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CHAPITRE 2 VARIABILITÉ TEMPORELLE DE L’HYDROLOGIE DES EAUX

1. Reconstitution des paramètres hydrologiques des eaux de surface dans le

1.1. Variations temporelles des températures des eaux de surface

1.1.1. Le rapport Mg/Ca de l’espèce G. ruber

Dans la carotte MD02-2529, les mesures de Mg/Ca sont rendues difficiles à cause du mauvais état de préservation des tests des foraminifères. En particulier pendant le MIS3, la majorité des tests des foraminifères indique visuellement la trace de la dissolution partielle. En général, une trentaine de tests sont nécessaires par échantillon afin de d’obtenir une valeur de Mg/Ca représentative. Ce critère est parfois assez difficile à atteindre. De plus, il faut éviter les tests jaunes (à cause de la présence probable d’oxydes de Mn) et les tests noirs (indicateurs de la présence de pyrite). La présence de pyrite accentue la dissolution des tests au cours du nettoyage, ce qui pourrait provoquer une diminution artificielle de Mg/Ca (Sperling et al., 2002). De plus, la densité plus élevée de la pyrite par rapport à la calcite augmente le poids des tests des foraminifères. Par conséquent, les poids de foraminifères ne peuvent pas être utilisés comme un indicateur fiable de l’état de préservation des tests. Enfin, les échantillons montrant un taux de perte des tests de plus de 80% ne sont pas présentés car le Mg/Ca n’est pas considéré comme étant fiable (Dahl et Oppo, 2006). En prenant en compte tous ces critères, les résultats du Mg/Ca d’environ 10% seulement des échantillons analysés dans ma thèse sont présentés.

Les mesures du rapport Mg/Ca effectuées sur l’espèce G. ruber dans la carotte MD02-2529 couvrent les derniers 60 ky BP, avec une résolution moyenne d’environ 700 ans pour l’intervalle 15-30 ky BP et d’environ 1800 ans pour l’intervalle 30-60ky BP (Figure 2.3). Le Mg/Ca fluctue entre 2,6 et 3,9 mmol/mol, avec des maxima (valeurs supérieures à 3,5mmol/mol) enregistrés dans les intervalles 0-17 ky BP, 35-40 ky BP, 50-60 ky BP ainsi qu’aux alentours de 20 ky BP (Figure 2.3). Les intervalles 20-24 et 40-45 ky BP sont marqués par des valeurs de Mg/Ca inférieures à 3 mmol/mol (Figure 2.3). Deux augmentations rapides du rapport Mg/Ca de l’ordre de 0,5 mmol/mol sont également documentées entre 18 et 20 ky BP et entre 24 et 26 ky BP.

Figure 2.3 :Variations temporelles du rapport Mg/Ca mesuré sur G. ruber pour les derniers 60 ky BP (en noir) comparées à deux autres sites provenant de la même région (en vert et rouge, Benway et al., 2006, cf. Figure 2.4).

Figure 2.3: Temporal variations of Mg/Ca measured on G. ruber for the last 60 ky BP (in black) compared to two other sites located in the vicinity of core MD02-2529 (in red and green, Benway et al., 2006, cf. Figure 2.4).

Afin d’évaluer l’influence de la mauvaise préservation des tests des foraminifères sur le Mg/Ca mesuré, il est utile de comparer les données de Mg/Ca obtenues à des données issues d’enregistrements voisins. Dans la zone d’étude, il n’existe aucun enregistrement de Mg/Ca basé sur la même méthode d’analyse. Cependant, deux autres séquences sédimentaires de la zone d’étude (Figure 2.4) utilisant la méthode « flow through » (Benway et al. 2003) documentent les variations du rapport Mg/Ca de G. ruber pour les 30 derniers millénaires (Benway et al., 2006 ; Figure 2.3).

La méthode d’analyse « flow-through », utilisée par Benway et al., 2006 pour mesurer les valeurs du Mg/Ca sur G. ruber, permet notamment de s’affranchir des biais induits par la dissolution partielle de la calcite. Pour cette méthode, la dissolution des échantillons se fait par injection d’acide au début de la mesure, et les concentrations en Ca et en Mg sont mesurées en continu pendant l’analyse, permettant un suivi temporel du rapport Mg/Ca lors de la dissolution lente des échantillons (« time-resolved analysis », Benway et al., 2003). Avec cette méthode, les valeurs du rapport Mg/Ca représentatives de la température de calcification du test sont sélectionnées lors du pic de Ca apparaissant au début de la dissolution : il est donc possible d’extraire les températures représentatives de l’eau dans

laquelle le tests a été calcifié et ainsi d’avoir accès à l’information extraite de la calcite primaire à partir de tests partiellement dissous. Avec cette méthode, des valeurs de Mg/Ca plus faibles sont enregistrées en fin d’analyse, vraisemblablement liées à des phases de calcite partiellement dissoutes.

Les variations du rapport Mg/Ca de la carotte MD02-2529 sont comparées dans la

Figure 2.3 aux variations du Mg/Ca mesurées par la méthode « flow through » à haute résolution de deux enregistrements proches du site d’étude et couvrant les 30 derniers millénaires (site ODP 1242 et carotte ME0005A-43JC, Benway et al., 2006, Figure 2.4). Les valeurs du Mg/Ca de la carotte MD02-2529 sont en bon accord avec les deux autres séquences, sauf entre 20 et 27 ky BP où le Mg/Ca enregistré dans la carotte MD02-2529 est significativement inférieur aux deux autres séquences sédimentaires (Figure 2.3), indiquant un biais potentiel lié à la dissolution des carbonates (cet intervalle de temps correspond à des maxima de teneur en carbone organique sédimentaire, cf. Chapitre III). La méthode utilisée au CEREGE au cours de ma thèse intègre l’ensemble des tests des foraminifères (les batchs d’échantillons sont directement dissous après le nettoyage). Avec cette méthode, des valeurs de Mg/Ca plus faibles sont enregistrées qu’avec la méthode « flow-through », suggérant l’intégration dans les mesures des phases de calcite partiellement dissoutes.

