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Etat des lieux de la transformation stable chez les graminées et le sorgho

Les premières méthodes de transformation chez les graminées utilisaient dès les années 80 des méthodes de transformation avec des moyens chimiques (polyéthylene glycol, phosphate de calcium) (Krens et al., 1982; Potrykus et al., 1985) et mécaniques (microinjection, bombardement, électroporation) (Fromm et al., 1990; Wan et Lemaux, 1994). Ces méthodes ont permis la transformation de nombreuses monocotylédones dont le sorgho dès 1993 (Casas et al., 1993) avec un taux de succès de 0,28%.

La transformation des dicotylédones est, quant à elle, possible de façon reproductible et efficace depuis 1983 grâce au vecteur bactérien de transfert d‟ADN, Agrobacterium tumefaciens (Gasser et Fraley, 1989). Les monocotylédones ne répondaient pas aussi bien que les dicotylédones à l‟infection par Agrobacterium ce qui ne permettait pas d‟induire l‟expression des gènes de virulence nécessaire à la transformation (Repellin et al., 2001). Après avoir été considérées comme non transformables par cette bactérie, les monocotylédones ont été transformées par Agrobacterium 10 ans plus tard que les dicotylédones. Le développement de nouveaux vecteurs chez le riz et le maïs qui expriment un potentiel de virulence plus important dans Agrobacterium (Hiei et al., 1994; Ishida et al., 1996) L‟addition d‟acétosyringone, une molécule activatrice de la virulence d‟Agrobacterium sécrétée par ses hôtes, à l‟inoculation et pendant la co-culture ont également participé à cette avancée (Sant, 2011). Le premier succès de transformation par Agrobacterium chez le riz (Chan et al., 1993; Hiei et al., 1994) a été suivi par des succès chez le maïs (Ishida et al., 1996), l‟orge (Tingay et al., 1997) ainsi que chez d‟autres monocotylédones d‟intérêt agronomiques dès les années 90 tandis que la recherche sur le sorgho ne s‟est emparée de la transformation par Agrobacterium que dans les années 2000 (Gao et al., 2005; Howe et al., 2006; Zhao et al., 2000). Les difficultés rencontrées au début de la transformation génétique chez les graminées expliquent le retard des techniques de transformation chez ces dernières et en particulier pour le sorgho en comparaison aux dicotylédones.

Chez le sorgho, comme chez un grand nombre de monocotylédones, les techniques de culture in vitro utilisées reposent principalement sur l‟utilisation de l‟embryogénèse somatique (Jogeswar et al., 2007; Kaeppler et Pedersen, 1996; Sato et al., 2004). L‟induction de cals cellulaires totipotents chez les monocotylédones et leur régénération en plantes entières est un challenge par rapport aux techniques éprouvées chez les dicotylédones. Des protocoles qui

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fonctionnent chez certaines espèces de graminées ne fonctionnent pas sur d‟autres espèces, même proches. L‟unité d‟espèce n‟est pas non plus suffisante à assurer la transférabilité d‟un protocole car l‟efficacité peut différer d‟une variété à une autre. Le sorgho, en particulier, a la réputation d‟être l‟espèce monocotylédone de grande culture la plus récalcitrante à la transformation et en particulier à la culture in vitro et à la régénération de plantes entières (Altpeter et al., 2016; Gurel et al., 2009; Raghuwanshi et Birch, 2010). Cela pourrait être dû à sa richesse en composés phénoliques qui sont produits en grande quantité en culture in vitro et réduisent drastiquement l‟efficacité de la transformation (Ahmed et al., 2018; Dykes et Rooney, 2006). Si la transformation d‟une variété de tissus (Ahmed et al., 2018) incluant des grains matures a déjà été utilisée (Zhao et al., 2000), les embryons immatures se sont révélés les plus aptes à la transformation (Do et al., 2016a; Gao et al., 2005; Howe et al., 2006; Jeoung et al., 2002; Wu et al., 2014). Les embryons immatures frais sont les explants les plus aptes à la transformation chez le sorgho contrairement à d‟autres monocotylédones où des embryons matures secs peuvent être utilisés facilement (Chauhan et Khurana, 2017; Hiei et Komari, 2008). La transformation chez le sorgho est également très sensible au génotype utilisé et la majorité des études utilise les variétés P898012 et Tx430 (Ahmed et al., 2018; Sant, 2011).

