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Variation phénotypique de la fétuque élevée

4 Caractérisation de la variabilité génétique de la luzerne pour l’aptitude à être cultivée

4.1.4 Discussion

4.1.4.2 Variation phénotypique de la fétuque élevée

L'effet du génotype de fétuque est généralement significatif pour la hauteur, le diamètre - un descripteur du nombre de talles, la biomasse et NNI de fétuque (Figure 25), comme déjà démontré sur un ensemble plus large de génotypes de fétuque cultivé en plantes isolées (Afkar et al., 2010; Gaborcik, 1994). Ce résultat est attendu car deux génotypes très contrastés ont été choisis pour cette étude, l'un provenant d'un type fourrage sélectionné pour une production en biomasse élevée et l'autre provenant d'un type gazon sélectionné pour ses feuilles courtes et son tallage élevé. L'effet du génotype de luzerne est généralement non significatif pour la biomasse de la fétuque, mais il est généralement significatif pour les autres caractères (hauteur, diamètre et INN) (Figure 25). Cette différence de signification entre la biomasse et les autres caractères peut être expliquée par une compensation des effets entre la hauteur et le diamètre pour l'accumulation de la biomasse : une biomasse similaire a été obtenue par des plantes hautes avec un faible diamètre ou des plantes courtes à grand diamètre. Une part de la variation de la fétuque dépend de l'effet génétique de la luzerne, elle est supérieure à 30% pour la hauteur et l’INN dans certaines coupes. L'interaction entre le génotype de luzerne et celui de la fétuque sur les caractères de la fétuque n'est généralement pas significative. La même significativité de l’effet du génotype de légumineuse sur la biomasse et la hauteur de graminées a été observée sur des mélanges trèfle blanc -graminées (Annicchiarico et Piano, 1994).

Les analyses multivariées sur les deux types (fourrage et gazon) de fétuque, ont montré une grande variation phénotypique pour les caractères de la fétuque qui n'était que la conséquence

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de l'effet du génotype de luzerne associé. La variation de la morphologie du génotype de la fétuque cultivé en mélange avec la luzerne est une réponse plastique liée à la modification de l'environnement local par les génotypes de luzerne. La biomasse de la fétuque a été en partie corrélée à la hauteur et au diamètre de la fétuque, eux-mêmes corrélés négativement (Figure 25). De nombreuses études sur la fétuque élevée ont montré que les corrélations phénotypiques entre le rendement en matière sèche et la hauteur des plantes sont positives et significatives (Martiniello et al., 1997; Martiniello, 1998). Dans notre étude, l’INN de la fétuque est positivement corrélé à la hauteur de fétuque, indiquant que la nutrition azotée est plus satisfaisante avec de plantes de grande taille avec un petit diamètre qu’avec des plantes de petite taille avec un grand diamètre. D’ailleurs, les feuilles plus courtes peuvent en partie être induites par un stress en N plus élevé (Gastal et al., 2014).

4.1.4.3 Interaction entre la luzerne et la fétuque élevée

L'interaction entre les caractères de la luzerne et de la fétuque a été étudiée en utilisant une analyse multivariée. La hauteur et le nombre de tiges de la luzerne sont positivement corrélés à la hauteur et l’INN de la fétuque mais négativement corrélé au diamètre de la fétuque (Figure 25). La concentration en protéines de la luzerne n’a en elle-même aucun effet sur les caractères de la fétuque, y compris l’INN. Les mécanismes physiologiques déjà décrits permettent d’interpréter ces résultats. Sur les graminées et par un changement de qualité de la lumière, l'ombrage induit une augmentation de l’élongation foliaire et une réduction du tallage (Gautier et al., 1999; Bahmani et al., 2000; Dodd et al., 2005; Varlet-Grancher et al., 2000), tandis que l'apport en N a un effet positif à la fois sur l'allongement des feuilles et le tallage (Wilman et Pearse, 1984; Gastal et al., 1992; Gastal et Lemaire, 2002). En mélange légumineuse - graminée, les changements de la nutrition azotée sont déterminés à la fois par la compétition pour la lumière et la compétition pour le N minéral du sol (Lemaire et al., 1991). Les espèces de légumineuses peuvent contribuer à enrichir la réserve du sol en N par la rhizodéposition qui sera disponible pour l'absorption racinaire à la fois par la légumineuse et la graminée, mais les espèces de graminées tempérées sont généralement plus efficaces que les légumineuses à absorber ce N (Fustec et al., 2009). La fixation de N2 par la légumineuse (qui représente une source potentielle de N additionnel) est directement liée à la demande en N, l’interception de la lumière et la photosynthèse par le compartiment légumineuse, mais elle est également affectée par la disponibilité du sol en N minéral (Corre-Hellou et al., 2006). Les

