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Chapitre 2 : La thérapie génique

2.1 Les systèmes d’enzymes endonucléases programmables

Le premier système ayant permis de réaliser une coupure double brin (« double strand break » ou DSB) dirigée dans le génome était une protéine chimérique composée de la protéine FokI, une enzyme de restriction, et de l’homéodomaine de Drosophila Ultrabithorax (Ubx) (157, 158). FokI vient de l’organisme Flavobacterium okeanokoites et possède un site de coupure non spécifique qui est actif lorsque l’enzyme se dimérise. Ce domaine a alors été isolé pour le fusionner avec le domaine de liaison de l’ADN (« DNA binding domain » ou DBD) de l’Ubx. Cette enzyme hybride était alors capable de réaliser une coupure double brin sur un autre site que celui d’origine. Cette construction a été le point de départ des systèmes à endonucléases programmables, en utilisant la protéine FokI pour lui faire réaliser des coupures toujours plus précises.

2.1.2 Les nucléases à doigts de zinc (ZFN)

Le « doigt de zinc » est un motif structural composé de deux histidines et deux cystéines, stabilisé par un ou plusieurs ions zinc. Les protéines à doigts de zinc (« zinc finger protein » ou ZFPs) sont connues pour leur interaction avec l’ADN et leur rôle comme facteurs de transcription. Elles sont capables de cibler une zone précise de l’ADN grâce au contenu de leurs motifs doigt de zinc qui forme une séquence de 30 acides aminés mis bout à bout (159). Il est possible de reconnaître plusieurs séquences d’ADN de cette manière en combinant les différents domaines doigt de zinc, ce qui a permis la création de ZFPs de

synthèse (160-162). Des chercheurs ont allié la capacité de ciblage des ZFPs avec l’activité endonucléase de FokI en les fusionnant créant ainsi une nucléase à doigt de zinc (« zinc finger nuclease » ou ZFN) (163-165). FokI ne pouvant fonctionner qu’en dimère. Il fallait concevoir une paire de ZFNs ciblant une séquence du génome de 18 à 36 paires de bases (pb) de part et d’autre du site de coupure (Figure 5). On peut qualifier les ZFNs comme le premier réel outil d’édition de génome (164, 166-169).

Figure 5. Structure d’un dimère de ZFN.

Image réalisée par Antoine Guyon, modifiée de Kim et al. 1994. Rectangles bleus : Domaine de liaison à l’ADN. FokI : domaine de nucléase FokI. Les deux domaines FokI peuvent se dimériser et effectuer une DSB une fois que les ZFP se sont liés aux séquences cibles (orange et vert).

Un phénomène vite remarqué avec l’usage des ZFNs fut leur toxicité à haute dose. En effet, une trop grande concentration de ZFNs ciblant le même site sur le génome permettait aux sites catalytiques de FokI de former des homodimères (deux parties droites ou deux parties gauches réunies) et de cliver des loci aléatoires. Ce fut aussi la première observation de ce qu’on appellera l’effet « off-target » (hors-cible) (165, 168, 170). Des variants de ZFNs ont alors été élaborés pour réduire l’homodimérisation de FokI au maximum, obligeant une partie droite à se combiner à une partie gauche (165, 171, 172). Le DSB réalisé par les ZFNs est réparé majoritairement chez l’humain par le mécanisme de

jonction des extrémités non-homologues (« Non Homologous End-Joining » ou NHEJ). C’est un processus imparfait qui induit la formation d’INDELs (Insertion-Délétion). Ces INDELs changent fréquemment le cadre de lecture de l’ARN messager (ARNm) résultant et peuvent souvent servir à rendre un gène non-fonctionnel (« knock-out » ou KO). Cependant, des variants ZFNs ont été développés pour promouvoir la voie de réparation homologue dirigée (« Homologous Directed Repair » ou HDR), permettant des éditions plus précises via l’insertion d’un ADN donneur synthétique (173, 174). Pour ce faire, des chercheurs ont muté FokI pour en faire une nickase (ne pouvant plus couper qu’un seul brin d’ADN). Ces optimisations ont servi à développer le modèle d’édition génique suivant.

2.1.3 Les nucléases effectrices de type activateur de transcription

Les protéines appelées communément TALENs, (« Transcription Activator-Like Effector Nucleases ») sont composées du domaine nucléase FokI, d’un « spacer » (une courte séquence d’acide aminées) et d’une protéine permettant d’activer la transcription (« Transcription Activator-Like Effector » ou TALE) (175-177). Issue du phytopathogène

Xanthomonas, une TALE est composée de 15 à 20 modules de 33 à 35 acides aminés, les

acides aminés en position 12 et 13 étant les deux seuls résidus variables du motif (« Repeat Variable di-Residues » ou RVDs) (178-181). Ils reconnaissent chacun un nucléotide particulier selon leur combinaison spécifique : l’adénine est reconnue par les RVDs asparagine-isoleucine, la thymine par asparagine-glycine, la guanine par asparagine- asparagine et la cytosine par histidine-aspartate. En assemblant ces 4 différents modules et en tenant compte de cette interaction RVDs/ADN, on peut déterminer la séquence exacte de la protéine TALE capable de s’attacher à une séquence de nucléotides sélectionnée (Figure 6) (176). Il a été observé qu’une liaison optimale ne peut avoir lieu que si une thymine se trouve à l’extrémité 5’ du TALE. La protéine TALE peut être fusionnée avec la nucléase FokI pour former des TALENs qui, tout comme les ZFNs, fonctionnent en dimère (182-184).

Cette nouvelle technologie était très prometteuse à l’époque, capable de couper le génome ou même d’activer la transcription d’un gène si fusionnée avec certaines protéines comme Vmw65 du Herpès Simplex virus. Plus faciles à assembler qu’une ZFN mais plus fastidieuses, des méthodes de construction optimisée de TALENs ont été rendues accessibles

(185-187). Même si la séquence ciblée était extrêmement précise, la grande homologie des modules n’empêchait pas totalement les effets hors-cibles (188).

Figure 6. Structure d’un dimère de TALEN

Image réalisée par Antoine Guyon, modifiée de Kim et al. 1994. Architecture d’un TALEN : la nucléase FokI, un domaine TALE (assemblage de modules bleus, rouge, verts et violets), un « spacer » connectant les deux éléments. Motifs rouge et vert : site de liaison à l’ADN du domaine TALE.

2.2 Le système CRISPR/Cas9

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