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Chapitre 3. Expérimentation préliminaire

3.3.3 Variables dépendantes

3.3.3.1 Mesure de la charge

La charge est mesurée de trois manières indépendantes et croisée (Cegarra & Chevalier, 2008). Les trois paragraphes suivants détaillent les mesures réalisées.

3.3.3.1.1 Mesures cardiaques

Les mesures de rythme cardiaque ont longtemps eu la préférence des chercheurs dans le cadre d’études sur la charge cognitive en aéronautique (Kramer, 1990; A. H. Roscoe, 1992).

Le cœur est un système contrôlé par le système nerveux neuro-végétatif, innervé par les systèmes nerveux sympathique et parasympathique. Le système nerveux sympathique est responsable de l’augmentation du rythme cardiaque quand le système nerveux parasympathique, par le nerf vagal, est responsable de sa diminution. Les contractions mécaniques du cœur sont produites par des impulsions électriques générées par le nœud sinusal, impulsions qui peuvent être mesurées par des électrodes et représentées sous forme d’électrocardiogrammes (ECG, Figure 50).

Figure 50 : Tracé ECG : la première déflexion négative est l’onde Q (activation septale), la première déflexion positive est l’onde R (activation pariétale du ventricule gauche), la seconde déflexion

négative est l’onde S (activation basale du ventricule gauche) (Kramer, 1990)

Le nombre de pics de l’onde R est mesuré sur une minute et donne la mesure du rythme cardiaque. De nombreuses études se sont intéressées au rythme cardiaque comme indicateur de la charge cognitive et font état d’une augmentation du rythme cardiaque lors de phases de vol nécessitant une augmentation de la charge cognitive, en environnement simulé (Lindholm & Cheatham, 1983; Wierwille & Connor, 1983) et en vol réel (A. Roscoe, 1984; Speyer, Fort, Fouillot, & Blomberg, 1987).

D’autres études ne parviennent pas à établir cette relation de manière systématique (Salvendy & Humphreys, 1979; Wierwille & Casali, 1983). La faiblesse souvent mise en avant concerne la difficulté à distinguer les variations du rythme cardiaque relevant exclusivement de l’effort mental de celles relevant d’un effort physique. Afin de pallier cette faiblesse, la littérature s’est intéressée à l’étude de l’arythmie cardiaque.

L’arythmie cardiaque (Heart Rate Variability, HRV) est un terme qui renvoie aux variations d’écarts entre deux battements cardiaques successifs sur une période donnée. En conditions de repos, les électrocardiogrammes de sujets ne souffrant pas de pathologies cardiaques présentent des variations dans les intervalles R-R. L’intervalle R-R désigne la durée entre deux ondes R consécutives de l’ECG (voir Figure 50).

La HRV est un indicateur indirect de la charge cognitive (Backs, Lenneman, & Sicard, 1999; Wilson, 2002). Elle s’obtient à partir d’une mesure en continue du rythme cardiaque (Camm et al., 1996). Charge cognitive et arythmie cardiaque sont inversement corrélées : la littérature met

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en évidence qu’une diminution de l’arythmie cardiaque est une indication d’augmentation de charge cognitive (Kalsbeek, 1971).

Dans notre étude, le sujet a été équipé de trois électrodes cutanées à usage unique (type AgCl) disposées selon le triangle d’Einthoven (Figure 51). L’analyse du signal cardiaque débute par l’application de procédures automatiques (filtres, templates) et s’achève par une inspection visuelle et le cas échéant des corrections manuelles.

Figure 51 : Positionnement des électrodes suivant le triangle d’Einthoven

L’estimation de la HRV se fait dans le domaine fréquentiel en calculant la densité spectrale de puissance de la transformée rapide de Fourier du tachogramme (Figure 52), après ré-échantillonnage à 8 ms. Les calculs retenus se font dans la bande 0,05Hz - 0,15Hz (basse fréquence LF) et 0,15Hz – 0,3Hz (haute fréquence HF). La littérature met en évidence une corrélation inverse de la puissance avec la difficulté de la tâche dans les basses fréquences (Aasman, Mulder, & Mulder, 1987; Egelund, 1982). L’influence du nerf vagal sur le cœur se mesure dans les hautes fréquences et fournit une mesure pertinente de la charge (Porges, 1984). La HRV totale retenue pour les analyses est la somme de ces deux puissances (HF+LF). Plus cette somme est faible moins l’arythmie est élevée.

Figure 52 : Tachogramme : en abscisse, le temps (en minutes), en ordonnée, l’intervalle R-R inter-battements (en secondes).

