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4. Discussion

4.2 Variations saisonnières des nutriments

Les résultats de cette étude indiquent que les variations saisonnières dans les concentrations de surface en nutriments sont principalement observées dans la région de Québec et de l’estuaire moyen, alors que les eaux de l’estuaire maritime sont généralement plus stables (Figure 10). Cette stabilité inter-saisonnière des concentrations de nutriments de surface dans l’estuaire maritime suggère qu’aux vues des variations observées en amont, l’estuaire moyen agit en guise de régulateur des nutriments qui s’écoulent vers l’aval. L’estuaire moyen est considéré comme étant un milieu très productif malgré la turbidité importante des eaux et la faible pénétration de la lumière qui en résulte (ex., Lapierre et Frenette 2008; Vincent et al. 1996). Cependant, pour toute la zone d’étude, les concentrations minimales sont enregistrées en été alors que la consommation des nutriments par les producteurs primaires est à son maximum. Cette hypothèse est supportée par les données de prise d’azote (Figure 16) qui indiquent des taux de prise plus élevés en été. Il est alors attendu qu’il y ait une plus grande consommation de l’azote et des autres nutriments par le phytoplancton. Cette situation s’applique aussi pour la portion fluviale comprise entre les Grands Lacs et Québec (Hudon et al. 2017). La diminution des concentrations en nutriments dans le secteur de Québec est associée à une consommation locale plus élevée ainsi qu’à une diminution des apports en nutriments depuis la portion fluviale en amont.

Les concentrations de DOP mesurées en eau douce ou peu salée indiquent qu’au printemps et en automne les concentrations de DOP sont similaires, voire légèrement inférieures au phosphate ([DOP] / [PO43+] : entre 0,76 et 0,97). En hiver, les teneurs en DOP augmentent pour représenter en moyenne 1,5 fois celles du phosphate, alors qu’en été elles sont en moyenne 5,7 fois supérieures. Cela indique qu’en été il y a un apport important de DOP aux eaux de Québec, ou encore qu’il y ait une solubilisation locale élevée de phosphore particulaire en DOP. Les concentrations de DON sont relativement stables tout au long de l’année (entre 4,3 et 5,3 μmol L-1).

Le débit des eaux dans la portion fluviale de l’estuaire varie selon la période de l’année et que ces différences saisonnières se reflètent dans les concentrations en nutriments qui résultent d’apports externes variables par les tributaires du Saint-Laurent (Hudon et al.

ces variations temporelles dans les concentrations de divers nutriments dans le secteur de Québec et de l’estuaire moyen. Ces données indiquent une augmentation des concentrations en composés azotés au printemps, tout comme le démontrent les données récoltées dans ce secteur dans le présent projet (Figures 9 et 11). Les précipitations sous forme de pluie et de neige permettent un retour de l’azote atmosphérique vers les milieux terrestres et aquatiques sous forme de nitrate et d’ammonium. Les augmentations des concentrations en azote dissous pourraient être associées à la fonte des neiges au printemps (Thibodeau et al. 2013; Kämäri et al. 2018), qui suggèrent que l’azote atmosphérique capté par la précipitation de neige est relâché lors de la fonte printanière et rejoint les différents cours d’eau avoisinants par ruissellement. Ces apports d’azote par ruissellement seraient principalement sous forme de nitrate puisque l’activité bactérienne des sols au printemps n’est pas encore assez importante pour la reminéralisation en ammonium. Thibodeau et al. (2013) ont également démontré que la signature isotopique du nitrate dans le secteur de Québec varie sur une base cyclique saisonnière et correspond majoritairement à un apport atmosphérique au printemps alors qu’en été, elle est plutôt associée à un apport provenant de l’industrie agricole et de rejets urbains.

