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Variation de la composition des parois en réponse aux « stress »

II. Chapitre I : Synthèse bibliographique introductive

10. Variation de la composition des parois en réponse aux « stress »

Les parois végétales évoluent au cours de la vie de la plante et peuvent être remodelées en situation de stress. En effet, la capacité des plantes à mobiliser des acteurs de la modification de leurs parois permet des changements structuraux compatibles avec l‟adaptation à différents stress (Tenhaken, 2015).

10.1. Stress abiotiques

La sécheresse, le stress osmotique et l‟exposition à un fort taux de sel entraînent la plupart du temps l‟arrêt de la croissance des plantes (Skirycz et Inze, 2010). En effet, la turgescence cellulaire permise par l‟absorption d‟eau est un des principaux moteurs de la croissance (Schopfer, 2006). La croissance des parties aériennes s‟interrompt avant celle du système racinaire permettant à la plante d‟investir ses ressources restantes dans l‟exploration du sol à la recherche de l‟eau résiduelle (Sasidharan et al., 2011). Chez le maïs, la croissance est restreinte à l‟extrémité de l‟apex racinaire où les derniers 2 à 6 mm de cellules ont une extensibilité des parois supérieure aux régions dont la croissance est stoppée. L‟arrêt de croissance est accompagné de l‟augmentation de l‟expression de gènes impliqués dans la biosynthèse des lignines (Cinnamoyl-CoA) et une augmentation du dépôt de la lignine (Fan et al., 2006). La susceptibilité à l‟action des extensines est également inférieure dans ces régions, indiquant qu‟un changement de structure des parois a bien eu lieu (Wu et al., 1996). Si les endoglucanases, XTH (xyloglucan endotransglucosylases/hydrolases) et extensines, responsables du remodelage polysaccharides, sont induites par le stress osmotique dans certaines régions des racines (Zhu et al., 2007), les peroxydases le sont également (Maia et al., 2013, Ranjan et al., 2012, Pechanova et al., 2010). Le rôle décrit de ces dernières est le cross-linking des hémicelluloses avec des composés phénoliques comme l‟estérification des acides féruliques aux arabinoxylanes des graminées (Lindsay et Fry, 2007, Burr et Fry, 2009). Elles sont donc impliquées dans la rigidification des parois en réponse au stress hydrique. Elles pourraient également permettre l‟élimination du peroxyde d‟hydrogène, un radical libre (ROS) qui endommage les cellules et est associé à la réponse aux stress (Miller et al., 2010, Tenhaken, 2015). Le renforcement de la paroi en plus de l‟élimination des ROS pourrait être bénéfique pour la tolérance des structures cellulaires aux changements de turgescence induits par le stress osmotique (Kieffer et al., 2000, Wakabayashi et al., 2012). Cependant, il est aussi suggéré que la consommation des substrats des peroxydases mène à l‟accumulation de ROS ce qui favorise l‟apparition de radicaux OH responsables, eux, de la rupture des polymères

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des parois et leur affaiblissement mécanique (Fry, 1998). De plus, les XTH et les expansines sont associées, tout comme dans la racine, à des conditions de stress osmotiques dans la tige (Rose et al., 2002, Todaka et al., 2012). Ces protéines promeuvent le relâchement des parois en conditions normales et permettraient la récupération post-stress hydrique (Tenhaken, 2015).

En apparence contradictoire, l‟assouplissement de la paroi s‟intègre dans un modèle où, après une période d‟arrêt de croissance et de rigidification des parois pour faire face à la baisse de pression osmotique, les cellules croissent de nouveau grâce à l‟affaiblissement des parois qui permet la croissance par turgescence (Tenhaken, 2015).

