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3 Développement et validation de la technique IBB-CEAS sur la CSA

3.5 Validation de la mesure du radical nitrate

La validation finale de la mesure du radical NO3 par la technique IBB-CEAS a consisté en : - la réalisation d’une expérience d’intercomparaison avec une autre technique d’analyse, - la détermination absolue de la constante de vitesse d’une réaction bien connue avec la

concentration de NO3 mesurée par la technique IBB-CEAS. 3.5.1 Expérience d’intercomparaison

L’expérience d’intercomparaison a consisté à mesurer la concentration du radical NO3 par la technique IBB-CEAS et à la comparer à celle déterminée de façon indirecte à partir des mesures de concentrations de NO2 et de N2O5 par IRTF.

Concrètement, plusieurs injections de N2O5 ont été réalisées dans la CSA. L’IBB-CEAS a permis la mesure des concentrations de NO2 et de NO3 (avec un pas de temps de 30 secondes) tandis que l’IRTF fournit une mesure des concentrations de NO2 et de N2O5(avec un pas de temps de 2 minutes). Soit l’équilibre suivant entre ces trois espèces :

𝑁𝑂2+ 𝑁𝑂3+ 𝑀𝑘→ 𝑁1 2𝑂5+ 𝑀 (R41) 𝑁2𝑂5+ 𝑀𝑘→ 𝑁𝑂2 2+ 𝑁𝑂3+ 𝑀 (R42)

On peut alors calculer la concentration de NO3 à l’équilibre avec NO2 et N2O5 (mesurés par IRTF) et la comparer à la valeur mesurée par l’IBB-CEAS. La constante d’équilibre (𝐾 = 𝑘1/𝑘2) étant très dépendante de la température et de la pression, celles-ci ont été mesurées précisément au cours de l’expérience. A 298 K et 1030 mbar, la valeur de la constante d’équilibre est de 2,17x10-11 s-1 (Atkinson et al. 2004).

Il est important de noter que cette méthode, qui est basée sur l’instauration de l’équilibre entre NO3, NO2 et N2O5, ne peut être employée dans le cas où d’autres réactions rapides (des réactions COVB+NO3 par exemple) viennent perturber l’équilibre. Dans ce cas, l’hypothèse qui consiste à considérer que l’équilibre est atteint n’est alors plus valide.

Les profils temporels de NO3 et NO2 obtenus par les deux techniques, ainsi que le profil de N2O5 mesuré par l’IRTF sont présentés dans la Figure 52.

Figure 52 : Profils temporels de NO2, NO3 et N2O5 mesurés durant l’expérience d’intercomparaison. La zone grisée représente la période d’utilisation des ventilateurs.

La concentration en NO2 mesurée par les deux techniques de mesure est en très bon accord tout au long de l’expérience, mis à part au moment de l’injection, où la mesure par la voie IRTF est légèrement perturbée par le système d’homogénéisation (qui a ensuite été arrêté).

Pour le radical NO3, la concentration mesurée par la voie IBB-CEAS et celle obtenue indirectement par l’IRTF sont également en très bon accord, présentant un écart constant d’environ 4% (en dehors de la période d’homogénéisation). La technique fournit donc des concentrations de NO3 très bonnes et cohérentes, même à des niveaux de concentration bas, puisque l’expérience a été conduite jusqu’à une concentration minimale de 10 ppt. Ceci valide les mesures de l’IBB-CEAS et montre que la technique est capable de suivre précisément les profils temporels de NO2 et surtout de NO3, à de faibles niveaux de concentration et à une bonne résolution temporelle.

L’accord trouvé entre les deux techniques est d’autant plus satisfaisant que leurs trajets optiques sont orthogonaux et qu’il y a donc un risque qu’elles n’échantillonnent pas exactement le même mélange : l’IRTF fournit une mesure intégrée sur toute la longueur de la chambre, alors que l’IBB-CEAS fournit une concentration plus locale, entre les deux miroirs transversaux. Cela permet aussi de confirmer de plus la bonne homogénéisation du mélange gazeux dans la chambre.

Ces niveaux mesurés sont donc en accord avec les objectifs fixés au préalable de l’installation, c’est-à-dire la mesure de concentrations en radical nitrate de l’ordre d’une dizaine de ppt. L’étape finale de la validation de la technique a été de vérifier si la technique permet une détermination cohérente d’une constante de vitesse. Pour cela, une expérience de cinétique absolue a été réalisée pour un système chimique bien connu.

3.5.2 Etude de cinétique du trans-2-butène

La dernière étape de la validation de la technique IBB-CEAS a consisté à mesurer la constante de vitesse d’une réaction bien connue. Le choix du composé s’est porté sur le trans-2-butène qui réagit relativement vite avec le radical nitrate et qui a fait l’objet de nombreuses déterminations. Différentes expériences ont été réalisées en faisant varier les concentrations des réactifs, à savoir N2O5 (précurseur de NO3) et le trans-2-butène. Dans certaines expériences, plusieurs injections consécutives de N2O5 ont été faites. Nous avons également ajouté du NO2 dans certaines d’entre elles, ce qui permet, d’une part, de faire une mesure de la réflectivité juste avant l’expérience, et d’autre part, de ralentir la vitesse de la réaction en déplaçant l’équilibre de dissociation de N2O5. Dans les expériences montrées sans concentrations initiales de NO2, la réflectivité a tout de même été réalisée le jour-même dans le cadre d’autres expériences. Les concentrations initiales de réactifs utilisées pour chaque expérience sont présentées dans le Tableau 11.

