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III. Les mécanismes d’évolution et de dynamique des génomes chez les bactéries

III.2 La dynamique du génome bactérien

III.2.4 La variation par mutation

Figure I9 : Illustration des différents types de remaniements génomiques. La ligne horizontale

représente le chromosome bactérien. La demi-flèche en noir foncé et en gras délimite une portion du chromosome sujet à des remaniements. Les lettres en minuscules représentent la succession d’éléments génétique dans leur ordre de succession sur le chromosome. (Adaptée de Roth et al.,1996).

III.2.4 La variation par mutation

Une mutation, tout comme un réarrangement, correspond à une altération du matériel génétique (substitution, insertion, délétion), survenant à l’échelle génique (affectant un ou plusieurs nucléotides) de façon aléatoire. Les mutations peuvent être causées par un mauvais fonctionnement de l’une des ADN polymérases ou par des mécanismes de tautomérisation qui engendrent des mismatchs sans erreurs réplicatives ni dommages. La première évidence du caractère aléatoire des mutations a été apportée par Luria & Delbrück (1943) en utilisant comme modèle la souche d’E. coli. En effet ces auteurs ont démontré qu’E. coli était capable de résister à l’infection virale grâce à des mutations préexistantes indépendantes du phage; ces mutations apparaissant spontanément au cours de la phase exponentielle de croissance chez cette bactérie avant tout contact avec le phage. L’une des conséquences de la rapidité de reproduction des procaryotes est leur capacité à produire un grand nombre de mutants qui seront soumis à l’action de la « sélection naturelle ». Ces mutations pouvant être favorables, défavorables voir létales ou neutres en termes de survie et de croissance d’un organisme dans un environnement biotique ou abiotique donné. Les mutations neutres n’auront aucun effet sur la croissance de l’organisme et celles délétères seront éliminées soit par la sélection

51 naturelle ou par la recombinaison (élimination physique) avec acquisition de mutations non délétères, ceci sans contre sélection. Les mutations favorables conférant une adaptation à un nouvel environnement par exemple permettront à l’individu les portant de prospérer et de coloniser cet environnement

Les mutations peuvent être spontanées ou induites.

III.2.4.1 Les mutations spontanées

Les mutations, qu’elles soient spontanées ou induites, résultent d’un processus naturel. En effet, au cours de la réplication de l’ADN chez les bactéries et certains eucaryotes, les ADN polymérase I, II et III font des erreurs d’incorporation de bases qu’elles peuvent spontanément corriger grâce à leur activité de relecture (« proofreading »). Au cas où ces erreurs d’incorporation de bases ne sont pas corrigées par le système de relecture, elles pourront l’être ultérieurement par le système de correction de mésappariement qui va assurer la validité des bases incorporées dans le brin néoformé par contrôle de l’appariement. Toutefois, des erreurs peuvent subsister à un taux estimé entre 1.5*10-11 et 5.4*10 -10 par base et par génération (Ochman et al., 1999; Wielgoss et al., 2011). Ces fréquences d’erreur très faibles attestent de la stabilité relative de l’information codée. Ces mutations qui font partie du processus d’évolution naturelle et qui surviennent de façon aléatoire sur les séquences nucléotidiques sont essentielles à l’évolution des organismes (Radman, 1999).

III.2.4.2 Les mutations induites

Le second type de mutations qu’on rencontre est celui qui est induit par l’action d’agents exogènes et ou endogènes (mutagènes). Qu’il soit d’origine physique (rayonnements ultra-violets, radiations ionisantes), chimique (ex. agents alkylants) ou biologique (mitomycine C, aflatoxine, bléomycine), les agents mutagènes agissent tout comme les mutations spontanées de façon aléatoire sur le génome. Le système SOS est l’exemple typique d’un système d’induction de mutations. Ce système coordonne la réponse à un dommage de l’ADN. Il comprend non seulement des mécanismes de réparation correcte de l’ADN (excision) dont le but est d’assurer la survie de la bactérie suite à un stress environnemental ayant altéré le génome (d’Ari, 1985), mais aussi un système mutagène (UmuCD,

dinB). Le système SOS peut être déclenché par les dommages générés par les rayonnements

ultra-violets, les composés chimiques ou oxydatives, les acides, les mutagènes organiques, certains antibiotiques et les espèces réactives d’oxygène (ROS). Ce système a été décrit pour la première fois chez E. coli (Radman, 1975).

