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Marqueur de la voie sympathique : l’activité électrodermale

Chapitre 2 : Régulation émotionnelle et régulation centrale des fonctions

2. Du Système Nerveux Végétatif au Réseau Central Végétatif

2.2. Marqueur de la voie sympathique : l’activité électrodermale

2.2.1. Définitions

C’est à Féré en 1888 que l’on doit la première méthode d’enregistrement de l’AED, nommée aujourd’hui méthode en résistance (Dawson, Schell, & Filion, 2000)1. L’évolution rapide des techniques d’enregistrement et les travaux sur la réaction d’orientation (Sokolov, 1963) favorise l’essor des recherches utilisant l’AED. Les premières recommandations sur la mesure électrodermale sont publiées en 1981 (Fowles et al., 1981) et facilitent l’adoption des standards actuels (surface des capteurs, matériau des capteurs, composition chimique et concentration de la solution conductrice, etc.)2.

L’activité électrodermale correspond à des modifications physiologiques cutanées se traduisant par un changement d’activité électrique localisé. L’AED s’enregistre à la surface de la peau des mains, des pieds et du front, où s’abouchent les pores excréteurs des glandes sudoripares eccrines (Figure 2). La sueur excrétée est une solution aqueuse hypotonique composée à 99 % d'eau et d'électrolytes (majoritairement du chlorure de sodium). Il existe également des glandes sudoripares apocrines (beaucoup moins nombreuses) qui jouent, dans le règne animal, un rôle dans la reconnaissance mutuelle, la délimitation du territoire ou la sélection d’un partenaire pour la reproduction. Les glandes eccrines interviennent dans la thermorégulation et à la suite de la présentation de stimuli qui ont un sens particulier pour l’individu (dits stimuli signifiants).

1 Deux ans plus tard (1890), Tarchanoff développe la méthode d’enregistrement en potentiel. C’est pour la

première fois en 1907 que Peterson et Jung utilisent l’AED dans une expérience scientifique en rapport à la psychologie (psychomètre). En 1915, Gildemeister le rebaptise en réflexe psychogalvanic (psychogalvanic

reflex, PGR).

2 Aujourd’hui, le chapitre de Dawson, Schell et Filion, constitue une bonne introduction (Dawson, Schell, &

Filion, 2000) et des approfondissements sont disponibles dans le livre référence sur le sujet réédité en 2012 :

Figure 2 : Coupe histologique de peau avec une glande sudoripare (n°20)1.

2.2.2. Contrôle de l’activité électrodermale

L’AED est la résultante de l’activation de mécanismes périphériques (facteurs locaux tel que l’hydratation de la peau ou la température) et de mécanismes centraux (via le SNVS) dont la structure la plus impliquée est la formation réticulée. Elle se compose d’un système activateur (Formation Réticulée Activatrice, FRA) et d’un système inhibiteur (Formation Réticulée Inhibitrice, FRI) qui s’influencent mutuellement. La FRA est sous l’influence du cortex cingulaire, de l’amygdale et de l’hippocampe, eux-mêmes sous contrôle cortical des régions frontales et pariétales. De plus, on a découvert une relation directe du cortex frontal sur la FRA et sur les glandes sudoripares (via le faisceau pyramidal activé par une séquence de la planification de l’action ; Roy, Sequeira, & Delerm, 1993; Sequeira & Roy, 1993). A part la FRA, on connait mal ce qui module l’activité de la FRI bien qu’il existerait une influence du cortex cingulaire.

2.2.3. Précautions d’enregistrement et généralisation des résultats

Depuis la généralisation de système électronique à filtrage numérique, les bruits électroniques (50/60Hz et autres) ne sont plus un problème. Les parasites lors du traitement du signal ayant disparu, il ne reste que les sources de bruit liées à la mesure (participant ou capteur). Concernant le participant, la principale source de bruit concerne les mouvements du

corps. Concernant le capteur, il faut veiller à la concentration électrolytique de la solution conductrice, au contact peau/capteur, aux pressions mécaniques sur le capteur et éviter les champs magnétiques.

Concernant la généralisation des résultats, il faut veiller à contrôler l’âge des participants, la température de la pièce, le moment du cycle circadien du participant (Hot, Naveteur, Leconte, & Sequeira, 1999) ainsi que la prise d’un produit (médicament ou toxique) capable d’avoir un effet sur le SNV (sympathomimétiques, parasympathomimétique ou bloqueurs des récepteurs nicotiniques des muscles squelettiques ; Boucsein, 2012).

2.2.4. Mesure et quantification du signal

Il existe deux grandes méthodes d’enregistrement de l’AED : en potentiel (ou différence de potentiel ou encore endosomatique) ou en conductance (parfois appelée résistance ou exosomatique) avec l’application soit d’un courant continu soit alternatif. Toutes les méthodes existantes sont présentées en Annexe 7. Nous nous centrerons sur la plus utilisée aujourd’hui, la méthode exosomatique en régime continu. Elle requiert deux électrodes placées sur les phalanges médianes de l’index et du majeur de la main non dominante (Boucsein, 2012). Ces électrodes sont reliées à un amplificateur de signaux physiologiques qui renvoie les valeurs en micro-siemens (µS) ou kilo-ohm (kΩ), la conductance étant l’inverse de la résistance. Classiquement on traite le signal obtenu en séparant les différentes informations qui le caractérisent : le niveau tonique (Skin Conductance Level, SCL) et la réponse phasique (Skin

Conductance Response, SCR).

La réponse phasique est une réaction de la résistance cutanée à un stimulus précis. Ce stimulus peut être contrôlé ou non par l'expérimentateur et dans ce dernier cas, on parle de réponse non spécifique (NS.SCR). Pour qu’elle soit spécifique, une réponse phasique doit voir sa latence comprise entre 1 et 4 s et son amplitude supérieure à 0,01 µS. En effet, on quantifie une SCR de deux façons, par son amplitude (différence entre la valeur de départ et le maximum) et sa durée (temps écoulé entre la 1ère inflexion de la résistance et son retour à un niveau de base non perturbé). De manière générale, l’amplitude et la durée de perturbation ohmique croissent avec l’impact ressenti du stimulus par le sujet (Boucsein, 2012). Concernant le niveau tonique, il représente le niveau basal de la résistance. Sa variation est beaucoup plus lente que la réponse phasique. Son intensité est directement liée au niveau de vigilance du participant (Christie & Venables, 1971) et inversement proportionnelle à la charge mentale (Wegner, Broome, & Blumberg, 1997).