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GENERALITES SUR LES CORINDONS

II- 2 LES VARIETES DE CORINDON ET ORIGINE DE LA COULEUR

Lorsqu'il est sous sa forme pure, le saphir est incolore (leucosaphir). Les deux variétés de corindon les plus connues sont le rubis de couleur rouge et le saphir de couleur bleue. Les saphirs peuvent présenter une grande diversité de couleurs en passant par toute une gamme de jaune, orange, vert, marron, rose ou violet lorsqu’ils possèdent des impuretés dans leur réseau cristallin ou lorsqu’il ont été chauffés artificiellement.

La coloration du corindon est due à deux facteurs principaux :

- la présence d’éléments traces, notamment les métaux de transition comme Cr, Fe, Ti, V, Ga, appelés éléments chromophores, qui se substituent aux ions Al3+ dans le réseau cristallin du corindon sous la forme d’ions Fe3+, Fe2+, Cr3+, Ti3+, Ti4+ (Tableau II-1);

Violet

foncé Bleu Vert Jaune Orange Rose orangé Rose Rouge Al 51.73 51.72 51.48 51.77 51.26 51.71 51.85 51.60 O 46.71 46..70 46.57 46.70 46.49 46.71 46.77 46.77 Fe 0.42 0.81 1.11 0.64 1.09 0.52 0.34 0.10 Cr 0.10 - 0.05 0.03 0.17 0.02 0.06 0.61 Ti 0.003 0.03 - 0.06 0.03 - - - Mn 0.003 - - 0.01 - 0.01 0.08 - Ca - - - 0.02 0.04 - Na 0.18 0.09 0.13 0.16 0.17 0.14 0.11 0.16 K - - 0.02 0.02 0.04 0.04 0.03 - Mg 0.60 0.06 0.50 0.50 0.53 0.64 0.64 0.63 total 99.80 99.41 99.86 99.89 99.78 99.81 99.92 99.87 Tableau II-1: Analyses chimiques réalisées à la microsonde électronique (en % poids) de corindons de différentes couleurs du Malawi (d'après Pomian-Szrednicki, 1997).

- la couleur bleue du saphir est liée à la présence d'atomes de fer et de titane qui se substituent à l'aluminium dans la structure du corindon, et également à des transferts de charges entre le Fe2+ et le Ti4+;

- la présence d’inclusions minérales piégées durant la croissance du corindon, de nature contrastée, comme le rutile, la boehmite, le diaspore, les carbonates, l'apatite, le zircon, les feldspaths peut provoquer la formation de textures et caractéristiques optiques particulières. Dans certains cas, ces inclusions peuvent s’orienter préférentiellement le long des axes cristallographiques et occasionner la formation d’un astérisme ou d’une texture "trapiche", formée de six bras squelettiques et de six secteurs de croissance centrés suivant l'axe c du cristal (Garnier et al., 2002).

II-2.1 Le rubis

Le rubis est la variété rouge du corindon. Sa couleur est liée à la présence d'oxyde de chrome (Cr2O3) qui se substitue à l'aluminium dans le réseau cristallin (Tableau II-2) dans des proportions variant de 0,19% poids dans les rubis du Népal (Muhlmeister et al., 1981) à 3,8% poids dans les rubis du gisement de Claim O’Briens au Zimbabwe (Schreyer et al.,

1981). Le rubis variété "goodletite" de Westland en Nouvelle-Zélande peut contenir jusqu’à

Chapitre II: Généralités sur les corindons

Des concentrations en Cr2O3 comprises entre 1 à 2% poids dans le rubis de Mogok, au Myanmar, permettent d'obtenir une couleur rouge intense appelée "sang de pigeon" (Garnier

et al., 2002c).

Couleur Cause Référence

pourpre

transfert de charges Fe2+-O-Ti4+ coexistant avec Cr3+ en coordination

octaédrique

Schmetzer et Bank (1981)

transfert de charge Fe2+-O-Ti4+ avec influence du transfert de

charge Fe2+→ Fe3+ Smith et Strens (1976) bleu (saphir) Schmetzer (1987) vert Fe3+ en coordination octaédrique coexistant avec un transfert de

charges Fe3+→ Ti3+

Schmetzer et Bank (1981)