Les marqueurs de sélections les plus utilisés chez le sorgho sont hpt en transformation par Agrobacterium et bar en transformation par biolistique. Les autres marqueurs sont nptII et pmi. Les promoteurs utilisés sont majoritairement ZmUbi (promoteur ubiquitine maïs) et CaMV35S (Ahmed et al., 2018). L‟efficacité de ces promoteurs est discutée et ZmUbi semble plus efficace que CaMV35S (Do et al., 2016a; Kumar et al., 2011).

L‟efficacité de l‟édition des constructions CRISPR/Cas9 est haute chez d‟autres monocotylédones comme le riz (jusqu‟à 90% en routine)(Ma et al., 2015) mais n‟est pas fermement établie chez le sorgho où elle peut s‟échelonner de 25 à 80% (Char et al., 2019; Liu et al., 2019a).

Parmi les transformants de sorgho générés et liés à un trait agronomique se trouvent des mutants impliqués dans différents processus biologiques, comme des mutants de résistance aux stress biotiques et abiotiques (Girijashankar et al., 2005; Girijashankar et Swathisree, 2009; Jeoung et al., 2002), de la synthèse et de l‟assemblage des kafirines (da Silva et al., 2011; Elkonin et al., 2017; Li et al., 2018a) et des mutants de la biosynthèse des lignines (Scully et al., 2017; Tetreault et al., 2018).

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Malgré les succès de transformation par biolistique avec des taux de transformation jusqu‟à 25% (Liu et al., 2014; Liu et Godwin, 2012), la transformation par Agrobacterium semble plus efficace dans de nombreux travaux (Ahmed et al., 2018). Cette méthode atteint dorénavant des taux de succès de transformation jusqu‟à 46% (Belide et al., 2017; Che et al., 2018; Wu et al., 2014) alors qu‟ils plafonnaient à moins de 10% il y a une dizaine d‟années (Gurel et al., 2009; Kumar et al., 2011).

L‟utilisation d‟antioxydants, d‟agents adsorbants et la culture à l‟obscurité ont semblé jouer des rôles importants dans la réduction des effets négatifs causés par les composés phénoliques sécrétés par les cals. En effet, ils peuvent induire la nécrose et la mort des tissus ainsi que des effets toxiques sur Agrobacterium (Carvalho et al., 2004; Kaeppler et Pedersen, 1996; Nguyen et al., 2007; Raghuwanshi et Birch, 2010). L‟utilisation de plus en plus systématique d‟une variété qui produit peu de phénols, Tx430, est probablement également responsable des taux de succès grandissants. L‟identification de plusieurs souches d‟Agrobacterium efficaces pour la transformation du sorgho est également à relever (Jeoung et al., 2002; Wu et al., 2014). Parmi les autres points critiques de l‟utilisation du sorgho en transformation mentionnés par Carvalho et al. (2004) se trouvent les conditions de croissance et le stade développement des embryons utilisés. En effet, il a été montré que des embryons immatures issus de plantes en champs avaient de moins bonnes capacités de régénération que ceux issus de plantes en serre (Zhao et al., 2000). Ces points sont souvent mentionnés dans les études et leur prise en considération attentive améliore probablement les taux de succès de la transformation.

Malgré les améliorations évoquées ci-dessus, il est toujours difficile de transformer le sorgho comme le démontre le taux de succès de la transformation par Agrobacterium qui reste faible dans plusieurs études récentes: 6,2% (Mookkan et al., 2017) et 3,3% (Kuriyama et al., 2019). La maîtrise et l‟optimisation du système de transformation du sorgho est donc toujours nécessaire.

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