De nouveaux résultats préliminaires utilisant la même technique (en cours de développement au CEREGE) indiquent en effet que le rapport Mg/Ca de l’intervalle 20-30 ky BP enregistré par G. ruber dans la carotte MD02-2529 est plus important que celui présenté dans la Figure 2.3 lorsqu’il est mesuré par la méthode « flow through » (Tachikawa, en prep.). Ces résultats confirment ainsi une influence de la dissolution partielle des tests de foraminifères entre 20 et 27 ky BP. Les valeurs des températures issues du Mg/Ca dans l’intervalle 20-27 ky BP ne seront donc pas interprétées.

Pour l’intervalle 30-60 ka BP, les variations des températures estimées par le Mg/Ca de G. ruber sont comparées au second paléothermomètre que j’ai utilisé au cours de ma thèse, à savoir l’U37k'.

Figure 2.4 :Localisation de la carotte MD02-2529 et des séquences sédimentaires présentées dans la

Figure 2.3 (site ODP 1242 et ME0005A-43JC).

Figure 2.4: Location of MD02-2529 sediment core with other marine sequences presented in Figure 2.3 (ODP site 1242 and ME0005A-43JC).

1.1.2. L’index d’insaturation des alcénones et estimation des températures des eaux de surface

Les mesures de l’index d’insaturation des alcénones (U37k') couvrent les derniers 285ky BP, avec une résolution moyenne d’environ 100 ans pour l’intervalle 0-15 ky BP, d’environ 400 ans pour l’intervalle 15-80 ky BP et d’environ 900 ans pour l’intervalle 80-285 ky BP (Figure2.5a). Les estimations des températures récentes issues de l’U37k' pour le sommet de la carotte en utilisant la calibration de Sonzogni et al., 1997 (Figure 1.27 pour les températures supérieures à 24°C) sont d’environ 29°C, en accord avec les températures actuelles de la zone (Figure 1.14). Les concentrations en C37 alcénones étant supérieures à 1µg.g-1 pour l’ensemble de la séquence, les C37 alcénones sont assez abondantes pour que l’incertitude liée au calcul de l’U37k' soit réduite au minimum.

Les variations à long terme de l’U37k' pour les derniers 285 000 ans sont marquées par des fluctuations de 3 à 4°C à l’échelle de la centaine de milliers d’années, avec des valeurs oscillant entre des minima pour les intervalles 0-100 ky BP et 200-285 ky BP et des maxima

Panama Costa Rica

pour l’intervalle 100-200 ky BP (Figure 2.5a). A ces variations sont superposées des fluctuations à l’échelle de la dizaine de milliers d’années, avec des amplitudes de 2 à 3°C pendant les minima de températures et de 1°C pendant l’intervalle 100-200 ky BP (Figure 2.5a).

Figure 2.5 :Variations temporelles de l’index U37k' pour les derniers 285 ky BP (a) et des

températures de surface pour les derniers 90 ky BP estimées à partir du rapport Mg/Ca mesuré sur G. ruber (ronds noir) converti en températures avec la calibration de Lea et al., 2000 (Figure 1.26) et de l’U37k' (points bleus) converti en températures des eaux de surface avec la calibration de Sonzogni et al., 1997 (Figure 1.27) (b).

Figure 2.5: Temporal variations of U37k' index for the last 285 ky BP (a) and of sea surface temperatures for the last 90 ky BP using the Mg/Ca measured on G. ruber (black dots) with the calibration of Lea et al., 2000 (Figure 1.26) and the U37k' (blue dots) using the calibration of Sonzogni et al., 1997 (Figure 1.27) (b).

Les variations des températures de surface pour les derniers 90 ky BP estimées par l’U37k' indiquent que les températures ont fluctué entre 24 et 27°C à l’échelle de la dizaine de milliers d’années (Figure 2.5b). Des variations de températures inférieures ou égales à 1°C à l’échelle du millénaire sont également enregistrées pendant le MIS3.

Dans la Figure 2.5b les estimations des températures des eaux de surface issues du rapport Mg/Ca et de l’U37k' sont comparées. Hormis pour l’intervalle 20-25 ky BP pendant lequel les données de l’U37k' montrent une augmentation de température (c.à.d. ce que suggèrent les données de Mg/Ca mesurées par la méthode « flow through », cf Figure 2.3), la comparaison des températures estimées par les deux paléothermomètres indépendants (U37k' et Mg/Ca de l’espèce G. ruber) ne montrent pas de différence significative, indiquant que les deux méthodes ne présentent pas de biais systématique pour l’intervalle 25-60 ky BP (Figure 2.5b). L’utilisation des températures déduites des alcénones pour calculer le δ18

O de l’eau à partir du δ18

O mesuré sur l’espèce G. ruber est donc justifiée malgré la différence entre la granulométrie des tests de foraminifères et les porteurs fins d’alcénones (Bard, 2001). De plus, des études sur la saisonnalité des blooms de coccolithophoridés et des flux de foraminifères indiquent que le foraminifère des eaux de surface G. ruber et les coccolithophoridés se développent principalement pendant l’été dans le bassin de Panama, suggérant que le biais dû à la différence de saisonnalité enregistré par l’U37k' et le δ18

O de G. ruber est minimal (Thunell et al., 1983 ; Honjo, 1982).