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304 Si la ratification de la Convention de la Haye par la France permettrait de faciliter la réception du trust

Paragraphe 1 La validité des sûretés réelles au regard de la lex contractus et de la lex rei sitae

309. Avant d’examiner la problématique relative à l’opposabilité des sûretés réelles étrangères, il est nécessaire d’examiner préalablement la question relative à la validité d’une sûreté réelle. La validité d’une sûreté est susceptible d’être soumise à plusieurs lois concurrentes, dont : la lex loci actus, loi lieu de conclusion du contrat ; la lex contractus, loi de la source ; et la lex rei sitae, loi de situation du bien514.

310. En France, traditionnellement, la forme du contrat était soumise à la locus regit actum515. Cependant,

les juridictions françaises affirmèrent son caractère facultatif dans l’affaire Chaplin516. Cette dernière

était relative à une cession de droits d’auteurs en France, par un assignment of copyrights soumis aux conditions de forme de la législation fédérale des États-Unis. Une action en nullité fut intentée pour vices de forme517. Les juridictions affirmèrent que la locus regit actum ne s’opposait pas à ce que soient

conclus des contrats internationaux en France sous une forme prévue par une loi étrangère régissant le fond. Ce caractère facultatif fut réaffirmé par le Règlement Rome I518.

311. Les juridictions françaises furent confrontées à la constitution d’une sûreté réelle étrangère sur des biens localisés en France dans l’affaire Castelleretto519. Elles firent la distinction entre l’acquisition, régie

par la lex contractus, et le contenu du droit réel, régi par la lex rei sitae. Cette jurisprudence fut étendue à la constitution conventionnelle de sûretés réelles520. Il est dès lors possible qu’une sûreté réelle

étrangère soit constituée au bénéfice d’un créancier étranger sur des biens localisés en France. Cependant, les sûretés réelles étant presque systématiquement constituées par un contrat solennel dans le cadre de financements internationaux, il serait préjudiciable d’admettre systématiquement que les créanciers puissent se prévaloir du bénéfice de l’application de la lex contractus afin d’éviter les règles impératives et les conditions de validité tenant à sa forme521.

312. C’est alors que la lex contractus et la lex rei sitae viennent se télescoper. Bien que la lex contractus régisse la validité de la forme de l’acte, la lex rei sitae joue un rôle de loi de police sanctionnant la violation de dispositions d’ordre public522. Cette position fut réaffirmée à l’occasion de l’arrêt Ducasse523.

Cette position est similaire lors de l’appréciation de la validité d’une fiducie-sûreté par les juridictions anglo-saxonnes. La Convention de la Haye affirme le principe selon lequel la lex contractus détermine les conditions tenant à la validité de la sûreté réelle étrangère524. Cependant, les dispositions impératives

de la lex rei sitae anglaise permettent également que cette dernière joue le rôle de loi de police525.

514. R. DAMMANN, op. cit., Travaux du Comité français de DIP, 2011, p. 17-54, pt. 19 ; R. DAMMANN et M. SÉNÉCHAL, op. cit., n° 15.

515. P. C. TIMBAL, « La contribution des auteurs et de la pratique coutumière audroit international privé du Moyen Âge », Rev. crit.

DIP 1955, p. 17 » ; R. DAMMANN et M. SÉNÉCHAL, op. cit., n° 151 ; V. BONNET, JCl. Droit international, 26 oct. 2015, n° 21.

516. Cass. civ., 28 mai 1963, Chaplin : JCP 1963, II, 13347, note P. MALAURIE ; Rev. crit. DIP 1964, p. 513, note Y. LOUSSOUARN ; JDI

1963, p. 1004, note G. GOLDMAN.

517. R. DAMMANN et M. SÉNÉCHAL, op. cit., n° 151

518. Règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations

contractuelles (Rome I), art. 11, § 1 et 2.

519. Cass. 1ère civ., 21 juill. 1987, n° 85-16.098 : Rev. crit. DIP 1988, p. 699, note J. HERON ; D. 1988, somm. p. 345, obs. B. AUDIT ; R.

DAMMANN et M. SÉNÉCHAL, op. cit., n° 156.

520. M.-E. ANCEL, « Sûretés réelles en droit international privé », n° 290-41 ; R. DAMMANN et M. SÉNÉCHAL, op. cit., n° 156.

521. B. AUDIT et L. D’AVOUT, « Droit international privé », Economica, 7ème éd., 2013, n° 242 ; R. DAMMANN, op. cit., Travaux du Comité

français de DIP, 2011, p. 17-54, pt. 21.

522. R. DAMMANN, op. cit., Travaux du Comité français de DIP, 2011, p. 17-54, pt. 21.

523. Cass. 1ère civ., 3 fév. 2010, n° 08-19293 : D. 2010, p. 443, obs. I. GALLMEISTER ; JCP G 2010, 284, note L. D’AVOUT ; Rev. crit. DIP

2010, p. 485, note C. COHEN ; Dr. et part. juill./août 2010, p. 38, note M. ATTAL ; R. DAMMANN et M. SÉNÉCHAL, op. cit., n° 155.

