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Journée d’étude du 18 novembre 2010, à Caen

Dans le document 55 : Pays nordiques (Page 81-83)

1. Adra : Association de développement et de recherche sur les artothèques ; Cipac : Fédération des professionnels de l’art contemporain.

D.R.

De g. à dr. : P. Ramade, J. Brolly, M. Pilven, C. Texier, S. Froux, F. Alleaume.

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public d’appréhender les questions de l’art aujourd’hui.

Alexandre Castant, critique d’art et pro- fesseur à l’École nationale supérieure d’art de Bourges, appréhende la col- lection d’œuvres d’art « visuelles » qui emploient un matériau sonore. Avec elles, le statut, la réception et l’exposi- tion de ce nouveau type d’images doit être redéfini, et une autre version de l’ar- tiste-collectionneur apparaît, qui capte, enregistre, inventorie… Parce que le son se diffuse immatériellement dans l’es- pace, il faut imaginer un nouveau type de collection qui, publique ou privée, aura recours à des objets sonores, car la surenchère dans la fétichisation de l’objet est, dans une exposition, propor- tionnelle à l’invisibilité du son.

> L’individu et l’œuvre

Une philosophie de l’amour de l’art peut-elle éclairer notre rapport à l’œuvre ? François Coadou note que le problème se noue dans le glissement vers l’œuvre d’art. Aimer des œuvres, objet d’une consommation possible, ouvre sur une perversion possible de l’amour de l’art. Fétichisée, l’œuvre n’est plus envisagée dans sa totalité réelle, dynamique, ouverte, critique. Le désir de l’œuvre, désir d’appropriation légitime, est perverti en satisfaction immédiate. Il faut opérer une conver- sion du désir qui dégage les attendus et rouvre à l’inattendu. Ainsi seulement un amour adéquat de l’œuvre d’art sera possible : un amour qui l’aime pour ce qu’elle échappe toujours.

L’écrivain Philippe Ripoll a mené un atelier d’écriture avec des chômeurs – notamment des ouvrières de feu Moulinex – en dialogue avec des œuvres de l’artothèque de Caen dans une approche « socio-littéraire ». Cette co-lecture du monde fait émerger un glissement progressif vers la collec- tion : face à l’œuvre, un travail micro- scopique. De son côté, Mona Thomas, écrivain et critique d’art, estime que recevoir une œuvre n’est pas qu’une affaire de moyens matériels, mais bien une succession d’engagements person- nels et de bouleversements aboutissant

à un autre mode de vie. En proposant à des jeunes peu sensibilisés à l’art de participer à un atelier d’écriture, s’ex- prime l’idée que le musée est un bien public qui leur appartient. En contre- partie d’un difficile travail d’écriture, l’appropriation de l’œuvre supplante la consommation de biens culturels. Les ateliers « Écrire à l’œuvre » ont esquissé un chemin pour apprendre à voir. Pour Franz Kaltenbeck, psychanalyste, si les avant-gardes ont souvent pré- tendu à la subversion de l’art et de la société, peu d’œuvres témoignent du sérieux de cette prétention. Celle de l’artiste Dieter Roth fait exception. Deux aspects soutiennent cette affirmation. Tout d’abord la façon dont Roth a inclus ses tractations avec ses collectionneurs dans sa production, dévoilant ainsi son propre rapport à l’argent, mais aussi la pulsion à l’œuvre dans l’édification de collections ; enfin l’invention de l’œuvre livrée à sa propre disparition (tableaux ou sculptures en chocolat) exposée dans le Musée de la moisissure à Hambourg. Quelles lueurs la neurophysiologie jette-t-elle sur la « réception » de l’œuvre d’art ? Francis Eustache, direc- teur d’études à l’Ephe et directeur de l’unité U923 de l’Inserm à l’Université de Caen et au centre Cyceron, a étudié des patients atteints de lésions cérébrales, chez lesquels la perception d’une œuvre se trouve modifiée ou, au contraire, étonnamment préservée malgré des déficits cognitifs très importants. Tout comme les collections des Frac ou des musées, les artothèques consti- tuent un patrimoine, notamment consti- tué d’estampes, mais dont l’usage investit aussi l’espace privé. Pour Claire Tangy, outre le fait que les arto- thèques permettent à un public élargi de côtoyer l’art de façon intime et quo- tidienne, les modalités de réception des œuvres induites par le dispositif de prêt présentent des caractéristiques parti- culières : l’expérience de l’œuvre est renouvelable, elle s’affranchit du besoin de la posséder et induit à envisager la jouissance individuelle d’un bien collec- tif, à établir avec l’œuvre une relation de dialogue ou de tension critique. Par son choix, le spectateur devient actif, il

développe un système de critères sélec- tifs qui va évoluer toute sa vie.

Plateforme de recherche et de création, la Caravane d’inventions institution- nelles se propose d’inventer d’autres rapports que ceux du management ou de la gestion qui dominent nos exis- tences. En mai 2010, elle a publique- ment déposé auprès de l’artothèque de Caen cinq collections de l’agenda

L’Imprévisible édité par Le Jeu de la

règle… En les utilisant selon des pro- tocoles préétablis, les emprunteurs transforment des œuvres à l’origine multiples en œuvres uniques.