Les concentrations de silicate sont également maximales au printemps dans le secteur de Québec et de l’estuaire moyen (Figures 9 et 11). Le silicate est présent dans les rivières du Québec et est associés au processus d’érosion puisque le sol est particulièrement chargé en silicium (Jacob et Géologie Québec 2000). Comme le débit des rivières augmente au printemps en raison de la fonte des neiges, l’apport de silicate au fleuve est plus important. Des données récoltées dans le cadre d’un autre projet en collaboration avec la Communauté métropolitaine de Québec (CMQ) nous indiquent d’ailleurs que certaines rivières dans la région de Québec présentent des concentrations élevées en silicate supportant ainsi le lien entre les concentrations mesurées à Québec et les apports externes.

Les données printanières indiquent aussi que les concentrations en ammonium dans l’estuaire moyen sont plus élevées qu’aux autres saisons. Les mesures démontrent qu’aux stations EUTAQ et EUT01 situées dans le secteur de Québec, l’apport d’ammonium par recyclage excède grandement sa consommation (Figure 19). Il est alors possible de présumer

accumulé dans le système et reminéralisé par la communauté microbienne. Les données de recyclage issues de la station P01 dans le cadre de la mission hivernale Odyssée Saint-

Laurent (Tableau 1) indiquent des taux de recyclage d’ammonium très élevés alors que la

prise d’ammonium est également plutôt basse. Tel que suggéré pour le printemps, ce bilan positif en ammonium pourrait expliquer les concentrations hivernales élevées dans le secteur de Québec.

Les variations saisonnières des concentrations en nutriments se reflètent notamment sur les ratios N:P dissous (Figure 14). Nos données démontrent que c’est dans le secteur de Québec-île d’Orléans que les variations sont les plus marquées, où les ratios inorganiques passent de 59:1 en hiver à 1058:1 en été et ceux organiques (DON:DOP) de 25:1 en été à 1127:1 au printemps. En se référant à la valeur de Redfield, qui indique qu’un ratio N:P de 16:1 est généralement nécessaire pour soutenir la croissance du phytoplancton (Redfield 1958; Redfield et al. 1963), nos données démontrent qu’il y a un excès important d’azote à la hauteur de Québec. Toutefois, ces résultats suggèrent que les formes organiques et inorganiques varient inversement selon les saisons. Cette relation inverse pourrait provenir de la nature du phosphore dissous retrouvé à Québec puisqu’en été, par exemple, les concentrations de phosphate sont très faibles alors que celles de DOP sont jusqu’à 17 fois plus élevées. Dans les années 1970, les ratios N:P des nutriments inorganiques mesurés à Québec étaient autour de 6:1 (Hudon et al. 2018) suggérant que les eaux du fleuve étaient alors potentiellement limitées en azote par rapport au phosphore. Cette comparaison indique qu’il y a eu, au cours des dernières années, une transition d’une limitation en azote (excès en phosphore) vers une limitation en phosphore (excès en azote) dans le secteur de Québec.

Le ratio élémentaire de la matière organique particulaire dans le secteur de Québec a également été calculé pour trois saisons. Les ratios molaires PON:POP sont, en moyenne, minimaux au printemps (4:1) en comparaison à l’été (10:1) et à l’hiver (12:1). Encore une fois, les valeurs printanières sont influencées par une augmentation du POP par rapport au PON. L’étude des ratios élémentaires des nutriments dissous suggère que les eaux du secteur de Québec présentent une charge excédentaire en azote, bien qu’en proportion avec le phosphore, la forme organique de l’azote soit moins en excès que son équivalent inorganique.

riche en phosphore par rapport à la valeur critique de Redfield. Cette observation pourrait être expliquée par différents éléments : une contribution élevée des diatomées à la communauté phytoplanctonique, une accumulation de matière dégradée dont l’azote aurait été préférentiellement reminéralisé, ou encore la présence de cellules phytoplanctoniques ayant accumulé d’importantes réserves internes de phosphore pour palier à la diminution de cet élément dans le milieu. L’expérience d’enrichissement en nutriment réalisée à l’été 2019 indique toutefois que les faibles ratios PON:POP seraient dus à une fraction détritique particulièrement riche en phosphore dans la matière organique particulaire. Ce résultat sera discuté plus profondément dans la section 4.4.

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