• Aucun résultat trouvé

Sous-Chapitre IB : Contexte paléoenvironnemental de l'Océan Atlantique intertropical

6. Variabilité climatique orbitale

Au sein de cette « ère » glaciaire quaternaire au sens large, une alternance glaciaire-interglaciaire à plus petite échelle est liée aux cycles orbitaux, la théorie des paléoclimats ayant été proposée par le mathématicien yougoslave Milutin Milanković dès 1911, puis validée à travers l’analyse spectrale de données sédimentologiques marines par Hays et al. (1976). En période interglaciaire, les calottes continentales sont restreintes aux latitudes polaires et aux glaciers d’altitude (aujourd’hui, 16 millions de km² dont 14 millions pour l’Antarctique et 1,7 millions pour le Groenland), tandis qu’en période glaciaire, une extension considérable des inlandsis continentaux a lieu sur le Canada, l'Europe du Nord, la Sibérie, l'Islande jusqu’à 45°N (plus de 30 millions de km² au Dernier Maximum Glaciaire, DMG, 23-19 ka BP; Figure 21; Mix et al., 2001). Les données glaciologiques (e.g. isotopes stables, poussières) Antarctique mettent en évidence cette alternance depuis au moins 800 000 ans, tandis que les relevés géomorphologiques dans les Alpes (Schaefer, 1953) ou les données sédimentologiques marines (Lisiecki et Raymo, 2005) démontrent l'existence de cette alternance glaciaire / interglaciaire durant tout le Quaternaire. Ces bascules glaciaire/interglaciaire influent sur le bilan radiatif de la Terre suivant les combinaisons des différents paramètres orbitaux faisant varier l'insolation reçue sur Terre. L'insolation de juillet à 65°N (Figure 25) traduit l'insolation estivale reçue dans les hautes latitudes boréales, et rend compte de l’initiation et de la terminaison des périodes glaciaires du Quaternaire (Berger, 1978).

80 Figure 21 Schématisation du monde au Dernier Maximum Glaciaire (20 000 ans BP). Le trait de côte correspond à l'isobathe -115 m (Grant et al., 2014), les reliefs terrestres et marins sont issus des données ETOPO1 et EMODnet pour l'Europe. L'élévation marine et terrestre a été corrigée pour tenir compte des effets glacio-isostatiques, selon les données GPS (Sella et al., 2007; Shennan et al., 2012) et les modèles de flux mantelliques (Paulson et al., 2007). Le

81 tracé des fleuves est issu des calculs de drainage effectués par ArcGis sur les plateformes exondées et des relevés du BRGM pour les fleuves français. L'extension des lacs proglaciaires européens et sibériens sont issus des calculs de bassins proglaciaires effectués par ArcGis. L'extension de la Mer Khvalynienne et de la Mer Noire sont issues des simulations CMIP5/PMIP3 (Abe-Ouchi et al., 2015). Les références concernant l’extension et l’épaisseur des calottes sont répertoriées dans le Tableau 1.

Calotte Extension Epaisseur

Laurentienne Modèles de Gowan et al. (2016)

Groenlandaise simulations CMIP5/PMIP3 (Abe-Ouchi et al., 2015)

Islandaise simulations de Hubbard et al. (2006)

Britannique relevés de terrain et modèles de Evans et al. (2005)

Scandinave relevés de terrain et

modélisations de Stroeven et al. (2016)

modèles CMIP5/PMIP3 (Abe-Ouchi et al., 2015)

Mer de Kara/Barents relevés de terrain de Svendsen et al.(2004)

simulations de Gowan et al. (2016)

Patagonie simulations CMIP5/PMIP3

(Abe-Ouchi et al., 2015)

Alpine relevés de terrain et

simulations de Mey et al.(2016)

Antarctique simulations de Huybrechts (2002)

Tableau 1 Références des données utilisées concernant l’épaisseur et l’extension des calottes représentées sur la Figure 21.

82

6.1. Excentricité de l'orbite terrestre

L'orbite de la Terre décrit autour du Soleil une ellipse dont l’allongement change au cours du temps, selon une série de périodes allant de 412 885 ans pour la plus longue à 99 590 ans pour la plus courte (Berger et Loutre, 1991; Laskar et al., 2004; Baro, 2007). Pour une excentricité nulle, l'orbite terrestre consiste en un cercle parfait tandis que, sur les derniers 5 Ma, un maximum d’excentricité (0,057133) a été modélisé vers 3,831 Ma BP (Berger et Loutre, 1991). Bien que ces déformations de l'ellipse paraissent très faibles (Figure 22), elles font varier la longueur du demi grand axe de 8 millions de kilomètres au maximum, ce qui impacte considérablement l'énergie solaire reçue sur Terre et notamment les contrastes saisonniers.

Figure 22 Représentation à l'échelle des configurations extrêmes de l'excentricité orbitale de la Terre : minimum en bleu, maximum en rouge, et configuration actuelle en noir. Les ellipses sont calculées en fonction des données d'excentricité orbitale modélisées par Berger et Loutre (1991) sur les 5 derniers millions d'années.

