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4. Discussion

4.1 Variations spatiales des nutriments

Les résultats de cette étude indiquent que les concentrations en nutriments varient selon la position sur l’axe d’écoulement entre Québec et Point-des-Monts (Figures 11 et 12). Les concentrations de surface en composés azotés et en silicate sont plus élevées dans le secteur de Québec que dans l’estuaire maritime. À l’inverse, les concentrations en phosphate sont plus élevées dans l’estuaire maritime qu’à Québec. Il est généralement accepté que la production primaire en eau douce est limitée en phosphore alors qu’elle est limitée en azote en milieu marin. Les ratios N:P inorganiques mesurés dans la présente étude confirment ces tendances. Dans le cas du DOP, toutefois, des valeurs au-dessus du seuil de détection ont été enregistrées uniquement pour les échantillons de salinité inférieure à 5 psu. Cela suggère qu’une partie des apports de phosphore aux eaux fluviales est de nature organique ou est convertie sous cette forme en chemin vers Québec. La disparition rapide du DOP en aval de Québec pourrait impliquer une utilisation biologique ou, plus probablement, un retrait de la matière organique dissoute par coagulation et floculation au contact de l’eau salée (ex., Asmala et al. 2014). Dans le cas du Saint-Laurent, on s’attend également à ce que cette

dans l’estuaire moyen. Cela signifie que dans l’estuaire maritime, le TDP est entièrement constitué de phosphate et qu’aucun phosphore organique n’est retrouvé dans sa forme dissoute. Les concentrations de DOP mesurées dans le secteur de Québec et de l’île d’Orléans représentent toutefois entre 0,04 et 17 fois les concentrations de phosphate mesurées. Hudon et al. (2017) ont démontré que les eaux rencontrées à Québec étaient fortement liées aux processus prenant place dans la portion fluviale du Saint-Laurent. Comme les ratios N :P mesurés dans la présente étude indiquent que le phosphore est limitant (ratios < 16) dans le secteur de Québec et dans la portion fluviale en amont, on peut supposer que le DOP mesuré entre Québec et l’estuaire moyen est constitué de formes réfractaires que les bactéries et le phytoplancton n’ont pas été en mesure de consommer. Par ailleurs, les faibles concentrations en phosphore dissous mesurées à Québec peuvent découler du fait que les normes sur l’utilisation et la gestion du phosphore ont été révisées dans les dernières décennies afin de limiter les apports aux milieux aquatiques (Environnement et changement climatique Canada 2018). Dans ce contexte, une éventuelle augmentation des apports en phosphate à Québec pourrait être contrebalancée localement par une productivité primaire plus élevée tandis que dans l’estuaire maritime, où l’azote est limitant, un nouvel apport ne serait pas consommé et se propagerait vers l’océan. Quant au DON, la diminution entamée immédiatement en aval de Québec dans l’estuaire moyen se poursuit au-delà du bouchon de turbidité et semblent donc résulter d’un mélange progressif avec l’eau de mer (Figure 10).

L’estuaire moyen représente une zone de transition entre Québec et l’estuaire maritime, caractérisée par des concentrations intermédiaires pour la plupart des nutriments. Peu d’études permettent de bien comprendre ce qu’il advient des nutriments qui transitent dans ce secteur. En principe, une relation linéaire entre la concentration d’un nutriment et la salinité indique que le mélange physique des masses d’eau est le principal déterminant de la charge en nutriments dans l’axe d’écoulement. Dans un tel cas, on peut supposer que la quantité nette de nutriment retirée ou ajoutée par les processus chimiques et biologiques ainsi que les apports latéraux sont faibles où qu’ils s’annulent mutuellement. Les données présentées à la figure 10 confirment que, pour une saison donnée, la plupart des nutriments montrent une relation conservative avec la salinité entre Québec et l’estuaire maritime. Pour l’été en particulier, saison durant laquelle les processus biologiques sont très actifs, la relation