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Sur les 24 minutes de passation, les 21 minutes d’enregistrement cardiaque centrales sont analysées afin d’éliminer les effets de bord. Nous nous intéressons à l’évolution du rythme cardiaque et à l’arythmie cardiaque

3.3.3.1.2 Mesures subjectives

A la fin de chaque modalité, il est demandé au sujet d’évaluer subjectivement sa charge par le biais d’un questionnaire, le NASA-TLX, en version francophone (Cegarra & Morgado, 2009).

Le NASA Task Load Index est un outil d’évaluation subjective de la charge cognitive. Il s’agit d’un outil multidimensionnel qui permet le calcul d’un score de charge cognitive global sur la base d’une pondération des scores obtenus à six sous-dimensions. Les sous-scores sont obtenus par évaluation sur six échelles de Likert des dimensions suivantes : demande mentale, demande physique, demande temporelle, effort, performance et niveau de frustration.

Les dimensions sont présentées comme suit :

1. Exigence mentale : Dans quelle mesure des opérations mentales et perceptives ont-elles été requises (par ex.: penser, décider, calculer, se rappeler, regarder, chercher, etc.) ? La tâche était-elle plutôt facile ou difficile, simple ou complexe, abordable ou exigeante ?

2. Exigence physique : Dans quelle mesure des opérations physiques ont-elles été requises (par ex.: pousser, tirer, tourner, superviser, activer, etc.) ? Avez-vous trouvé la tâche plutôt facile ou difficile, lente ou rapide, lâche ou vigoureuse, reposante ou ardue ?

3. Exigence temporelle : Quelle quantité de pression liée au temps à cause du rythme ou de l’allure des tâches ou de l’apparition des éléments de la tâche avez-vous ressenti ?

4. Effort : Quelle a été la difficulté d’accomplir (mentalement et physiquement) la tâche avec un niveau de performance tel que le vôtre ?

5. Performance : Quelle réussite vous attribuez-vous en ce qui concerne l'atteinte des buts de la tâche fixés par l’expérimentateur (ou par vous-même) ? Dans quelle mesure êtes-vous satisfait de votre performance dans l’accomplissement de ces buts ?

6. Frustration : Au cours de la tâche, quel sentiment d'être peu sûr de vous, découragé, irrité, stressé et agacé avez-vous ressenti contrairement au fait d'être sûr de vous, satisfait, content, détendu et complaisant ?

Les sous-dimensions sont présentées au participant après chaque modalité et il est demandé aux sujets de les évaluer sur un intervalle de valeurs entre 0 (faible) et 100 (haut).

Une phase de pondération par comparaison de paires est ensuite réalisée. Quinze paires de dimensions sont présentées successivement au sujet et il lui est demandé de choisir celle qu’il estime prépondérante dans sa charge cognitive. Le NASA-TLX est l’outil d’évaluation subjective de la charge cognitive le plus communément utilisé dans la littérature.

Le NASA-TLX est soumis au sujet en utilisant l’interface Tholos (Cegarra & Chevalier, 2008, Figure 53) et est analysé en version pondérée pour chacun des sujets.

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Figure 53 : Logiciel Tholos (Cegarra & Chevalier, 2008) pour la présentation du NASA-TLX

3.3.3.1.3 Temps de réaction

Posner & Boies (1971) posent les bases des paradigmes de double tâche et de mesure des temps de réaction : ils établissent une corrélation entre allongement des temps de réaction à une tâche secondaire et augmentation de la charge cognitive. Dans un paradigme centré sur la gestion du temps, les temps de réaction sont une mesure intéressante de la charge cognitive. Ainsi le temps de réaction à la réalisation de chaque tâche est consigné et analysé.

Ces trois mesures de charge alimentent nos variables dépendantes.

3.3.3.2 Mesure de la performance

L’indice de performance est défini en concertation avec des pilotes civils. Une bonne performance lors d’un guidage radar consiste à répondre à la requête du contrôle aérien le plus rapidement et le plus précisément possible. Le temps réalisé pour chacune des tâches est mesuré : sur l’ensemble des 25 tâches réalisées nécessaire, 17 tâches sont conservées, 8 tâches de type ponctuel (appui sur un bouton, activation de la manette de sortie de train, sortie des volets…) ne permettent pas de mesures de temps d’effectuation et ne peuvent donc être intégrées à l’analyse.

Un bref entretien dirigé est réalisé à l’issue de la passation « personnalisée » afin de donner un éclairage sur les stratégies éventuelles mises en œuvre dans le réglage de la fenêtre. Le caractère bref de l’entretien est imposé par la disponibilité très réduite que les sujets nous accordaient bénévolement.

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