travail ? Vous

L

ELECTEUR

• Votre dernier roman est l’occasion de réfléchir sur le pouvoir des mots, sur la manière dont les hommes vivent avec eux, « compagnons les plus dévoués (…) amis les plus fidèles », pourtant parfois inutiles. Les hommes lisent, lisent trop, lisent à en mourir : pourquoi la lecture est-elle un acte si marquant pour vous ?

Jón Kalman Stefánsson : Je crois qu’il est possible d’avoir une influence sur le monde avec des mots. C’est peut-être un peu naïf, mais j’y crois de toutes mes forces, j’y mets toute ma foi. Je crois aussi qu’on a le pouvoir de faire naître chez les mots la capacité de toucher le lecteur. Les mots sont des armes.

• Les mots ne sont-ils donc « des flèches, des balles de fusil, des oiseaux légendaires lancés à la poursuite des héros » que parce que les lecteurs, pour vous, sont des individus qui laissent voir en lisant ce qu’ils ont de plus vulnérable ?

Question difficile. Quand j’écris, je poursuis un but dont je ne connais pas exactement la nature. C’est un peu comme si je me dirigeais vers un horizon dont je ne suis pas sûr qu’il existe, mais vers lequel je me dirige de toutes mes forces.

Islande

Dans le document 55 : Pays nordiques (Page 60-63)