stations qui relient le chenal principal d’écoulement des eaux fluviales au sud de l’île d’Orléans au courant de Gaspé qui s’écoule près de la rive sud. Cela suggère que pour ce nutriment les processus de retrait (par ex., consommation biologique et entreposage dans le sédiment) ou d’ajout (par ex., apports par les rivières Saguenay, Manicouagan ou Aux- outardes) en aval de Québec sont mineurs ou en équilibre. Les stations situées le long de la rive nord de l’estuaire maritime sont quant à elles clairement associées à une masse d’eau différente qui remonte du Golfe et pour laquelle les concentrations en nitrate sont inférieures. La distribution des données associées aux stations centrales de l’estuaire maritime indique que la masse d’eau échantillonnée lors de la mission estivale est possiblement la même que celle longeant la rive nord puisque les relations nitrate-salinité y sont semblables. Les données printanières de nitrate présentées à la figure 10 démontrent toutefois un plateau entre les salinités de 5 et 17,5 psu suggérant qu’il doit y avoir un apport externe ou une reminéralisation interne au système. Thibodeau et al. (2013) ont d’ailleurs démontré que le nitrate retrouvé dans l’estuaire du Saint-Laurent est majoritairement issu d’apports externes par rapport à une nitrification interne au système. Les auteurs mentionnent tout de même qu’il ne faut pas négliger la nitrification dans l’estuaire du Saint-Laurent, mais qu’en termes de signature isotopique, ce processus serait masqué par l’apport externe de nitrate.

La forte hétérogénéité spatiale soulignée précédemment pour la relation nitrate- salinité et la charge de nitrate en surface entre le courant de Gaspé et les masses d’eaux situées plus au nord s’étendent également aux autres nutriments. On remarque à la figure 11 que les stations situées à l’extrémité nord-est de l’estuaire maritime (Pointe-des-Monts) présentent aussi des concentrations réduites en phosphate et silicate. Ces différences se reflètent sur les ratios N:P de ces stations, où les valeurs sont faibles et varient entre 0,5:1 et 7:1 (Figure 14). Ce secteur est donc fortement limité en azote par rapport à l’ensemble de l’estuaire maritime.

D’autres différences de concentrations entre les rives nord et sud de l’estuaire sont observables en amont du courant de Gaspé. Ces variations peuvent être engendrées par des processus internes au système (ex. reminéralisation bactérienne) ou encore par des apports latéraux par les différents tributaires. Les données issues du Réseau Rivières de la BQMA (Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, web :

glets) indiquent notamment que certaines rivières situées sur la rive sud de l’estuaire moyen présentaient des concentrations élevées en NOx (nitrates plus nitrites) et en azote total (nitrate plus nitrite plus ammonium plus azote lié à la matière organique) à l’automne 2017. Ces rivières pourraient entraîner un apport important d’azote au système, expliquant ainsi les concentrations plus élevées observées sur la rive sud lors de la mission SECO.Net d’automne. Il est également envisageable que ces augmentations découlent également de l’activité bactérienne de décomposition de la matière organique suite à la sénescence du plancton et des plantes aquatiques associée à la perte des conditions optimales de croissance en automne, mais ces processus n’ont pas été vérifiés. Toutefois, comme les stations d’échantillonnage sont éloignées des côtes en raison de contraintes physiques de navigation, les données récoltées ne caractérisent pas adéquatement le milieu côtier.

Pour ce qui est des concentrations plus élevées en ammonium et en phosphate à l’été 2019, les données estivales de recyclage d’ammonium (Tableau 1) indiquent un bilan positif par rapport à la prise d’azote sous forme d’ammonium dans l’estuaire moyen, mais ces écarts sont relativement petits. Il serait alors étonnant que les concentrations plus élevées sur la rive sud découlent uniquement du recyclage de l’ammonium. Bien que les données de rivières pour l’été 2019 ne soient toujours pas disponibles à la BQMA, celles de l’été précédent (2018) indiquent que plusieurs rivières dans l’estuaire moyen présentent des concentrations très élevées en ammonium et en phosphate (maximums mesurés de 5,56

μmol L-1 et 2,39 μmol L-1, respectivement). Comme l’urée et l’ammonium sont des formes

d’azote très utilisées sous forme d’engrais en agriculture (Korol 2002), il est possible qu’une portion de ces composés soit apportée à l’estuaire moyen par ruissellement. D’ailleurs, il est recommandé d’effectuer l’épandage d’urée juste avant une chute de précipitations sous forme de pluie pour optimiser sa transformation en ammonium par l’activité bactérienne du sol.

Un facteur à ne pas négliger dans l’estuaire du Saint-Laurent est l’effet de la force de Coriolis puisqu’elle provoque une accumulation du flux d’eau douce le long de la rive sud. On observe alors un déplacement des eaux plus concentrées en nutriments vers la rive sud et c’est d’ailleurs le long de cette rive que l’écoulement des eaux de surface vers le golfe du Saint-Laurent s’effectue. On peut donc s’attendre à observer des concentrations en

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