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Principe de transfert de l‟ADN dans le matériel végétal

Les trois prérequis pour la transformation génétique stable sont l‟existence d‟un tissu « compétent » pour recevoir le matériel génétique et capable de se régénérer en une plante entière, une méthode d‟introduction du matériel génétique dans ce tissu et une procédure pour sélectionner et régénérer des plantes avec un taux de succès satisfaisant.

Un des premiers défis de la transformation est donc, en amont de la méthode de transfert d‟ADN, la régénération des tissus qui ont subi cette transformation. En effet, en utilisant les capacités de totipotence et de plasticité des cellules végétales, il est possible de régénérer une plante entière à partir d‟une cellule transformée, c‟est l‟objectif de la culture in vitro de tissus végétaux dans des conditions contrôlées et aseptiques.

Les méthodes de régénération utilisent majoritairement des protoplastes (cellules individualisées), des embryons (cellule somatique) ou l‟organogénèse directe à partir de fragments de tiges et de feuilles (Bhojwani et Razdan, 1996). Si ces trois méthodes aboutissent toutes à la formation d‟une plantule, l‟embryogénèse somatique à partir d‟explants implique le développement d‟un embryon qui germe et se développe en une jeune plante (Figure III-1A et B) alors que l‟organogénèse induit la formation d‟organes (tige et racine) à partir de tissus végétatifs (Figure III-1C). L‟utilisation de protoplastes et d‟embryons permet l‟embryogénèse somatique indirecte avec des cals issus de cultures cellulaires elle-même issues de tige et des cals issus d‟embryons. Ces deux premières méthodes (Figure III-1A et B) dépendent beaucoup du génotype et de l‟explant utilisé ce qui signifie que le succès d‟un protocole n‟est pas assuré à travers tous les idéotypes et cultivars d‟une même espèce. Ce sont des méthodes très longues qui demandent énormément de travail à la fois pour leur optimisation et pour leur mise en œuvre en routine (Christou, 1992). L‟organogénèse directe (Figure III-1C) à partir de fragment végétaux est moins sensible au génotype (Harshavardhan et al., 2002; Zhong et al., 1998) mais peut aisément conduire à la formation de plantes chimériques (constituées d‟un assemblage de cellules qui n‟ont pas le même patrimoine génétique) (Sant, 2011). Les variations somaclonales sont également observées en culture in vitro de cals et en cultures de suspensions cellulaires. Il s‟agit de réarrangements chromosomiques qui affectent le nombre de chromosomes et leur structure induisant de grands changements phénotypiques (Hansen et Wright, 1999; Rakoczy-Trojanowska, 2002). Même si de nombreuses techniques de culture in vitro peuvent être utilisées, il n‟existe pas de méthode universelle applicable chez toutes les espèces et il est difficile de contrôler tous les

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paramètres de sa mise en œuvre (Sant, 2011). Dans certains cas idéaux, la culture in vitro n‟est pas requise car la transformation peut être réalisée sur les organes floraux qui produisent des grains matures transformés. Cette technique est massivement utilisée chez Arabidopsis thaliana (Clough et Bent, 1998; Koetle et al., 2015) et chez d‟autres plantes, incluant des monocotylédones, mais de façon non standard et difficilement reproductible (Mu et al., 2012; Ratanasut et al., 2017; Zale et al., 2009).

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Figure III-1 : Embryogénèse somatique et régénération de tige. (A) Embryogénèse somatique avec culture de cellules embryogéniques. (B) Embryogénèse somatique avec culture de cals embryogéniques. (C) Régénération de tiges avec cals organogéniques. CIM=Callus Initiation Medium, SIM=Shoot Initiation Medium, RIM=Root Initiation Medium, GM=Germination Medium (d‟après Anami et al., 2013)

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Lorsque sont développés des systèmes efficaces de régénération de plantes entières, la méthode de transfert d‟ADN peut-être un autre goulot d‟étranglement des protocoles. Deux classes de systèmes de transfert génétiques existent : les méthodes biologiques et les méthodes non biologiques qui incluent les méthodes chimiques et physiques. Chez les plantes, les deux principales méthodes de transformation génétique stable reposent sur l‟utilisation d‟un vecteur bactérien, Agrobacterium tumefaciens (méthode biologique), et sur le bombardement direct de matériel génétique par biolistique (méthode physique). Les autres méthodes que sont par exemple l‟électroporation ou la sonication, sont mineures (Anami et al., 2013; Keshavareddy et al., 2018).