Les pectines sont également impactées par la sécheresse. La formation de gels hydratés par l‟augmentation de leurs ramifications serait associée à la réduction des dommages cellulaires induits par le stress (Leucci et al., 2008, An et al., 2014). Elles sont également modifiées par le froid qui est associé à une augmentation du contenu en pectines et en activité des Pectin Methyl Esterases (PME) (Solecka et al., 2008). L‟activité des PME correspond à l‟augmentation du niveau de des-estérification des pectines ce qui permet leur cross-linking par des ions calcium entrainant la formation d‟un gel de pectines rigide (Sasidharan et al., 2011). Tout comme pour le stress hydrique, la rigidification des parois fait partie des mécanismes de l‟acclimatation au froid. En effet, le froid entraîne la formation de cristaux de glace dans l‟apoplaste des cellules chez les espèces sensibles (dont font partie les espèces tropicales) tandis que les espèces résistantes restreignent le gel aux compartiments extra-cellulaires (Xin et Browse, 2000, Yamada et al., 2002). En plus du stress induit par la déshydratation causée par le déséquilibre osmotique, les cristaux endommagent les matrices extracellulaires (Rajashekar et Burket, 1996, Smallwood et Bowles, 2002). Les parois rigides préviennent sa déformation et l‟effondrement de la cellule à cause de la déshydratation. Les températures froides induisent une augmentation de l‟épaisseur des parois et de leur rigidité à laquelle contribuent les pectines (Stefanowska et al., 1999, Rajashekar et Burke, 1996, Rajashekar et Lafta, 1996). La croissance et l‟expression des expansines et XTH, enzymes favorisant l‟extensibilité des parois en condition de déficit thermique, sont également réduites. La composition en lignines des parois ne semble pas modifiée par le froid (Solecka et al. 1999). Cependant, l‟activité des enzymes de la voie de synthèse des monolignols (C3H, PAL) est augmentée et les niveaux d‟acide p-coumarique et acide férulique sous forme soluble peuvent être également affectés (Janas et al., 2000, El Kayal et al. 2006). Ces acides estérifiés pourraient être des substrats pour la polymérisation de la lignine mais pourraient aussi

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permettre l‟élimination des ROS en tant que substrats de péroxydases (Moura et al., 2010). En effet, l‟activité des péroxydases est augmentée en réponse au froid (Janda et al. 2007, Jain et al. 2007). D‟une manière générale, les lignines induites par les stress comme le froid et la sécheresse se retrouvent dans les parois primaires des tissus normalement non lignifiés. Les ratios des différentes sous-unités sont également modifiés (moins de S et plus de G et H) tout comme la condensation des liaisons (Barros et al., 2015).

Comme beaucoup des modifications des parois, celles induites par le froid sont potentiellement irréversibles. La rigidification des parois participe donc probablement à l‟effet d‟habituation au froid observé chez de nombreuses espèces qui survivent mieux à des épisodes de gels après des expositions à des températures basses (Chinnusamy et al. 2007). La tolérance à la submersion peut impliquer l‟acidification de l‟apoplaste (Vreeburg et al., 2005, Cosgrove, 2000) qui permet l‟action d‟enzymes modificatrices des parois et la mobilisation des expansines dont l‟action sur l‟extensibilité des parois entraîne une rapide élongation des entre-nœuds et l‟émergence de la plante à l‟air libre (Voesenek et al., 2006, Kende et al., 1998, Cho et Kende, 1997). Certaines réponses au stress de submersion entraînent au contraire un arrêt de la croissance via la régulation négative des gènes impliqués dans les processus énergivores comme la mise en place des parois, incluant donc les expansines (Fukao et al., 2006). Cette modulation des parois n‟est pas possible indéfiniment car après un épisode de submersion la suceptibilité des parois à l‟action des expansines est réduite. Cela pourrait s‟expliquer par un changement dans l‟accessibilité des polysaccharides suite au remodelage de la paroi. En effet, une augmentation de la proportion de certains oses, polymères non cellulosiques et acides phénoliques est observée (Sasidharan et al., 2011).

10.2. Stress biotiques

Les parois secondaires forment une barrière physique à l‟entrée des organismes pathogènes et contribuent largement à l‟immunité de la plante (Cantu et al., 2008, Underwood, 2012). Des modifications dans le dépôt des parois secondaires ou dans la biosynthèse et la mise en place des polysaccharides de structure ont un impact important dans la susceptibilité des plantes aux attaques pathogènes (Miedes et al., 2014). Les pathogènes utilisent souvent leur propre arsenal de protéines modificatrices des parois pour les dégrader et accéder aux tissus végétaux (Esquerre-Tugaye et al., 2000). La lignine a un rôle important dans la constitution de cette barrière (Buendgen et al., 1990) et un stress biotique induit la synthèse

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rapide et le dépôt de lignines ou de composés proches dans les parois (Tronchet et al., 2010, Sattler et Funnell-Harris, 2013). De façon attendue, les gènes de la voie des phénylpropanoïdes sont effectivement induits par les stress biotiques (Bhuiyan et al., 2009). La lignine n‟est cependant pas le seul produit de cette voie, de nombreux composés phénoliques comme les stilbènes, coumarines et flavonoides en dépendent (Dixon et al., 2002, Naoumkina et al., 2010). La plupart d‟entre eux sont considérés comme des phytoalexines, des composés antimicrobiens impliqués dans les mécanismes de défense (Daayf et al., 2012, König et al., 2014). Les plantes synthétisent également des enzymes de dégradation à destination de leurs pathogènes comme des chitinases et des glucanases (Veronese et al., 2003, Thomma et al., 2002). Leur accumulation extra-cellulaire (Hamid et al., 2013) implique une interaction avec les parois végétales.