Transfert de charges O2-→ Fe3+

Fe3+ et Ti3+ des centres colorés variés, de structure inconnue jaune paires d’ions Fe3+ Schmetzer et al. (1982) Nassau et Valente (1987) Schmetzer et Bank (1981) Schiffmann (1981) Schmetzer et al.(1983) Nassau et Valente (1987) Ferguson et Fielding (1971) orange à brun orangé Cr3+ en coordination octaédrique et centres colorés avec une

contribution de Fe3+

Schmetzer et Bank (1981) Schmetzer et al (1983)

"padparadscha"

Cr3+ en coordination octaédrique et centres colorés Cr3+ en coordination octaédrique du fait de la substitution de 2 Al3+ par Cr3+ et Mg2+ dans la structure cristalline Schmetzer et Bank (1981) Nassau (1983) rouge (rubis) Cr3+ en coordination octaédrique avec une contribution mineure de

V3+ et Fe3+ en coordination octaédrique

Harder (1969) Gübelin (1975)

rose Cr3+ en coordination octaédrique Rossman (données non publiées) couleur

changeante

Cr3+ et / ou V3+ en coordination octaédrique dans un intervalle de

teneurs particulières.

Schmetzer et al. (1980)

Tableau II-2: Relation entre la couleur des saphirs colorés et des rubis et leur composition chimique. La couleur bleu du saphir est due à la présence à la fois du fer et du titane. Le fer sous la forme Fe3+est également responsable de la couleur verte tirant vers le jaune de certains saphirs verts et jaunes (Fritsch et Rossman, 1988).

Garnier (2003) résume les mécanismes d’adsorption de la lumière blanche intervenant

énergétique de base 4A2 vers le niveau excité 4T2. Une radiation de 2,2 eV, correspondant à la lumière vert-jaune, est ainsi absorbée. Le second mécanisme implique une transition 4A2 vers le niveau d’énergie 4T1 absorbant une radiation de 3,0 eV qui correspond à la lumière violette

(Taraschchan, 1978). Ces bandes d’absorption se recouvrent partiellement. Par ces deux

mécanismes, la transition de la lumière bleue est moins forte que celle de la lumière rouge d’où l’intensité de la couleur rouge du rubis avec quelques reflets violets. Le phénomène de fluorescence au sein du minéral renforce encore considérablement la couleur rouge du rubis.

La couleur est dépendante de la sensibilité de l'œil humain et de l'environnement cristallographique des chromophores contenus dans les cristaux (Fritsch et Rossman, 1987). Par exemple, le chrome est le chromophore qui donne sa couleur rouge au rubis et sa couleur verte à l’émeraude. La différence de couleur entre les deux minéraux est liée à des distances Cr-O différentes et à des distorsions du réseau cristallin qui influent sur le champ électrostatique du chrome. Ainsi, bien que similaires, les spectres d'absorption du rubis et de l'émeraude présentent leurs maxima à des niveaux d'énergie différents (Figure II-4). Pour le rubis, les spectres d’absorption sont situés dans le rouge à 610 nm et dans le bleu à 480 nm ; mais comme l’œil humain est plus sensible au rouge qu’au bleu, ainsi le rubis apparaît rouge (Figure II-4). La bande d’absorption de l’émeraude est centrée dans le vert à 560 nm, là où l’œil humain est le plus sensible.

Outre le chrome, d’autres éléments peuvent apporter une nuance dans la couleur rouge: la présence d’ions Fe3+ apporte une nuance marron et la présence conjuguée de Fe et Ti est à l’origine d’une nuance violette (Garnier, 2003).

II-2.2 Le saphir bleu

La couleur bleue du saphir est liée à un phénomène complètement différent de celui du rubis (Hughes, 1997). Cette couleur est liée à la présence d'atomes de fer et de titane qui se substituent à l'aluminium dans la structure du corindon (Tableau II-2). Le fer est présent sous forme ferreuse (Fe2+) ou ferrique (Fe3+)tandis que le titane est à l'état de valence IV (Ti4+). Si les ions Fe2+ et Ti4+ se situent à proximité l'un de l'autre dans le corindon, une couleur bleue est visible. Sous l'effet de la lumière, un électron libre passe du fer vers le titane selon le transfert suivant :

Chapitre II: Généralités sur les corindons

Longueur d'onde (visible, nm)

Ab so rp tio n (u nités arb itraires)

Figure II-4: Spectres d’absorption (a) d’un rubis du Myanmar et (b) d’une émeraude de Colombie (modifié d’après Fritsch

et Rossman, 1987).

