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Chapitre 2 : La thérapie génique

2.4 Méthode de livraison pour les endonucléases programmables

2.4.2 Les vecteurs viraux

Les virus maitrisent l’art de transduire les cellules et de répliquer leur génome dans ces cellules. Des qualités que l’on peut leur envier dans le cadre d’une thérapie génique, c’est pourquoi les vecteurs viraux sont le premier choix des chercheurs de nos jours. Capables de tropisme envers certains tissus ou même de traverser la BBB, tous les types de virus utilisés jusqu’à présent possèdent leurs qualités et leurs faiblesses. Leur point commun est leur coût de production dans des conditions de bonnes pratiques de fabrication (BPF) est extrêmement élevé.

2.4.2.1 Les rétrovirus et lentivirus

Les lentivirus (LV) appartiennent à la famille des rétrovirus. Ces virus codent leur gène avec de l’ARN et possèdent une enzyme unique appelée transcriptase inverse qui permet de reconvertir leur génome en ADN une fois dans la cellule. Le LV issu du VIH est le plus communément utilisé en laboratoire car il est assez facile à produire ; il infecte un grand nombre de lignées humaines et sa taille permet l’insertion de nombreux matériels génétiques (~10kb) dont de gros complexes comme les éditeurs de base (248-251). Les variants utilisés en laboratoire ne sont pas réplicatifs, ce qui diminue d’autant plus leur dangerosité. Ce sont des virus intégratifs, ce qui les rend préférables pour une utilisation in vitro ou ex vivo, mais il faut vérifier leur site d’insertion. On peut rappeler une étude clinique menée avec des enfants-bulles victimes de conséquences délétères. Le type de rétrovirus utilisé ayant subi un tropisme pour s’intégrer dans un proto-oncogène (252), 25% des enfants avaient développé une leucémie (253, 254). Des améliorations ont été réalisées en créant des variants de LV possédant des intégrases mutées et ne lui permettant plus qu’une expression transitoire (255). Ce virus ne reste pas le candidat idéal pour une injection systémique, quand bien même que son tropisme peut être orienté ; sa capacité de transduction est si forte qu’il infecterait les cellules du sang avant d’atteindre l’organe cible (256). Il est également incapable de traverser la BBB à cause de sa taille. Une injection in situ pourrait être une option envisageable.

2.4.2.2 Les adénovirus

Composée d’une soixantaine de sérotypes différents, la famille des adénovirus (Adv) possède un génome d’ADN double brin, sont sans enveloppe et peuvent contenir environ 36 kb. L’un des sérotypes les plus utilisés est le numéro 5 (Adv5) car il a la capacité de transduire beaucoup de sous-type cellulaires humains différents. Capable d’infecter des cellules en division ou non, il ne s’intègre pas dans le génome de l’hôte contrairement au LV (257, 258). Sa taille d’encapsidation très avantageuse aurait pu faire de lui le vecteur idéal pour les thérapies géniques, pouvant contenir tous les types d’endonucléases programmables possibles. Sa principale faiblesse est son immunogénicité qui entraine une forte réponse immunitaire pouvant causer la mort (259, 260). Après une étude clinique ayant couté la vie à un jeune garçon, de nouveaux modèles d’Adv ne contenant plus de matériel génétique viral

ont été produit, appelés Adv à grandes capacités (« High capacity Adv » ou HC-Ad) (261- 263). Une seconde faiblesse est sa condition de production. Ne pouvant plus se répliquer lui- même, l’HC-Ad doit être co-produit avec un adénovirus « helper » qui va l’aider à former sa capside. Le problème survient à la purification du virus car il très difficile de ségréger les deux adénovirus, sachant que le « helper » est hautement infectieux.

2.4.2.3 Les virus adéno-associés

C’est lors d’une production d’Adv en 1965 que les virus adéno-associés (« adeno- associated virus » ou AAV) ont été isolés. Ils tiennent leur nom du fait qu’ils sont dépendant des Adv pour leur réplication (264). Ce sont de petit virus capables d’encapsider 4.7 kb, ils ne possèdent pas d’enveloppe et ont un génome ADN simple brin (265). Leur génome possède deux régions : Rep qui contrôle leur réplication et leur intégration ; Cap qui code pour ses gènes de capsides (V1, V2, V3). Ces deux régions sont comprises entre deux répétitions terminales inversées (« Inverted Terminal Repeat » ou ITR), qui détermine la limite d’encapsidation (266). L’intégration et la réplication du virus sont deux problèmes qui peuvent être réglés simplement en enlever la région Rep. La région Cap par contre, joue un rôle décisif dans le tropisme de l’AAV et les modifications de V1, V2 et V3 créent autant de sérotypes différents. Treize sérotypes sont particulièrement utilisés pour leur particularité à infecter certaines cellules in vitro et certains organes particuliers in vivo (266, 267) (Figure 10). Cependant des centaines de sérotypes peuvent être produits.

Figure 10. Les sérotypes d’AAV et leurs tropismes

Image réalisée par Antoine Guyon, modifiée de Lau et al. 2017. Chaque sérotype de AAV présente un tropisme particulier pour certains tissus. Notamment, le sérotype AAV9 (vert) permet de cibler à la fois le cœur mais aussi les muscles squelettiques.

Un des avantages certains des AAVs est leur rare pré-immunogénicité. Certaines rares personnes possèdent déjà des anticorps contre les AAVs et pourraient faire une réaction humorale plus ou moins sévère lors d’une première administration (265). Cependant l’administration de doses élevées d’AAVs induit une réponse immune et leur ré- administration est impossible. Il est donc important de développer des thérapies pouvant être administrées en une prise unique.

Pour utiliser le plus d’espace d’encapsidation possible, des AAVs recombinants (rAAV) ont été conçus sans aucune de leur région Rep et Cap. Le transgène insérable ne doit dont pas excéder 4.7 kb pour assurer une bonne production. Cette taille demeure petite pour encapsider un gène thérapeutique et son promoteur, c’est pourquoi l’apparition de différents systèmes d’édition de génome permet de régler une partie du problème. En effet, une paire de ZFNs, un monomère de TALEN ou une SpCas9 sans son ARNg peut être encapsidé dans un AAV (240). Il faut donc plusieurs AAVs pour délivrer le système complet, et donc multiplier le prix de production. Les TALENs sont très peu utilisés avec ce genre de virus, étant donné qu’il faut 2 AAVs pour une paire et 4 si l’on veut couper en deux endroits pour

enlever un morceau d’un gène (268). Pour le système CRISPR/Cas9, il faudra donc un deuxième AAV pour insérer les ARNg ou bien utiliser une Cas9 plus petite (SaCas9 par exemple) qui ne sera pas forcément aussi efficace (209, 210). L’enjeu d’encapsidation atteint un autre niveau avec les CBE qui ont une taille moyenne de 5.2kb et qui ne tiennent tout simplement pas dans un AAV seul. Des chercheurs ont heureusement travaillé sur des solutions en élaborant des systèmes de demies protéines, appelées intéines, capables de se recombiner une fois dans la cellule et de reconstituer le CBE entier et fonctionnel (269, 270).

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