La conclusion de cette journée revenait à l’un des pères du Centre Pompidou, Claude Mollard qui, proche collabora- teur de Jack Lang, a lancé dans les années 1980 la nouvelle politique des arts plas- tiques, dirigé de nombreuses institutions artistiques et culturelles et fut notam- ment chargé de mission pour l’éducation artistique et culturelle et directeur géné- ral du CNDP. Après avoir évoqué la poli- tique nationale des arts plastiques de ces trente dernières années à travers le bilan des artothèques, des Frac, des centres d’art et de la commande publique, il se réjouit de l’évolution positive des mentalités face à la réception de l’art contemporain pour laquelle la construc- tion de Beaubourg a joué un rôle capital. Il déplore en revanche l’insuffisance de l’éducation artistique et culturelle. La présence de l’art à l’école joue pourtant un rôle essentiel dans l’éveil et le déve- loppement de la conscience individuelle.

Anne PELTRIAUX Corinne VEYSSIÈRE Artothèque

de Pessac

Olivier BEAUDET Chargé des publics Artothèque du Limousin

Reportage

Les deux prochaines journées de ce cycle se tiendront fin 2011 à Pessac et en mars 2012 dans le Limousin.

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Bibliomonde

> Au nom de la loi

La Suède bénéficie d’une loi sur les bibliothèques depuis 1996. Ce « Library Act » stipule que chaque municipa- lité doit se doter d’une bibliothèque publique et que les citoyens doivent pouvoir emprunter gratuitement dans ces bibliothèques. Il précise en outre que « les bibliothèques publiques et les bibliothèques d’école porteront une attention particulière aux personnes handicapées afin de leur proposer des documents adaptés à leurs besoins. » Les services aux personnes handicapées dans les bibliothèques suédoises sont soutenus par la Bibliothèque suédoise de livres audio et en braille (TPB 1) et le Centre de livres faciles à lire (Centrum för

Lättläst), deux organisations gouverne-

mentales qui jouent un rôle important dans les services proposés aux per- sonnes handicapées dans les biblio- thèques suédoises. Depuis 2005, en application de la directive européenne

sur l’exception pour les personnes han- dicapées, la loi suédoise sur le droit d’auteur autorise les bibliothèques, les institutions et les organisations agréées par le gouvernement à produire des documents adaptés (enregistrements sonores, livres en braille, livres numé- riques…) sans autorisation préalable des auteurs ni des éditeurs comme vient de le faire récemment la loi Dadvsi en France 2.

> Transcrire, prêter,

adapter, signaler

La TPB transcrit donc des livres en braille et adapte un grand nombre de documents en audio, essentiellement en Daisy. Ce format mis au point par le consortium Daisy 3 (Digitable Accessible Information System), ouvert et utilisable par tous, est un standard de formatage de documents numérisés destiné à la production de livres sonores mais aussi textuels. Il per- met notamment de structurer le texte et de naviguer ainsi d’un chapitre à l’autre, de poser des signets, de faire varier la vitesse de lecture, de reprendre la lec- ture à son point d’arrêt et de prendre des notes sur le texte, ce que ne permettent pas les éditions commerciales de livres sonores. Pour bénéficier de ces fonction- nalités, il faut lire ces fichiers sur des lec- teurs spécifiques dits « lecteurs Daisy ». TPB dispose aujourd’hui de 63 000 livres sonores au format Daisy dans 50 langues différentes et en produit environ 3 000 par an 4. Elle propose en outre des livres audio plus adaptés aux personnes défi-

cientes intellectuelles : les LL-inläsning et les speciallinläsning dont la vitesse de lecture est ralentie et qui comportent des illustrations sonores pour faciliter la compréhension.

Le prêt de « livres parlés » à l’atten- tion des usagers déficients visuels ou souffrant de difficultés de lecture (dyslexiques, déficients intellectuels…) fait partie intégrante des missions des bibliothèques publiques et des biblio- thèques d’école en Suède. Toutes pro- posent ce type de support et peuvent également en emprunter à la TPB, via le prêt-interbibliothèques, pour répondre au mieux à la demande de leurs usagers. Par ailleurs, la TPB permet aux biblio- thèques habilitées (500 au total en Suède) le téléchargement direct de livres numériques, audio ou texte, depuis son catalogue à destination des personnes handicapées ou rencon- trant des difficultés de lecture. Celles-ci peuvent également demander un mot de passe qui leur permet de téléchar- ger directement ces documents numé- riques depuis leur domicile sur un lec- teur Daisy, un MP3 ou sur un portable. En ce qui concerne l’offre de livres en braille, TPB dispose d’un fonds de 13 000 titres. Les transcriptions sont souvent effectuées à la demande. Les documents en braille sont directement

Les bibliothèques suédoises sont connues pour leur très fort taux de fréquentation, l’amplitude importante

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