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29 recommandations du représentant du ministère public, qui soutenait que le Règlement n’avait vocation

2. La consécration du faisceau d’indices français par les affaires Eurofood et Interedil

80. La CJUE posa, par les affaires Eurofood164 et Interedil165, les fondements de principes relatifs aux

modalités d’appréciation de localisation du COMI lors de la détermination de la compétence juridictionnelle pour l’ouverture d’une procédure transfrontalière à l’encontre d’un groupe de sociétés166. Elle consacra par ailleurs la méthode adoptée par les juridictions françaises tenant à

l’appréciation du COMI basée sur un faisceau d’indices objectifs vérifiables par les tiers.

81. En l’espèce, Eurofood était une société en commandite par actions, ayant son siège statutaire immatriculé en Irlande. Elle constituait une société dite « boite aux lettres », détenue intégralement par le groupe italien Parlamat SpA. À la suite de la faillite du groupe, qui entraîna par capillarité celle de la société Eurofood167, deux procédures d’insolvabilité principales concurrentes furent ouvertes en Italie

et en Irlande. Afin de trancher la question préjudicielle tenant à la détermination de la localisation du COMI, la CJUE consacra la portée normative de la notion du COMI, telle qu’érigée par le Règlement 1346/2000. Elle souligna, d’une part, sa nécessaire détermination objective, telle que retenue par les juridictions françaises dans l’affaire EMTEC168, et, d’autre part, la prise en compte du caractère subjectif

tenant à l’appréciation des tiers de ladite localisation du COMI. Elle consacra, par ailleurs, l’autonomie et l’uniformité de ladite notion lors de son appréhension par les juridictions nationales169, et énonça la

méthodologie tenant aux modalités du renversement de la présomption de localisation dudit critère. 82. Appliqué en l’espèce à une société boite aux lettres dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité

ouverte à l’égard d’un groupe de sociétés transfrontalier, le seul critère d’organisation interne et de contrôle ne pouvait suffire à renverser ladite présomption. La CJUE énonça qu’il était, de ce fait, nécessaire de renverser ladite présomption par le biais d’éléments objectifs et vérifiables par les tiers, afin d’établir le fait que la localisation du siège statutaire ne reflétait pas la réalité de l’activité économique de la société, confirmant ainsi la jurisprudence française EMTEC.

83. Cette position de la juridiction européenne fut réitérée à l’occasion de l’arrêt Interedil, affaire à l’origine de la refonte du Règlement 1346/2000 relatif aux procédures d’insolvabilité communautaires. En l’espèce, Interedil, société à responsabilité limitée de droit italien, transféra son siège statutaire à Londres, aux fins d’une opération consistant à son acquisition par le groupe Canopus. Une procédure de faillite italienne, procédure d’insolvabilité principale en vertu du Règlement 1346/2000, fut ouverte à l’encontre de ladite société, qui contesta la compétence des juridictions italiennes au motif que son COMI devait être localisé au Royaume-Uni. La juridiction italienne, contestant l’exception d’incompétence soulevée par la société Interedil, décida de surseoir à statuer.

84. La CJUE, à l’occasion des demandes préjudicielles relatives à la détermination de la compétence juridictionnelle pour l’ouverture de la procédure principale, rappela le principe d’autonomie, d’uniformité et d’indépendance du COMI à l’égard des législations nationales, affirmé antérieurement par l’arrêt Eurofood. Afin de déterminer la compétence juridictionnelle pour l’ouverture de la procédure

164. V. infra, réf. n° 152.

165. V. infra, réf. n° 153.

166. M.-H. MONSÈRIÉ-BON, « SAUVEGARDE, REDRESSEMENT ET LIQUIDATIONS JUDICIAIRES. – Procédures d’insolvabilité. – Règlement (CE)

n °1346/2000 du 29 mai 2000 et règlement (UE) 2015/848 du 20 mai 2015. – Compétence et effets des jugements » JCl. Procédures collectives, Fasc. 3125, 15 mars 2019, § 36 et 39.

167. R. DAMMANN, op. cit., D. 2006, p. 1752.

168. V. infra, réf. n° 151.

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principale dirigée à l’encontre de la société Interedil, la CJUE procéda à l’élaboration d’une méthodologie visant à expliciter les modalités du renversement de la présomption du COMI.