plantes de luzerne qui produisent des biomasses élevées en mélange accumulent plus de N et sont susceptibles d’enrichir considérablement le sol en composants azotés.

Les génotypes de luzerne sont généralement plus grands que les génotypes de fétuque ce qui montre qu'ils sont plus compétitifs pour la lumière, et sont par conséquent plus efficaces à capter et exploiter le rayonnement que les graminées. Les plantes de fétuque, cultivées avec des génotypes de luzerne grands, ont les hauteurs les plus élevées et des INN améliorés. Les INN élevés de ces plantes de fétuque peut résulter soit d'une plus grande disponibilité en N du sol en raison d'un enrichissement plus élevé par ces génotypes de luzerne ou d'un renforcement des effets de complémentarité en raison d'une densité réduite de graminée (même volume du sol pour un nombre de talles inférieure). Des analyses complémentaires pour quantifier la fixation et le flux de N de la luzerne seraient nécessaires pour confirmer ces hypothèses et évaluer les variations potentielles entre les génotypes. La graminée a un rendement similaire et un INN supérieur lorsqu'elle est cultivée avec une grande luzerne qu'avec une petite luzerne, ce qui suggère un rendement plus élevé en N dans les couverts mixtes avec la grande luzerne.

Dans nos conditions de culture, l'ombrage des plantes de fétuque et l'effet positif de la luzerne sur la nutrition azotée de la fétuque peuvent tous les deux augmenté l’élongation foliaire de la fétuque. Cependant, la diminution du diamètre (assimilé au tallage) des plantes de fétuque cultivées avec des génotypes de luzerne grands suggère que l'effet d'ombrage sur le tallage de la fétuque est plus important que celui de la disponibilité en azote (qui peut potentiellement augmenter le nombre de talles). Cette réduction du tallage de la fétuque cultivée avec les génotypes de luzerne grands peut conduire à une mauvaise persistance de la graminée dans le mélange.

En première coupe de la première année, la hauteur de luzerne est en moyenne similaire à la hauteur de la fétuque de type gazon et plus courte que la hauteur de la fétuque de type fourrage. Ceci peut être expliqué par une plus grande capacité concurrentielle de la fétuque pour le N résiduel du sol que la luzerne. Toutefois, ce N résiduel a été rapidement épuisé comme indiqué par le niveau de l’INN de la fétuque faible mesuré à cette première coupe.

La distribution des génotypes de luzerne dans l'analyse multivariée avec des caractères de luzerne et de fétuque est semblable à celle obtenue sur les caractères de luzerne seulement, montrant un effet élevé de la variation de luzerne sur la variation globale. Aucun génotype ne

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permet de combiner des luzernes avec une hauteur, un nombre de tiges et une concentration en protéines élevés à des fétuques avec une hauteur et un INN élevé. Les génotypes de luzerne fixateurs de N2 et à fort potentiel de production induisent une hauteur et un INN élevés mais un diamètre faible pour la fétuque. Cependant, les génotypes de luzerne fixateurs avec un potentiel de production faible ou moyen induisent un INN et un diamètre relativement élevés chez la fétuque. Les génotypes de luzerne non fixateurs N2 avec un potentiel de production très faible et une concentration en protéines faible induisent des plantes de fétuque courtes avec un INN faible, mais un diamètre élevé.

