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La notion de pangénome, génome « core » et génome accessoire

III. Les mécanismes d’évolution et de dynamique des génomes chez les bactéries

III.2 La dynamique du génome bactérien

III.2.6 La notion de pangénome, génome « core » et génome accessoire

L’avènement du séquençage à haut débit a permis des avancées considérables dans le domaine de la génomique comparative. Les études de génomiques comparatives ont montré que le nombre de gènes présents dans les souches bactériennes appartenant à la même espèce est très variable. Cette situation a conduit à distinguer au sein du génome bactérien, le pangénome qui comprend l’ensemble des gènes présents au sein de tous les individus d’une population ou d’une espèce (McInerney et al., 2017), le génome ‘core’ qui comprend les gènes Partagés par l’ensemble des membres d’une population ou

54 d’une espèce, et le génome accessoire qui est défini par l’ensemble des gènes présents au sein d’un ou d’une partie des génomes d’un groupe ou d’une espèce.

La disponibilité des milliers de génomes de procaryotes a permis de révéler l’omniprésence des introgressions de toutes sortes (Bapteste et al., 2012). Certaines espèces bactériennes possèdent un pan génome ouvert alors que d’autres possèdent des génomes possédants peu de différences en terme de contenu en gènes (pan génome fermé). Le plus grand pan génome jusqu’alors analysé pour une espèce bactérienne est celui de E. coli avec près de 2.085 génomes comparés. Cette comparaison a estimé à 3.188 gènes ceux appartenant au core génome (déterminés comme présents dans 95% des génomes) et approximativement 90.000 gènes accessoires (Land et al., 2015). En contraste, le pathogène intracellulaire Chlamydia trachomatis a un pan génome dont la taille est à peine plus grand que celui du core génome (974 gènes dans le pan génome contre 821 dans le core génome) avec 67 génomes séquencés (http://pangenome.tuebingen.mpg.de). Cela permet d’avoir une idée de l’échelle de variation du core génome par rapport au pan génome qui peut aller de 3 à 84% pour les génomes bien séquencés. La taille du core génome varie inversement proportionnellement au nombre de génomes séquencés. Plus ce nombre augmente plus la taille du pan génome aussi augmente. De façon intéressante, une analyse de la présence et absence de gènes dans un échantillon de 573 génomes et son extrapolation à un nombre plus grand de génomes a permis de déterminer que la taille du pan génome des bactéries était infinie (Lapierre & Gogarten, 2009). Cela s’expliquerait par une « constante pluie de matériels génétiques sur les génomes » (Lapierre & Gogarten, 2009) et impliquerait que les génomes possèdent une réserve illimitée de gènes dans laquelle elles pourraient piocher.

L’origine du pan génome au sein d’une espèce bactérienne a fait débat ces derniers temps entre des équipes travaillant sur la génétique des populations bactériennes et sur les processus évolutifs. Selon McInerney et al., (2017), le processus menant à la génération du pan génome nécessite des explications théoriques qui prennent en compte le fait qu’il existe une grande distribution de la taille du pan génome allant des plus petits aux plus ouverts. Selon lui les transferts horizontaux sont des formes de mutations qui doivent être considérés comme telle dans les modèles d’évolution de pan génome et que ces modèles devraient également tenir compte de la variation de la taille effective de la population, du taux de mutations, des coefficients de sélection, l’influence de la dérive génétique, le type de spéciation et la particularité de certains procaryotes à avoir des pan génomes très ouverts. L’entrée de nouveaux gènes ou allèles dans une cellule (taux d’acquisition de matériel génétique) ne suffit pas à assurer leur intégration dans le génome des cellules réceptrices (taux d’efficacité d’intégration) (Shapiro, 2016). La forte proportion des éléments génétiques mobiles et des ADN exogènes font penser que la délivrance d’ADN aux bactéries est fréquente, la question reste alors de

55 savoir qu’est ce qui promeut la rétention de cet ADN et pourquoi n’existe-t-il alors pas un génome typique pour chaque espèce bactérienne ?

McInerney et al., (2017) ont proposé un modèle de genèse et de maintien de pan génomes basé sur l’existence de nombreuses niches écologiques combinée à la sélection naturelle. Dans ce modèle, ils suggèrent que les gènes acquis par transfert horizontal sont capables de conférer pour la majorité (mais pas tous) un avantage adaptatif et que la présence du pan génome ne serait alors qu’un phénomène adaptatif mais pas dans le sens de la purge sélective communément nommée « selective sweep ». Selon McInerney même si la théorie évolutive standard qui stipule que l’acquisition d’un allèle conférant un avantage sélectif et sa fixation par la sélection naturelle (selective sweep) tend à réduire la diversité dans une population, serait en contradiction a première vue avec le modèle qu’il propose, la conciliation entre les deux résiderait dans le modèle de nouveaux compartiments de Niehus et al., (2015). Le modèle de nouveau compartiment de Niehus et al., (2015), qui explicite le transfert horizontal de gènes et la migration des bactéries, montre l’implication de la sélection naturelle sur les gènes issus du transfert horizontal et son rôle dans la différentiation des populations. En utilisant un modèle mathématique, Niehus a montré qu’en cas d’avantage sélectif conféré par un gène issu du transfert horizontal, la diversité génétique est éliminée de la population lorsqu’il n’existe pas de migration dans ou en dehors du compartiment ou niche occupé par cette population bactérienne. Dans le cas échéant, une combinaison de la migration et de l’acquisition d’un gène conférant un avantage sélection n’aboutirait pas théoriquement à l’élimination de la diversité génétique au sein de la population. Même si l’objectif de ce modèle n’est pas d’expliquer le pan génome, il permet cependant de montrer que la diversité au sein d’une espèce pouvait se maintenir même en cas d’acquisition d’avantage sélectif par un variant d’une population. L’exemple serait l’espèce E. coli qui est capable de bouger et d’aller d’un tractus digestif à l’autre et qui possède un pan génome ouvert alors que chez la bactérie intracellulaire obligatoire Chlamydia trachomatis, les variant doivent obligatoirement rentrer en compétition locale avec les souches sauvages. Donc pour McInerney et al., la taille du pan génome d’une population serait déterminée par la taille de cette population et l’aptitude des membres de celle-ci à migrer vers de nouvelles niches.

Ce modèle proposé par McInerney et al., ne trouve pas écho auprès de Andreani et al., (2017) qui jugent plutôt que le « turn over » (changement) du génome accessoire (partie variable du pan génome déterminant la taille de cette dernière) serait plutôt régis par l’évolution neutre du génome (neutral

évolution). Cependant selon Shapiro (2017)), les deux points de vues peuvent être conciliés en

acceptant que les populations de grande taille renferment un taux élevé de diversité génétique neutre et répondraient de façon plus efficace à la sélection naturelle. Donc certaines corrélations entre la

56 taille de la population et la variation du pan génome observé par Andreani et al. (2017)pourraient s’expliquer pour certaines par l’évolution neutre et pour d’autre part l’adaptation à la niche.