85. Rappelant la nécessité de déterminer ladite localisation par l’examen d’un faisceau d’indices objectifs et vérifiables par les tiers, et reprenant ainsi le raisonnement développé par les juridictions françaises dans l’affaire EMTEC, la CJUE énonça dans un premier temps, que si la direction et la gestion d’une société étaient assurées, de manière objective et vérifiables par les tiers, au lieu du siège statutaire, la présomption du Règlement 1346/2000 ne pouvait se voir renversée. Ainsi, la CJUE souligna l’attachement du législateur européen de lier la notion du COMI au lieu d’administration centrale de la société, du fait qu’il constitue le lieu de gestion de ses intérêts, et justifie la compétence d’une juridiction nationale pour l’ouverture d’une procédure principale170.

86. En l’espèce, l’administration et la gestion de la société ne se trouvant pas au lieu du siège statutaire de la société, la simple présence d’actifs et l’existence de contrats relatifs à leur exploitation financière dans un autre État membre ne pouvaient être considérés comme des éléments suffisamment probants pour renverser ladite présomption. Cependant, elle admit que la seule justification pouvant donner lieu au renversement de ladite présomption serait celle tenant à une appréciation globale d’un ensemble d’éléments objectifs pertinents vérifiables par les tiers171, permettant d’établir que le centre effectif de

direction et de contrôle de ladite société, ainsi que de la gestion de ses intérêts, serait situé dans cet autre État membre. La CJUE s’aligna dès lors sur la méthode préconisée par les juridictions françaises en invitant les juridictions nationales à privilégier une appréciation globale, et à procéder à une pondération desdits critères afin de déterminer le véritable centre de gravité du groupe de sociétés172.

87. Le rayonnement de la jurisprudence européenne ne se fit guère attendre. En effet, les affaires Eurofood et Interedil de la CJUE, inspirées très largement des jurisprudences françaises et anglo-saxonnes, furent transposées en droit constant lors de l’élaboration du Règlement Insolvabilité. La rivalité des juridictions nationales tenant, d’une part, à la localisation du COMI, modalité de détermination de la compétence juridictionnelle pour l’ouverture d’une procédure principale, et d’autre part, à la désignation de la lex

fori concursus principalis, permit aux juridictions nationales d’élaborer, dans le silence du Règlement

1346/2000, des méthodes d’appréciation efficace de localisation du COMI, notamment en matière d’insolvabilité de groupes de sociétés transfrontaliers.

88. Cependant, l’appréciation extensive du COMI développée par les juridictions nationales s’apprécie comme un véritable facteur de renforcement du risque de diminution de la protection conférée aux créanciers titulaires de sûretés réelles étrangères. La volonté de regrouper systématiquement, sous la houlette d’une seule juridiction, les procédures principales ouvertes à l’encontre des membres d’un groupe de sociétés, incitèrent les institutions communautaires à encadrer l’approche pragmatique développées par les juridictions nationales aux fins d’un traitement global des restructurations173. En

effet, le tempérament du risque d’intrusion d’une lex fori concursus étrangère se révélait nécessaire afin de pallier au manque de sécurité et de prévisibilité juridique, généré par le phénomène de profusion des procédures principales exclusivement extraterritoriales, à l’égard des créanciers et des tiers.

170. R. DAMMANN et M. SÉNÉCHAL, op. cit., n° 352. CJUE, grande chambre, 2 mai 2006, aff. C-341/04, Eurofood IFSC Ltd.,

ECLI:EU:C:2006:281, concl. AG Francis G JACOBS, 27 sept. 2005, pt. 69.

171. J.-L. VALLENS, « Transfert du siège statutaire et transfert du centre des intérêts principaux », D. 2011, p. 2915 ; CJUE, grande

chambre, 2 mai 2006, aff. C-341/04, Eurofood IFSC Ltd., ECLI:EU:C:2006:281, concl. AG Francis G JACOBS, 27 sept. 2005, pt. 70

172. R. DAMMANN et M. SÉNÉCHAL, op. cit., n° 358.

173. L. SAUTONIE-LAGUIONIE et C. LISANTI, op. cit., Collection Trans Europe Experts, Volume 12, Société de législation comparée, 2015 :

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