Pour maintenir un certain niveau de performance en situation de compétition, un compromis dans le choix des génotypes à combiner dans un mélange doit être effectué. Dans un objectif de production élevée de biomasse, les génotypes de luzerne les plus hauts produisent plus de biomasse en mélange luzerne-fétuque où la luzerne a produit la plupart de cette biomasse. (Zannone et al., 1986) a également montré que les meilleurs rendements en mélange ont été obtenus avec des cultivars vigoureux de luzerne et de graminée. Dans notre cas et contrairement à ce qui a été démontré auparavant dans des essais semés avec de faibles proportions de légumineuses pérennes dans les associations avec les graminées (Nyfeler et al., 2009; Nyfeler et al., 2009; Annicchiarico et Tomasoni, 2010), la proportion de la luzerne cultivée en mélange avec la fétuque reste très élevée. Le rythme des coupes et l’absence de fertilisation azotée choisis dans le dispositif expérimental favorisent la luzerne qui domine ainsi la fétuque. Ce résultat est cohérent avec la bibliographie disponible, la luzerne tend généralement à atteindre des proportions importantes dans l’association (Sleugh et al., 2000; Chamblee et Colins, 1988). Nous suggérons dans notre étude qu'une telle combinaison peut avoir des limites en termes de survie des espèces de graminées qui ont investi plus dans l’élongation foliaire que dans le tallage. Cette réponse plastique de la fétuque à la compétition peut conduire à son exclusion du mélange. La faible persistance des espèces de graminées dans les mélanges luzerne-graminées a souvent été décrite lorsque les conditions de culture sont favorables à la croissance de luzerne (Chamblee et Colins, 1988). Les pratiques culturales (principalement le rythme des coupes et la fertilisation azotée) pourraient être utilisés pour moduler la proportion de la luzerne dans un couvert mixte (Plancquaert, 1967; Chamblee et Colins, 1988), en contrepartie, la production en biomasse sera modérée. Dans un objectif de pérennité du mélange, avec la persistance des deux espèces, un mélange de génotypes de luzerne modérément productifs avec des génotypes de fétuque peut être envisagé. La quantité de N2 atmosphérique fixé par ces génotypes de luzerne ne serait pas

nécessairement plus faible que celle des génotypes de luzerne grands parce que la fixation maximale se produit généralement à une proportion équilibrée de graminée et de légumineuse (Nyfeler et al., 2011). Les génotypes de luzerne semi-étalés avec un rendement en fourrage élevé pourraient combiner une fixation de N2 et un rendement élevés et permettraient la persistance de la graminée. Les deux types de variétés (modérément productive ou semi- étalée) seraient développées spécifiquement pour les couverts mixtes luzerne-graminée et ne seraient pas adaptées à la monoculture.

Cette étude fournit de nouvelles informations sur la variation génétique de la luzerne quand elle est cultivée en mélange avec la fétuque élevée et donne accès à des mécanismes de compétition pour la lumière et le N entre la luzerne et la fétuque élevée. Les génotypes de luzerne qui ont généré le meilleur rendement en mélange luzerne-fétuque ont été identifiés. L'étape suivante est de tester si ces génotypes de luzerne sont aussi les plus productifs quand ils cultivés en monoculture et si les caractères étudiés peuvent être sélectionnés dans une pépinière de plantes isolées.

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Figure 25 Schéma représentant la variabilité génétique de la morphologie de la luzerne, la

variation phénotypique de la fétuque élevée et les interactions entre les deux espèces en mélange.

4.2Les caractéristiques des génotypes de luzerne en mélange sont-elles les mêmes qu’en