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4. CADRE THÉORIQUE

4.4 Applications de la Sémantique des cadres

4.4.2 FrameNet dans d’autres langues

4.4.2.1 Verbes de mouvement du point de vue de la Sémantique des cadres

La seule étude que nous avons trouvée qui présente une analyse de l’ASM de point de vue de la Sémantique des cadres est la thèse de doctorat de Alshehri (2014). Dans son travail, l’auteur explore des cadres sémantiques définis pour l’anglais et la possibilité que ces cadres, initialement conçus pour l’anglais, existent dans d’autres langues, notamment en ASM.

La recherche est basée sur un corpus bilingue anglais-ASM et axée sur l’analyse de cinq unités verbales évoquant le cadre Self_motion. La recherche a donné trois types de résultats, que nous résumons dans ce qui suit. Premièrement, le cadre Self_motion comporte les rôles sémantiques qu’on peut observer dans les verbes ASM de mouvement autopropulsé (self-propelled motion). Deuxièmement, il existe certaines restrictions en ce qui concerne les traits sémantiques (comme Humain, Animal, etc.) des rôles sémantiques en ASM et en anglais dépendamment des verbes. Troisièmement, l’ASM présente certaines particularités concernant les rôles sémantiques, puisque quelques-uns ne sont pas présents.

Dans sa méthodologie, l’auteur a choisi de travailler sur cinq verbes dans chaque langue. Pour l’anglais, les verbes candidats sont walk, run, fly, climb et crawl. Nous rappelons que ces verbes font partie des unités lexicales qui évoquent le cadre Self_motion dans FrameNet. Selon l’auteur, ces verbes ont la particularité d’avoir un usage fréquent et leur équivalent en ASM sont composés d’un seul morphème. Les verbes ASM sont ma$Y (ﻰﺸﻣ) (marcher), jarY (ىﺮﺟ) (courir), TAra (رﺎط) (voler), tasal~aqa (ﻖﻠﺴﺗ) (grimper) et zaHafa (ﻒﺣز) (ramper).

Le corpus utilisé dans cette recherche est bilingue. Le corpus anglais provient de

Corpus of Contemporary American English (COCA). Le repérage des cinq verbes dans le

corpus est fait de façon manuelle. Toutes les formes sont récupérées, à savoir verbe+ø, verbe+s, verbe+ed, verbe+ing. En ce qui concerne le corpus ASM, les données sont recueillies du Online Arabic Corpus. La même méthode est utilisée pour le repérage des cinq verbes ASM. La seule différence constatée est que la recherche des formes verbales est faite à partir de la forme de la troisième personne au singulier. Les occurrences des verbes obtenues ont subi un filtrage pour délimiter les données en fonction des besoins de la recherche. Par exemple, l’emploi figuré est éliminé comme dans les phrases suivantes :

[1] zaHafa aljay$ tijAha alHiSn

ﻦﺼﺤﻟا هﺎﺠﺗ ﺶﯿﺠﻟا ﻒﺣز

L’armée a rampé vers la forteresse

[2] He will run for president, and even win.

Finalement, pour chaque verbe dans les deux langues, entre 50 et 62 contextes ont été prélevés.

L’analyse du cadre se limite aux core-FE, à savoir Self_mover, Direction, Source, Path, Goal et Area. Pour ce faire, l’analyse est effectuée par paire de verbes : deux verbes anglais et leurs équivalents ASM. L’accent est mis sur le type de traits sémantiques associés au FE Self_mover et la fréquence de la spécification des autres FE. Par exemple, les verbes

ma$Y (ﻰﺸﻣ) (marcher) et jarY (ىﺮﺟ) (courir) et walk et run comportent les composantes « motion » et « manière ». Par conséquent, après avoir analysé les occurrences de ces quatre verbes dans le corpus, l’auteur (Alshehri 2014 : 10) constate ce qui suit. Il existe certaines similitudes entre les verbes analysés en ce qui concerne les notions qu’ils dénotent. Les quatre verbes reçoivent les traits Animé (humain ou animal) et Inanimé. La figure 56 résume les résultats de cette analyse.

