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Afin de valider le contrôle proposé permettant de distinguer l’interaction “frotter” de l’interaction “gratter”, un test perceptif sur des sons de synthèse a été mis en place. Le but est d’étudier l’influence du paramètre d, contrôlant la densité temporelle d’im- pacts, sur la perception des interactions “frotter” ou “gratter”.

C.2.1 Sujets

Trente-cinq participants ont passé l’expérience : 9 femmes, 26 hommes, moyenne d’âge de 30 ans (écart type : 12 ans). Six d’entre eux avaient déjà participé à l’expé- rience précédente sur les sons enregistrés. Aucun d’entre eux n’avait eu connaissance des stimuli avant l’expérience ni ne présentait de troubles auditifs.

C.2.2 Stimuli

Trente-et-un sons ont été synthétisés avec différentes densités temporelles d’impacts (d∈ [0.001,1], valeurs espacées logarithmiquement) grâce au modèle présenté précé- demment. Un profil de vitesse enregistré à partir d’un geste réel (un trait rapide) sur une tablette graphique (cf figure III.7) a été utilisé pour contrôler la vitesse du geste dans le modèle (et donc la fréquence de coupure du filtre passe-bas). Pour ajouter du naturel aux stimuli, tous ont été convolués à une réponse impulsionnelle, évoquant un matériau dur type pierre, généré par le synthétiseur de sons d’impacts proposé par Aramaki et al. (2009b)(]).

C - CONTRÔLE PERCEPTIF DES ACTIONS“FROTTER”ET“GRATTER” 63

FIGUREIII.7 – Profil de vitesse utilisé pour générer les stimuli.

C.2.3 Protocole

Un protocole de catégorisation à deux choix forcés a été choisi pour évaluer la perti- nence du contrôle proposé. Avant que la session ne commence, chaque sujet entendait deux des stimuli du test (d = 0.0073 et d = 0.91), présentés dans un ordre aléatoire, afin de les familiariser avec le type de sons utilisés. Durant le test, les 31 stimuli ont été présentés dans un ordre aléatoire. Les participants pouvaient écouter 2 fois chaque stimulus, puis devaient l’associer à l’une des deux catégories proposées, “frotter” ou “gratter”.

C.2.4 Résultats

Les résultats du test sont présentés sur la figure III.8 (figure du haut). Les résultats présentant une forme de sigmoïde, on peut les modéliser par une fonction logistique de la forme :

y=a+ b

1+e−(dc)·g (III.3)

où y est la probabilité de catégoriser le son dans l’interaction gratter, d la densité d’im- pacts, a l’asymptote basse, b la différence entre l’asymptote basse et l’asymptote haute, c la valeur de la densité d’impacts lorsque la sigmoïde atteint la moitié de son maximum et g la pente au point d’inflexion. Les paramètres ont été ajustés au sens des moindres carrés et sont résumés dans le tableau III.1. Ce type de modélisation a déjà été utilisé par exemple pour la catégorisation du matériau perçu dans des sons d’impacts pour des continua entre différents matériaux (Aramaki et al., 2011; Micoulaud-Franchi et al., 2011).

C.2.5 Discussion

Les résultats du test perceptif montrent que la variation de la densité temporelle d’impacts permet effectivement de contrôler l’interaction perçue, i.e. “frotter” ou “grat- ter”. Pour des valeurs de d > 0.1 (i.e. pour un intervalle temporel moyen entre deux impacts successifs inférieur à 0.2 ms), les stimuli sont unanimement classifiés comme évoquant l’interaction frotter. Pour des valeurs de d < 0.01 (i.e. pour un intervalle temporel moyen entre deux impacts successifs supérieur à 2 ms), les stimuli sont una- nimement classifiés comme évoquant l’interaction gratter. Pour un intervalle temporel moyen entre deux impacts successifs compris entre 0.2 ms et 2 ms, la perception est

64 CHAPITREIII - EXTENSION DUMODÈLE À D’AUTRESINTERACTIONS ET

STRATÉGIE DECONTRÔLE DUSYNTHÉTISEUR

10−3 10−2 10−1 100 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% Pourcentage d’association à gratter

Densité d’impacts (échelle log)