83

6.2. L'obliquité de l'axe de rotation de la Terre

L’obliquité représente l'angle entre l'axe de rotation de la Terre et l'axe perpendiculaire au plan de l'écliptique. Cet angle, actuellement de 23,45°, a varié entre 22° et 24,54° (Figure 23 ; Berger et Loutre, 1991), selon une série de périodes allant de 28 910 ans à 53 615 ans, pour une moyenne de 41 615 ans (Baro, 2007). Ces mouvements se traduisent par : i) un changement du contraste saisonnier quant à la durée de la journée, plus important en maximum d'obliquité qu'en minimum, ii) un mouvement de la position des tropiques à hauteur de 2.5°, ce qui va avoir comme conséquence des changements dans la superficie de la zone intertropicale de l'ordre de 10 % (Figure 23). Dans le cas d'un minimum d'obliquité, au moins 20 millions de km² de surface terrestre ne se trouvent plus dans des régions voyant le Soleil au zénith au moins un jour par an, ce qui implique une diminution relativement importante de l'énergie reçue sur Terre.

Figure 23 Représentation schématique de l'obliquité terrestre et des changements de l'extension géographique de la zone intertropicale (en orange). Les régions en jaune correspondent à la zone de balancement liée aux variations de l'obliquité, dont le minimum est représenté par un trait bleu et le maximum par un trait rouge. Les valeurs min. et max. de l'obliquité sont calculées en fonction des données modélisées par Berger et Loutre (1991) sur les 5 derniers millions d'années.

84

6.3. La précession des équinoxes

Ce paramètre consiste en la rotation de l'axe d’inclinaison de la Terre suivant un cône de précession et une série de périodes allant de 23 716 ans à 18 976 ans (Baro, 2007). Les manifestations sur Terre sont multiples, la plus visible étant le mouvement apparent des étoiles. Aujourd'hui, l'axe de rotation de la Terre pointe vers l'étoile Polaris, mais il pointait vers  Draconis il y a 5 000 ans, vers Vega il y a 13 000 ans, vers  Cygni il y a 16 000 ans, vers Alderamin il y a 20 000 ans, et de nouveau vers Polaris il y a 23 000 ans (données issues de l’application Stellarium) comme aujourd'hui. La précession des équinoxes se traduit également par un décalage dans l'année : i) de la date des apsides, i.e. du périhélie et de l'aphélie, et ii) des dates de changements de saison. Aujourd'hui, le solstice d'été boréal survient le 21 juin et le solstice d'hiver boréal le 21 décembre ; il y a 11 000 ans, un demi cycle de précession plus tôt, les dates de solstices étaient alors inversées (Berger et Loutre, 1991) ; il y a 6 000 ans, un quart de cycle en arrière, les dates de solstices coïncidaient avec les dates actuelles des équinoxes.

Pour comprendre le rôle de la précession des équinoxes sur l'évolution du climat, il faut également prendre en compte l'excentricité orbitale. Les différentes configurations d’ellipse impactent les distances à l’aphélie et au périhélie (Figure 24), i.e. la Terre sera au plus loin du Soleil durant l'été ou autre saison. Ceci se traduira par des saisons plus froides ou plus chaudes en fonction de la configuration orbitale (Figure 24). Selon la seconde loi de Kepler, la vitesse de révolution de la Terre change en fonction de son éloignement, i.e. les saisons auront une durée inégale, engendrant ainsi des différences sur l'énergie incidente reçue sur Terre. Lors d’un minimum d'indice de précession (Figure 24c), l’été boréal (Terre située au périhélie) sera plus court mais plus chaud et l’hiver boréal sera plus long et plus froid. L'excès de chaleur en été sera suffisant pour qu'il y ait plus de glace fondue l’été par rapport à la quantité de glace qui s'accumule pendant l’hiver. A l'inverse, en cas de maximum d’indice de précession (Figure 24b), l’hiver boréal sera plus court et moins froid et l'été boréal (Terre située à l’aphélie) sera plus frais. Le déficit d'énergie estival favorisera l'extension progressive des glaciers saison après saison. Des indices nuls de précession offrent des stades climatiques intermédiaire; la subtilité résidant dans la différence entre un contexte descendant (i.e. l’indice diminue) qui va favoriser un réchauffement climatique (Figure 24d), alors qu’un contexte ascendant (l’indice augmente) favorisera une phase de refroidissement (Figure 24e).

85 Figure 24 Schématisation des différentes configurations orbitales liées à la précession des équinoxes, découpées en saisons selon l'année anomalistique, i.e. en fonction de l’angle entre le nœud vernal et le périhélie. Les données angulaires  de l'argument du périastre sont issues des calculs de Berger et Loutre (1991). a) Configuration actuelle et 4 dernières occurrences de configuration similaire b) configuration pour une maximum d'indice de précession, c) configuration pour un minimum d'indice de précession, d) configuration en cas d'indice nul en contexte descendant, e) configuration en cas d'indice nul en contexte ascendant.

Dans l'hémisphère sud, les configurations qui viennent d’être évoquées sont inversées. De plus, il convient de noter que la prééminence des océans dans l’hémisphère sud va fortement atténuer les contrastes climatiques imposés par les changements orbitaux.

86 Il apparaît donc que la configuration actuelle (Figure 24a), proche du maximum de précession qui a eu lieu il y a 1 000 ans, correspond à une configuration propice à un climat froid. La tendance à la diminution de l'indice de précession qui suggèrerait un réchauffement du climat est largement contrebalancée par : i) la diminution de l'obliquité, le dernier maximum ayant eu lieu il y a 10 000 ans (depuis, l’axe s’est redressée de 0,8°; Berger et Loutre, 1991), et ii) la diminution de l'excentricité depuis 12 000 ans. Ainsi, les conditions orbitales tendent actuellement vers des conditions propices à une entrée en glaciation.