Figure 56 : Traits sémantiques et fréquence du FE Self-mover pour les verbes anglais et arabes (Alshehri 2014 : 10)

La figure montre que la fréquence des traits Animé Humain et Animé Animal est presque la même pour les quatre verbes en question. Par contre, le trait Inanimé (vehicle) est spécifique aux verbes ASM. D’après FrameNet, le FE Self-Mover ne couvre pas les objets : « Self_mover is the living being which moves under its own power. Normally it is expressed as an external argument » (FrameNet 2015). Cependant, l’auteur ne justifie pas la raison pour

laquelle il a inclus cet usage des verbes ASM. Considérons les exemples suivants de certains de ces emplois :

[1] Ha*a AltrAm yam$y fy xaT da}ry اﺬھ

يﺮﺋاد ﻂﺧ ﻲﻓ ﻲﺸﻤﯾ ماﺮﺘﻟا

Ce tram circule dans un mouvement circulaire

[2] EarabAt AlHanTwr tajry bijAnibihi taHt AlA$jAr

يﺮﺠﺗ رﻮﻄﻨﺤﻟا تﺎﺑﺮ رﺎﺠﺷﻷا ﺖﺤﺗ ﮫﺒﻧﺎﺠﺑ

Les diligences passent devant lui sous les arbres

D’après l’auteur, les véhicules : « are understood to be able to walk and run by itself » (Alshehri 2014 : 11). Il nous semble que, pour cette raison, l’auteur a fait le choix d’intégrer ce genre d’emploi dans son analyse des verbes.

Pour le reste des FE, l’auteur présente les résultats suivants (figure 57).

Figure 57 : Fréquence des autres FE du cadre Self_motion (Alshehri 2014 : 10)

D’après les données présentées dans la figure, les corpus n’attestent pas d’une fréquence pour le FE Direction (à l’exception du verbe jarY (ىﺮﺟ) (courir) avec une fréquence très faible de 1 %). Quant au FE Source, les unités verbales anglaises walk et run évoquent plus fréquemment ce FE que les unités verbales ASM. Par contre, pour le FE Path et Area, les verbes ASM en font un plus grand usage (même si avec une faible fréquence). Le FE Goal a une bonne fréquence pour tous les verbes, sauf pour le verbe anglais run. À partir de ces résultats, l’auteur (ibid. : 11-12) tire la conclusion suivante :

The implication of differences between Arabic and English of the frequency of the specification of the spatial role is that generally in the self_motion events of walk and run, English speakers pay more attention to the beginning and end of the motion more than Arabic speaker. However, Arabic speakers seem to pay slightly more attention to the trajectory and area of the motion events. This difference highlights that walk and run and their Arabic counterparts have some semantic differences.

Pour les quatre verbes combinés avec tous les FE analysés, les résultats suivants sont obtenus (figure 58 et 59).

Figure 58 : Traits sémantiques du FE Self_mover pour tous les verbes analysés (Alshehri 2014 : 12)

Figure 59 : Fréquence des non-core FE pour tous les verbes analysés (Alshehri 2014 : 13)

D’après les figures, les traits sémantiques du FE Self_mover sont presque identiques pour tous les verbes, les plus fréquents étant les traits Humain et Animal. Les traits Vehicle et Inanimate relèvent d’une classification de Talmy (1985) selon laquelle deux catégories existent pour la notion de motion : self-agentive, qui désigne les entités comme Humain et Animal, et non-agentive, qui désigne les entités comme les objets concrets. De ce fait, les entités de type self-agentive (Humain et Animal selon l’analyse) sont considérés comme étant prototypiques du cadre Self-motion. Cela explique la raison de la haute fréquence des traits Humain et Animal par rapport à Vehicle et Inanimate. Pour le reste des FE, nous remarquons les différences entre les deux langues, à l’exception du FE Direction, où les deux langues expriment la même réalité.

Enfin, nous signalons que les analyses faites sur le cadre Self_motion n’ont pas fait l’objet d’une application pratique. De plus, l’auteur a mené une recherche sur un nombre limité de verbes dans les deux langues, ce qui ne permet pas, à notre avis, de faire des généralisations sur les verbes en ASM de point de vue de leur traitement sous l’angle de la théorie de la Sémantique des cadres. Cependant, dans la section 4.4.2.2, nous présentons une tentative de construction d’un FrameNet pour l’ASM.