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Chapitre 2 : Régulation émotionnelle et régulation centrale des fonctions

2. Du Système Nerveux Végétatif au Réseau Central Végétatif

2.3. Marqueur des influences du SNVS et du SNVP : le cœur

2.3.4 Variabilité du rythme cardiaque

2.3.4.1 Définitions et généralités

La variabilité du rythme cardiaque (VRC1) est un phénomène physiologique qui rend compte des variations temporelles entre les battements successifs du cœur (Figure 5). Comme nous l’avons vu, le SNV régule la FC par la voie sympathique (qui agit en quelques secondes) et parasympathique (qui agit en 0.2 à 0.6 s). Précisément, le SNVP influence la FC tonique (ou de repos) par l’intermédiaire du nerf vague. Au repos, la FC fluctue avec les cycles respiratoires : l’inspiration s’accompagne d’une augmentation de la FC, l’expiration d’une diminution. Ce pattern s’appelle l’arythmie sinusale respiratoire (ASR) et son amplitude est déterminée par le nerf vague. Quand la FC varie considérablement durant le cycle respiratoire, on dit que le tonus vagal est bon ou élevé et inversement quand la variabilité est faible.

Figure 5 : Représentation des variations de l’intervalle R-R (données brutes issues de nos données expérimentales)

2.3.4.2 Mesure et quantification de la VRC

Les recommandations pour l’enregistrement de l’activité cardiaque afin d’en calculer la VRC sont : une fréquence d’échantillonnage de 500 à 1000 Hz (pour une précision de 1-2 ms), une résolution de 8 bits et une sensibilité de +/- 5mV (Berntson et al., 1997; Malik et al., 1996; Task Force of the European Society of Cardiology and the North American Society of Pacing and Electrophysiology, 1996). Avant d’analyser ce signal cardiaque (ou au moment des réglages d’acquisition), on applique généralement un filtre passe-bandes de 5-30 Hz afin de restreindre le bruit lié à l’activité musculaire non cardiaque, aux interférences du courant électrique ainsi que les changements basse-fréquences de la ligne de base. A partir de ce signal, on utilise un algorithme de détection (classification) des pics R ou du complexe QRS. Ce genre d’algorithme a représenté un challenge dans les années 90 et plusieurs techniques ont été proposées (Friesen et al., 1990; Hamilton & Tompkins, 1986 ; pour une revue, consulter Afonso, 1993). D’utilisation courante aujourd’hui, la détection de pics R fait partie des outils classiques des logiciels d’acquisitions physiologiques modernes (type Acqknowledge de BIOPAC) mais on trouve également des alternatives libres post-traitements

donnant des résultats similaires1. Suite à ce premier traitement, un examen à vue est réalisé afin de corriger les possibles erreurs de détection de l’algorithme. Cet examen est très important car la VRC est très sensible aux artéfacts et erreurs temporelles (2% d’erreur dans les données peuvent introduire un biais dans les calculs). A la fin de cette étape, on obtient ce que l’on nomme la série des intervalles RR (parfois NN pour Normal/Normal afin d’insister sur la nature non-pathologique de ce processus) qui va nous permettre de quantifier l’HRV.

On peut classer les méthodes de quantification de l’HRV en trois familles : les méthodes temporelles, fréquentielles2 et non-linéaires (Berntson et al., 1997). Pour chaque famille, nous ne présenterons que les méthodes les fréquemment rencontrées dans la littérature.

Les méthodes temporelles sont les plus simples à mettre en œuvre parce qu’elles

s’appliquent directement sur la série des intervalles RR. L’indicateur le plus évident est la valeur moyenne des intervalles RR (notée RR����). On calcule également plusieurs indicateurs de dispersion comme SDNN (Standard Deviation of NN),

SDNN = �𝑁 − 1 �(RR1 𝑗− RR����)² 𝑁

𝑗=1

où RR𝑗 représente le j-ième intervalle RR et 𝑁 est le nombre total d’intervalles successifs. SDNN reflète les variations rapides et lentes de la série RR mais on préférera le RMSSD (Root Mean Square of Successive Differences) pour avoir une idée des variations rapides :

RMSSD = �𝑁 − 1 �(RR1 𝑗+1− RR𝑗)² 𝑁−1

𝑗=1

Une autre mesure fréquemment rencontrée est le NN50 qui est le nombre d’intervalles successifs qui différent de plus de 50 ms. On en calcule généralement la proportion relative (pNN50) donnée par :

1http://physionet.org/physiotools/ecgpuwave/

pNN50 = NN50𝑁 − 1 × 100%

Dans la littérature, on retrouve ces deux indicateurs pour des intervalles de plus de 20 ms (NN20 et pNN20).

Les méthodes fréquentielles permettent de découper des bandes de fréquences

spécifiques dans le signal et de « compter » le nombre d’intervalles RR qui leur correspondent. On distingue quatre bandes de fréquences dans le signal cardiaque (Berntson et al., 1997) : la haute fréquence (HF) qui se situent entre 0.15 et 0.4 Hz ; la basse-fréquence (BF) située entre 0.04 et 0.15 Hz ; la très basse fréquence comprise entre 0.003 et 0.04 Hz (TBF) et l’ultra basse fréquence qui correspond à tout ce qui se trouve en dessous de 0.003 Hz (UBF). Plusieurs méthodes existent pour caractériser ces bandes de fréquence et elles s’appuient généralement sur une analyse de puissance de la densité spectrale (Power Spectral

Density, PSD) fournissant une information sur la distribution de la puissance en fonction de la

fréquence étudiée (puissance absolue et relative). Les analyses PSD reposent généralement sur un modèle non-paramétrique (comme la transformée de Fourrier rapide, ou FFT pour Fast

Fourrier Transform) ou un modèle paramétrique (généralement le modèle autoregressif) qui

ont chacun des avantages et des inconvénients. On conseille d’ailleurs de calculer les deux indicateurs afin d’en comparer les résultats. Par ailleurs, même s’elles ne seront pas abordées, d’autres modélisations sont utilisées dans la littérature (p. ex., la modélisation par ondelette ; Jeanne, Logier, & Tavernier, 2012). Dans le cadre de l’analyse des processus émotionnels, c’est la méthode fréquentielle qui est la plus fréquemment utilisée (Kreibig, 2010) et nous la détaillons dans la partie suivante (2.3.5 Influences végétatives de la variabilité du rythme cardiaque).

Finalement, les méthodes non-linéaires considèrent le contrôle cardiaque comme un système dynamique dont la VRC serait la résultante de mécanismes non-linéaires. Les propriétés non-linéaires de la VRC sont analysables à l’aide de la méthode des diagrammes de Poincaré (représentation graphique de la corrélation entre les intervalles RR successifs, Carrasco, Gaitán, González, & Yánez, 2001), de mesures d’entropie (Richman & Moorman, 2000), d’analyses par fluctuations redressées (Detrended Fluctuation Analysis, DFA), d’analyse correlation dimension (Grassberger & Procaccia, 1983) ou encore par recurrence

(Tarvainen & Niskanen, 2012). Nous n’aborderons pas davantage ces mesures car elles dépassent le champ d’investigation que nous nous sommes fixé ici. Le lecteur intéressé pourra par exemple consulter les travaux de l’équipe de recherche en psychologie de l’Université des îles Baléares en Espagne qui les utilisent dans le cadre de la prise en charge de phobies spécifiques (Bornas et al., 2007, 2013).