10−3 10−2 10−1 100 1 1.05 1.1 1.15 1.2 1.25 1.3 1.35 1.4

Densité d’impacts (échelle log)

Nombre moyen d’écoutes

FIGURE III.8 – Haut : Résultats du test perceptif de catégorisation des sons de syn-

thèse. En abscisse, la densité d’impacts sur un échelle logarithmique (unité temporelle : l’intervalle d’échantillonnage à 44100 Hz), en ordonnée le pourcentage d’association à l’interaction gratter. Les points représentent le pourcentage d’association à l’interaction gratter moyenné sur les sujets. La courbe représente la fonction sigmoïde estimée. Bas : Nombre moyen d’écoutes de chaque stimulus du test.

TABLEIII.1 – Résultats de la régression de la sigmoïde pour le test de catégorisation des sons de synthèse. Pour chaque coefficient sont données la valeur (colonne 1), l’erreur- type (colonne 2), la statistique du test t par rapport à 0 (colonne 3) et la significativité p du t-test (colonne 4). estim. err. t p a 0.01 0.02 0.91 0.37 b 1.09 0.07 15.33 <10−3 c 0.03 0.002 12.28 <10−3 g −86.42 14.74 −5.86 <10−3

D - MODÈLE GÉNÉRIQUE DE SONS D’INTERACTIONS CONTINUES 65

plus ambiguë. Cette ambiguité perceptive se traduit par un nombre moyen d’écoute plus élevé pour ces stimuli (bas de la figure III.8).

Si on fait l’hypothèse que les auditeurs se basent sur le fait d’entendre des impacts plutôt distincts pour inférer que l’interaction est gratter, et inversement sur le fait d’en- tendre plutôt un son continu pour inférer que l’interaction est frotter, ces résultats sont cohérents avec la littérature sur la résolution auditive temporelle permettant de détec- ter des silences dans des signaux continus. En effet, les durées des silences nécessaires pour être détectables varient entre 2 ms et 20 ms selon le niveau et les propriétés spec- trales des signaux (Verhey, 2010). Nos résultats sont néanmoins difficiles à comparer avec des études précises de la littérature étant donnée la complexité des stimuli utilisés pour notre test (convolution avec une réponse impulsionnelle du train d’impulsions, trains d’impulsions aléatoires, propriétés spectrales variables au cours du temps du fait de la fréquence de coupure variable du passe-bas...). Cependant, étant donnée la proximité des valeurs de densités temporelles d’impacts pour percevoir l’interaction gratter révélées par le test avec les résultats de la littérature, on peut supposer à juste titre qu’un des mécanismes cognitifs permettant de distinguer frottement et grattement est basé sur la résolution temporelle nécessaire pour distinguer des silences dans des signaux continus.

D

Modèle générique de sons d’interactions continues

Les résultats présentés jusqu’ici ont permis de montrer que les interactions “frot- ter”, “gratter” ainsi que “rouler” (cf chapitre II) sont régies par des statistiques parti- culières d’une suite d’impacts sur un objet résonant. En se basant sur des tests percep- tifs ainsi qu’un modèle phénoménologique, on a montré qu’un contrôle de la densité temporelle d’impacts permet de distinguer les interactions frotter et gratter. En intro- duisant une structure plus particulière aux statistiques de ces séries d’impacts, i.e. des corrélations entre impacts ainsi qu’une durée particulière de ces impacts en fonction de leur amplitude, on reproduit la morphologie sonore responsable de la perception du roulement.

Il est donc possible de proposer un modèle génératif unique pour ces 3 interactions à partir de la formulation de la partie source f du modèle source-filtre, posée dans le chapitre II (équation (II.5)) :

f(t) =

n

Anφn(t−Tn) (III.4)

La figure III.9 résume le processus de synthèse du terme source de notre modèle. Dans le cas des interaction frotter et gratter, la mesure des statistiques à imposer à la série d’impacts pour permettre l’évocation de l’une ou l’autre des interactions a été effectuée grâce aux tests perceptifs précédents ainsi que des observations empiriques sur des signaux enregistrés, tandis que pour l’interaction rouler, ces statistiques proviennent d’une analyse formelle d’un modèle physique. Dans cette partie, on récapitulera les différents paramètres de synthèse, puis on décrira les morphologies du signal source typiques de chaque interaction.