III.2.4.3 Les hypermutateurs

L’une des propriétés expliquant le succès évolutif des procaryotes dans l’environnement est la présence des bactéries ayant un taux de mutations spontanées 100 à 1000 fois supérieurs aux

52 bactéries dont elles dérivent. Ces bactéries sont appelées hypermutatrices (Taddei et al., 1997). Cette hypermutabilité peut être observable et quantifiable en temps réel dans les expériences d’évolution expérimentales (Barrick & Lenski, 2013; Raynes & Sniegowski, 2014 pour revue). Le taux de mutation étant déterminé par la fidélité avec laquelle l’information génétique est répliquée et réparée. Les gène

mutT et mutY codent respectivement pour une hydrolase qui élimine de la cellule les guanine oxydés

(8-oxo-dGTP) qui sont capables de s’apparier avec des adénines, entrainant une réversion A:T -> G:C après la réplication de l’ADN, et pour une glycosylase de réparation d’ADN, qui excise les mésappariements dans la molécule d’ADN. Une mutation dans chacune de ces gènes individuellement a précédemment été décrit comme responsable de l’apparition de forts taux de mutations chez E. coli (Bhatnagar & Bessman, 1988; Rotman & Kuzminov, 2007). Cependant, une mutation du gène MutY dans une souche mutant pour le gène mutT permet de réduire de 60% le taux de mutation comparé aux mutants uniques (Rotman & Kuzminov, 2007). Une déficience de l’un des systèmes de réparation (ex. mutT ou mutY) (Bhatnagar & Bessman, 1988; Wielgoss et al., 2013) et ou une mutation de la sous-unité de l’ADN polymérase responsable de l’activité de relecture de l’ADN(Degnen & Cox, 1974; Michaels et al., 1990) peuvent conduire à l’apparition de ce phénotype hypermutateur (Bridges, 2001). L’apparition des hypermutateurs est moindre dans des environnements stables ; mais elle augmente dans des conditions de stress où seules les bactéries capables d’acquérir beaucoup plus de mutations pour contrer l’effet du stress (par apparition d’allèles adaptés) sont capables de survivre. Les bactéries hypermutatrices ont été décrites chez diverses espèces (E. coli, Salmonella enterica, Neisseria

meningitidis, Staphylococcus aureus, Streptococcus pneumoniae, Pseudomonas aeruginosa, etc.).

L’hypermutabilité capable de créer la diversité est un avantage sélectif considérable pour les bactéries lorsque la population rencontre un changement dans son environnement (Thomas et al., 2016). Les hypermutateurs ont une vitesse de croissance supérieure à celle de la souche sauvage qui possède un faible taux de mutation. Cependant l’augmentation du taux de mutation chez les bactéries hypermutatrices impliquant aussi les gènes essentiels à la survie de ces bactéries, le nombre de mutations létales chez ces dernières serait supérieure à celles de la souche sauvage. Les hyper mutateurs sont donc capables de s’adapter rapidement, mais sont beaucoup plus sujets à des mutations létales. Cependant malgré le nombre important de mutations délétères survenant chez les hypermutateurs, la faible portion des mutations favorables confère un avantage indéniable à ces derniers, leur permettant ainsi une meilleure adaptation à leur environnement. La perte du caractère mutateur qui intervient à des fréquences également élevée permet de stabiliser un génotype adapté. Le succès évolutif des bactéries dépend donc du réglage constant du taux de mutations survenant au sein de leur génome ; ce qui optimise leur adaptation à des conditions environnementales en permanente évolution. L’adaptation des bactéries à leurs environnements a longtemps été considérée

53 comme graduelle et résultante d’une sélection constante de mutations ayant peu d’effets (Fisher, 1931). Cependant un modèle d’évolution alternatif stipule que des périodes rapides d’évolutions phénotypiques se succèderaient avec des périodes d’arrêts (Wright, 1932; Eldredge, 1972; Eldredge et

al., 2005). Les causes de ces variations restent mal connues et sont probablement diverses :

changement de paramètres environnementaux (ex. colonisation de nouveaux habitats), modulation des flux de gènes (Reznick et al., 1997; Schluter, 2000; Blount et al., 2008).