La transformation avec le vecteur Agrobacterium repose sur l‟aptitude naturelle de cette bactérie à transférer son matériel génétique en utilisant sa propre machinerie cellulaire et celle de la plante hôte (Gelvin, 2003). Pendant l‟infection, Agrobacterium réplique un fragment de son ADN qu‟on appelle le T-DNA (Transfered DNA) et le transfère dans les cellules de la plante hôte où il s‟intègre dans le génome. Normalement, les T-DNA transférés contiennent des gènes qui entraînent une prolifération cellulaire (biosynthèse de phytohormones) et permettent la sécrétion par la plante de dérivés d‟acides aminés consommés par la bactérie. Même si Agrobacterium infecte naturellement en majorité des plantes dicotylédones (De Cleene et De Ley, 1976), elle peut transformer d‟autres espèces en conditions de laboratoire et est devenue un vecteur de choix de la transformation génétique chez la plupart des espèces (Tzfira et Citovsky, 2006). Le développement des techniques de transformation génétique est passé par le remplacement des gènes originellement présents dans le T-DNA par d‟autres gènes comme des gènes de sélection et des gènes d‟intérêt (GI). La construction de cette séquence d‟intérêt est répliquée dans un système exogène bactérien (E. coli) puis transférée dans des bactéries Agrobacterium qui conservent leur matériel génétique d‟assistance au transfert et de virulence natifs (vir) qui permettent l‟intégration du T-DNA d‟intérêt (Gelvin, 2003). Une co-culture des bactéries transformées et des tissus végétaux est la méthode principale pour initier l‟infection et le transfert génétique.

La deuxième méthode très utilisée en transformation génétique chez les plantes est la biolistique. Il s‟agit d‟une méthode directe physique décrite pour la première fois en 1987 (Sanford et al., 1987) qui visait à fournir une alternative aux autres méthodes de transformation en particulier chez les céréales, particulièrement récalcitrantes (Sant, 2011; Smith et Hood, 1995; Sood et al., 2011). Elle est toujours très utilisée pour sa meilleure efficacité notamment chez les graminées mais aussi car elle permet le transfert de nombreux

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gènes simultanément (jusqu‟à 14 chez le riz (Chen et al., 1998)), d‟éviter les problèmes de contaminations bactériennes incontrôlées et enfin en raison de la facilité de construction des vecteurs et de leur administration (Dai et al., 2001; Kaur et Sah., 2014). Le bombardement peut, comme la transformation par Agrobacterium, être réalisé sur plante entière (Hamada et al., 2017) mais il est le plus souvent appliqué à des explants. La biolistique repose sur l‟utilisation de billes d‟or comme vecteur d‟ADN (Kaur et Sah., 2014). Un mélange de billes et de plasmides portant le transgène est propulsé à grande vitesse par un canon à particules sur le matériel végétal. Les billes bombardées perforent les tissus végétaux et permettent au transgène d‟accéder à l‟intérieur de la cellule où il s‟intègre de façon non contrôlée dans l‟ADN.

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Figure III-2: Techniques de transformation génétique (A) Utilisation d‟Agrobacterium comme vecteur d‟un transfert T-DNA. (B) Transfert direct d‟ADN par bombardement de particules (biolistique). (C) Régénération et sélection des calls et plantules transformés. GI=Gène d‟intérêt, Gènes vir=Gènes de virulence Agrobacterium, T-DNA=ADN de Transfert, SIM=Shoot Initiation Medium, RIM=Root Initiation Medium (d‟après Anami et al., 2013)

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Le transfert d‟ADN n‟intervient que sur une petite portion des cellules végétales qui subissent la transformation, la sélection des cellules qui ont incorporé le transgène est donc une autre étape clé des techniques de transformation. Ainsi, des gènes marqueurs sont utilisés en parallèle des gènes d‟intérêt et sont généralement des gènes de résistance à des antibiotiques comme les néomycines (nptII) et hygromicine (hpt) phosphotransférases (Fraley et al., 1983; Waldron et al., 1985), des herbicides comme la phosphinothricin N-acetyltransferase (pat) et l‟acéto lactate synthase (De Block et al., 1989; Wohlleben et al., 1988) ou encore des gènes liés au métabolisme comme la phosphomannose isomérase (Joersbo et al., 1998).

Si hpt confère la résistance spécifique à l‟hygromycine, nptII confère une résistance à une variété d‟antibiotiques amino-glycosides comme la kanamycine, la néomycine, la paramomycine et la Généticine. Les gènes de résistance aux herbicides catalysent en une forme inactive le composé actif d‟herbicides à spectre large comme le BastaTM

. Enfin, la sélection par les enzymes du métabolisme général repose sur un avantage de métabolisation du mannose. Ces gènes sont couplés au(x) gènes(s) d‟intérêt(s) via des constructions qui assurent une expression constitutive (promoteurs ubiquitaires) afin de pouvoir être exprimés dans une grande variété de types cellulaires (Miki et McHugh, 2004).

1.3. Constitution des constructions et principe de la stratégie