V. égal. Cass. req., 24 mai 1933 : S. 1935, 1, 257, note H. BATTIFOL.

524. Convention du 1er juillet 1985 relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance [30], art. 6, 7 et 8.

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Paragraphe 2 : L’opposabilité de la fiducie-sûreté et du trust conditionnée par la lex rei sitae

313. L’opposabilité d’un trust et d’une fiducie-sûreté soulève deux problématiques principales. La première est relative à leur opposabilité aux procédure transfrontalières. Cette dernière est régie par la lex fori

concursus526. L’étude antérieure de la notion des droits in rem et de la localisation des actifs permet de

déterminer le périmètre de la procédure susceptible d’appréhender les actifs transférés. Dès lors, il conviendra d’examiner la problématique relative à l’opposabilité aux tiers des mécanismes.

314. L’opposabilité aux tiers d’un transfert de propriété effectué à titre de garantie est d’une importance cruciale527. En France, la problématique de l’opposabilité aux tiers d’un trust anglo-saxon sera

traditionnellement régie par la lex rei sitae528. Elle détient une compétence générale pour l’ensemble

des droits réels529. La constitution d’une fiducie-sûreté impliquant la constitution d’un droit réel

accessoire, la doctrine est unanime sur le fait qu’ils relèvent de la loi de la situation du bien transféré530.

L’extension de cette règle, par une bilatéralisation de la règle de conflit531, permet d’énoncer que la lex rei sitae est compétente pour régir la propriété et tous les droits réels portant à la fois sur des biens

immobiliers, mais également sur des biens corporels. En effet, les affaires Kantoor de Mas, DIAC et

Nerderlandsche Middenstands532 permirent aux juridictions françaises de développer une interprétation

extensive de la règle de conflit énoncée dans le Code civil533. Ainsi dans l’affaire Nerderlandsche Middenstands, elles ont écarté la lex contractus choisie par les parties dans le cadre d’une cession de

biens à titre de garantie en estimant que la lex rei sitae française régissait les droits réels dont sont l’objet des biens meubles situés en France. Bien qu’une partie de la doctrine propose de retenir comme règle de rattachement la loi d’autonomie, comme loi de la source, en attribuant à la lex rei sitae un rôle de loi de police534, la solution consistant à retenir la lex rei sitae s’applique toujours aux sûretés réelles.

315. S’agissant de l’opposabilité d’une fiducie-sûreté française en Angleterre, un créancier anglais pourrait opposer l’exception de la Convention de la Haye relative aux dispositions impératives de la lex rei sitae anglaise535. Cette dernière permettrait de faire échec à l’efficacité de la fiducie-sûreté française face à

une procédure transfrontalière anglaise. En effet, si les actifs transférés à titre de garantie sont des biens meubles corporels localisés en Angleterre, elle serait soumise, comme un chattel mortgage, aux obligations tenant à sa publicité dans le registre central anglais, la Companies House536.

526. Règl. (UE) 2015/848, op. cit., art. 7, § 2, h).

527. V. pour une étude détaillée P. LAGARDE, « Sur la loi applicable au transfert de propriété. Requiem critique pour une convention

morte née », Mélanges Droz, p. 151. V. égal. F. DANOS, « Propriété, possession et opposabilité », th. Panthéon-Assas Paris II,

préf. L. AYNÈS. V. égal.D. EL RAJAB, « L’opposabilité des droits contractuels. Étude de droit comparé français et libanais », th.

Panthéon-Assas Paris II, sous la direction du Professeur C. BRENNER.

528. R. DAMMANN et M. SÉNÉCHAL, op. cit., n° 157 ; R. DAMMANN, « Fiducie-sûreté et conflit de lois », Travaux du Comité français de

DIP, éd. Pedone, 2011, 19-20, p. 17-54, pt. 24 à 25.

529. V. BONNET, « Biens », JCl. Droit international, 26 oct. 2015, n° 56 ; Cass. civ., 14 mars 1837, Stewart c/ Marteau : DP 1837, 1, p.

275 ; S. 1837, 1, p. 195 ; C. civ., art. 3.

530. R. DAMMANN et M. SÉNÉCHAL, op. cit., n° 158.

531. V. BONNET, op. cit., n° 14 à 17.

532. Cass. req., 24 mai 1933 : S. 1935, 1, p. 257, note H. BATIFFOL. V. égal. Cass. 1ère civ., 8 juill. 1969 : JCP G 1970, II, 16182, note H.

GAUDEMET-TALLON ; JDI 1970, p. 916, note J. DERUPPE ; Rev. crit. DIP 1971, p. 75, note P. FOUCHARD ; B. ANCEL et Y. LEQUETTE,

« Les grands arrêts de la jurisprudence française de droit international privé », 5ème éd., 2006, n° 48.V. égal.Cass. 1ère civ., 3

mai 1973 : Rev. crit. DIP 1974, 100, note E. METZGER ; R. DAMMANN et M. SÉNÉCHAL, op. cit., n° 159.

533. C. civ., art. 3, al. 2.

534. G. KHAIRALLAH, « Les sûretés mobilières en droit international privé », th., Economica, 1984, préf. H. BATIFFOL et H. GAUDEMET-

TALLON ; R. DAMMANN et M. SÉNÉCHAL, op. cit., n° 160 ; R. DAMMANN, op. cit., Travaux du Comité français de DIP, éd. Pedone,

2011, 19-20, p. 17-54, pt. 30 et 32 ; V. BONNET, op. cit., n° 32 et 33.

535. Convention du 1er juillet 1985 relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance [30], art. 16 et 18.

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