Tableau 11 : Concentrations initiales des réactifs pour les expériences de cinétique absolue du trans-2-butène. Exp. [NO2]i [N2O5]i [trans-2-butène]i

1 / 2500 ppb 1920 ppb 2 / 300 ppb x2 ; 150 ppb x2 750 ppb 3 920 ppb 1000 ppb x 3 990 ppb 4 950 ppb 1500 ppb x 2 1110 ppb 5 750 ppb 300 x 3 1110ppb 6 / 300 x 3 1030 ppb

Les expériences ont été conduites dans de l’air sec et à des températures comprises entre 292 et 294 K. Les spectres ont été enregistrés pendant 30 secondes pour la voie IBB-CEAS et pendant 2 minutes pour la voie IRTF. La Figure 53 montre les profils de concentration obtenus pour les espèces impliquées dans la réaction.

Figure 53 : Profils temporels de NO3 et NO2 mesurés par l’IBB-CEAS et de N2O5 et du trans-2-butène mesurés par l’IRTF lors de l’expérience 1. La zone rouge représente l’injection de N2O5.

Dès l’injection de N2O5, on observe une décroissance rapide, à la fois du COV et du radical nitrate, ainsi qu’une production très importante de NO2 due à la dissociation de N2O5. Les profils temporels des concentrations de NO3 et du trans-2-butène ont permis la détermination absolue de la constante de vitesse. Pour cela, la consommation du COV (-[COV]) a été tracée en fonction du produit [COV]x[NO3]x∆t. Les résultats des différentes expériences sont présentés dans la Figure 54.

Figure 54 : A gauche, droite de cinétique absolue du trans-2-butène, représentant la perte du COV en fonction du produit [COV]x[NO3]x∆t. A droite, agrandissement des points près de l’origine.

On constate que les différentes expériences sont en très bon accord entre elles. La régression linéaire a été effectuée sur l’ensemble des points expérimentaux et la pente de la droite correspond à la constante de vitesse. La valeur de l’ordonnée à l’origine étant inférieure à son incertitude (estimée à 2,4x1011 molécule.cm-3), nous pouvons en déduire que la droite passe bien par zéro. L’incertitude sur la constante de vitesse a été obtenue en prenant deux fois l’écart-type sur la pente. La valeur obtenue est de (4,13±0,45) × 10-13 cm3.molecule-1.s-1. Cette valeur a été comparée à celles fournies par la littérature et présentées dans le Tableau 12.

Tableau 12 : Comparaison de la constante de vitesse de la réaction entre le trans-2-butène et NO3 obtenue par ce travail avec celles fournies par la littérature.

k (cm3.molécule-1.s-1) T (K) Technique* Référence

(4,13±0,45) × 10-13 (3,90±0,78)×10-13 (∆logk=±0,08) (3,78±0,17) × 10-13 (3,74±0,45) ×10-13 (4,06±0,36) ×10-13 (3,88±0,30) ×10-13 (3,96±0,48) ×10-13 (3,78±0,17) ×10-13 (3,09±0,27) ×10-13 (2,31±0,17) ×10-13 293 298 298 298 298 298 298 298 298 300 (N2O5/CEAS) recommandation (CA/CEAS) (CA/LIF) (CA/LIF) (CA/MS) (CA/LIF) (CA/LIF) (CR**) (CR**) Cette étude IUPAC (Kasyutich et al. 2002) (Berndt et al. 1998) (Rudich et al. 1996) (Th. Benter et al. 1992) (Dlugokencky and Howard 1989) (Ravishankara and Mauldin 1985)

(Atkinson et al. 1984) (Japar and Niki 1975)

*La technique indique la méthode de cinétique utilisée (CA = cinétique absolue ; CR = cinétique relative) et la technique de mesure de NO3 utilisée : CEAS, LIF (Laser-Induced Fluorescence) ou MS (spectrométrie de masse).

La valeur obtenue par ce travail est en très bon accord avec les déterminations antérieures basées sur une détermination absolue de la constante de vitesse. En effet, aux incertitudes près, les constantes de vitesse sont en très bon accord avec la valeur déterminée par cette étude, malgré l’utilisation de techniques de mesures différentes. La méthodologie utilisée dans le cadre des expériences de cinétiques relatives est critiquable. En effet, la concentration de NO3 a été obtenue en faisant l’hypothèse de l’équilibre NO3/NO2/N2O5, alors que celui-ci est attendu pour être perturbé par la réaction avec le COV. On constate ainsi que les déterminations relatives sont significativement plus basses, et ne pas en accord avec les autres déterminations.

Une étude avait déjà permis la mesure de la constante de vitesse du trans-2-butène avec le radical nitrate dans le cadre d’un développement d’une voie CEAS (Kasyutich et al. 2002). Celle-ci, qui était une voie de mesure ex-situ, a permis la mesure d’une valeur 8% inférieure à celle fournie ici, ce qui est très satisfaisant.

Ces très faibles écarts montrent que la détermination de la constante cinétique par l’utilisation du nouvel instrument IBB-CEAS est correcte. La technique qui a donc été installée sur la CSA permet la mesure la mesure fiable de faibles concentrations de radical nitrate et la détermination absolue des constantes de vitesse. La technique est donc fonctionnelle et a été utilisée pour effectuer les études cinétiques des COVB étudiés.