Ce mécanisme de transfert de charges de valence est à l’origine de la couleur bleue du saphir. Une petite quantité (centièmes de pour cent) de fer et de titane suffisent pour obtenir la couleur bleu profond du saphir. La couleur peut être également liée à des transferts de charges entre des atomes Fe2+ et Fe3+ en substitution dans le réseau cristallin du saphir. Mais un excès de fer entraîne souvent une couleur sous-jacente verdâtre.

La couleur de certains saphirs peut également changer selon son orientation par rapport à la source lumineuse, parfois de façon spectaculaire: c’est le pléochroïsme. De plus, la couleur peut également varier avec la nature de la source de lumière: naturelle ou incandescente. Ainsi, les saphirs du Myanmar, de couleur bleue intense, ont tendance à s’assombrir fortement à la lumière du soir et ils montrent un pléochroïsme marqué dans le bleu et le vert pâle. Les saphirs du Sri Lanka ont une belle couleur bleue, souvent un peu claire. A la lumière du soir, certains restent bleus et d’autres deviennent violacés. Ils montrent un pléochroïsme franc dans les couleurs bleu et blanche, leur spectre d’absorption indique la présence conjointe de Fe et Cr. Les saphirs de Thaïlande, du Cambodge et d’Australie sont réputés pour leur couleur bleue nuancée de vert ; ils sont fortement pléochroïques dans les tons bleus et verts. De plus, un excès de titane (soies de rutile- TiO2) leur donne une teinte brunâtre.

II-2.3 Les saphirs jaunes et orangés

Plusieurs mécanismes sont à l’origine de la couleur des saphirs jaunes et orangés (Tableau II-2). Pour les saphirs jaunes Thaïlandais et Australiens, la présence d’ions Fe3+ semble être la cause de leur couleur :

- dans certains cristaux, les atomes de fer sont dispersés dans le minéral et ilsne sont pas nécessairement dus à des substitutions;

- dans d’autres cristaux, ce sont des mécanismes de transfert de charges entre des paires d’ions Fe3+ en substitution dans la structure qui sont à l’origine de la couleur jaune;

- dans d’autres cas, la couleur est liée à la présence de centres colorés. La formation d’un centre coloré implique soit la perte d'un électron lorsqu'un ion divalent (par exemple Mg2+) se substitue à un aluminium du réseau cristallin, soit le gain d'un électron dans une lacune du réseau cristallin. C’est le cas des saphirs du Sri Lanka. Les lacunes électroniques ont été crées par irradiation naturelle des pierres, à faible dose et pendant des millions d'années. L'irradiation d'un cristal entraîne l'éjection d'un électron d'un atome, créant ainsi deux centres colorés, un lié à une perte d'électron, l'autre à un gain. Le couplage de lacunes électroniques avec la présence d'ions Fe3+ donne une couleur jaune aux saphirs (Hughes, 1997). La couleur orange à brun orangé est liée à la présence d’ions Cr3+ en coordination octaédrique et de centres colorés de structure inconnue, probablement avec une contribution d’ions Fe3+ (Fritsch et Rossmann, 1988a).

La couleur jaune peut également apparaître lors de la diffusion d’un élément, après chauffage de certains particules exsolvées dans le minéral.

La couleur orange à brun orangé est liée à la présence d’ions Cr3+ en coordination octaédrique et de centres colorés de structure inconnue, probablement avec une contribution d’ion Fe3+ (Fritch et Rossman, 1988b).

II-2.4 Le saphir "padparadscha"

La couleur spécifique du saphir Sri Lankais dénommé «padparadscha» peut se définir comme rose-orangé; ceci impliquant qu’il s’agit d’un pôle rose plus ou moins additionné de

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jaune-orangé (Notari, 1997). Le terme "padparadscha" provient du Sanskrit/Sri Lankais «padmaraga» qui caractérise une couleur semblable à celle de la fleur de Lotus (Nelumbo Nucifera Speciosa). La plupart des fleurs de lotus ont une couleur plutôt rosée qu’orangée, et dans l’Antiquité, le "padmaraga " était décrit comme une variété du rubis. Cette couleur est due à la présence de Cr3+ en transition simple, en coordination octaédrique, et de Fe3+ dans le cadre d’un transfert de charge avec O2- (Tableau II-2). Ces éléments sont présents dans des proportions de 0,04% à 0,8% en remplacement de quelques ions Al3+ dans le réseau cristallin

(Notari, 1997).

II-2.5 Les autres couleurs

Les autres couleurs (violet, rosé, vert) du corindon proviennent des combinaisons entre les différents mécanismes présentés dans le Tableau II-2.