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1 Contexte scientifique

1.2 Le radical nitrate NO 3

1.2.2 Répartition géographique, profils verticaux et temporels

1.2.2.1 Profils temporels

Les sources et les puits présentés précédemment impliquent une variabilité des concentrations basée sur plusieurs facteurs. Dans un premier temps, la variabilité la plus évidente du radical nitrate est la variabilité temporelle. Sa photolyse rapide implique des cycles diurnes très marqués : sa concentration est maximale pendant la nuit et minimale pendant la journée. Cela provient aussi de la variabilité des concentrations en NO et O3. En journée, la conversion de NO2 en NO et la production d’ozone sont maximales. Malgré une production continue du radical NO3 par la réaction entre NO2 et O3, les puits sont très efficaces et la concentration du radical nitrate est donc très faible.

A la tombée de la nuit, la photolyse s’arrête et l’émission de NO est généralement beaucoup plus faible. Les puits sont donc beaucoup moins actifs qu’en journée et la concentration de NO3

augmente. La Figure 7 montre des profils typiques de concentration du radical nitrate et des principales espèces auxquelles il est lié.

Figure 7 : Concentration du radical NO3 (en haut), de O3 et Ox (O3+NO2) (au milieu), et NO2 (en bas) mesurées par la technique DOAS du 30 août au 2 septembre 2000 dans une atmosphère polluée (Aéroport de La Porte, Texas). La fréquence de photolyse de NO3 a également été mesurée (voir figure du haut) et les concentrations de NO ont été calculées (voir figure du bas). Les périodes hachurées correspondent aux périodes de nuit et la limite de détection de NO3

est indiquée en rouge (d’après Geyer et al. 2003).

On observe une anti-corrélation très marquée entre la concentration du radical NO3 et la fréquence de photolyse et la concentration en monoxyde d’azote. Pendant la journée, la photolyse et la concentration de NO sont élevées et conduisent à des concentrations très faibles de NO3. A l’inverse, la nuit, l’intensité des puits de NO3 diminue fortement et ce dernier peut s’accumuler. Dans l’exemple présenté ici, ses concentrations atteignent plusieurs dizaines de ppt. On peut aussi observer que les concentrations de NO2 et d’O3 ne sont jamais nulles, ce qui confirme la production permanente de NO3.

Il existe également une variabilité saisonnière des concentrations du radical nitrate. Plusieurs études, réalisées sur de longues périodes (jusqu’à deux ans), ont permis de mettre en évidence des concentrations maximales en été et au printemps et minimales en hiver et à l’automne (Heintz et al. 1996; Geyer 2001; Vrekoussis et al. 2007; Khan 2008; Asaf et al. 2010). Ces variations s’expliquent principalement par les niveaux d’humidité relative, en moyenne plus élevés lors des périodes froides, qui favorisent l’hydrolyse de N2O5. D’autres puits présentent également une variabilité saisonnière : en été et au printemps, l’activité biologique et l’important ensoleillement favorisent les pertes par les réactions avec NO et les COV.

1.2.2.2 Profils verticaux

L’hydrolyse de N2O5 sur les surfaces est un puit très efficace du radical NO3 et conduit de fait, à une variabilité verticale importante de ses concentrations. De plus, la nuit, en raison de l’inversion de température nocturne, la troposphère se stratifie pour former la NBL et la couche résiduelle. La NBL est directement impactée par les émissions nocturnes au niveau du sol tandis que la composition de la couche résiduelle est représentative de la journée précédente. Ainsi, au niveau du sol, la concentration de NO3 sera faible, en raison de l’hydrolyse de N2O5, bien plus efficace à cette altitude du fait de la présence importante de surfaces et des émissions de NO. En s’éloignant de ces surfaces, plus haut dans la NBL, la concentration du radical NO3 augmente : la stratification intrinsèque de la NBL implique que ses puits émis ou présents au sol présentent aussi un profil vertical. Au sommet de la NBL, l’accumulation de NO3 est la plus efficace. Enfin, plus haut dans la couche résiduelle, la concentration de NO3 diminue lentement en raison d’une formation plus limitée liée à des faibles concentrations de NO2 à cette altitude.

Figure 8 : A gauche, profils verticaux des concentrations de NO3 et N2O5 (axe du bas) et température potentielle (axe du haut) en fonction de l’altitude par rapport au sol. La concentration de NO3 a été multipliée par 10 pour figurer sur la même échelle que N2O5. Au centre, les profils verticaux de NO2 et d’O3 en fonction de l’altitude. La zone jaune indique la NBL et la zone blanche la couche résiduelle, d’après le profil de droite (d’après Brown et al. 2007).

A titre d’exemple, la Figure 8 montre ce profil particulier observé par Brown et al. 2007. On observe que la concentration de NO3 augmente progressivement jusqu’à 20 ppt, puis brusquement au sommet de la NBL (jusqu’à 80 ppt). Cette concentration diminue ensuite lentement. Ces profils verticaux caractéristiques ont été observés à de nombreuses reprises par d’autres études (Allan et

al. 2002; von Friedeburg et al. 2002; Stutz et al. 2004, 2010; Steven S. Brown et al. 2007; Brown et al. 2007).

Enfin, le caractère principalement anthropique des sources (NO2 et O3) implique que les concentrations de NO3 sont plus élevées dans les zones anthropisées. Dans des zones suburbaines polluées ou des zones urbaines, des concentrations pouvant atteindre plusieurs centaines de ppt ont été observées (Platt et al. 1980; Smith et al. 1995; Geyer 2001; Stutz et al. 2004). Les premières mesures réalisées dans les années 1980 par Ulrich Platt (Platt et al. 1980, 1984) dans l’aire urbaine de Los Angeles (Etats-Unis) ont permis de mettre en évidence des concentrations au sol pouvant ponctuellement dépasser les 300 ppt, avec des concentrations moyennes de quelques dizaines de ppt. Notons toutefois que ces concentrations élevées ne sont observées que lorsque l’on s’éloigne des zones de trafic routier intense dans lesquelles les concentrations de NO sont généralement élevées. Des valeurs similaires ont été mesurées par la suite au-dessus de 10 m d’altitude, au cours de plusieurs études (Aliwell and Jones 1998; von Friedeburg et al. 2002; Stutz et al. 2004). La concentration record de 800 ppt a été observée par Asaf et al. en 2009 à Jérusalem, entre 15 et 100 m d’altitude, qui s’explique entre autres par le climat semi-aride de cette zone urbaine, qui présente une humidité relative très faible.

En zone rurale plusieurs études ont été menées : l’étude de Crowley et al. 2010, réalisée au sol dans une forêt allemande, a observé des concentrations variant entre 20 et 40 ppt en moyenne pour toutes les nuits. D’autres études (Geyer 2001; McLaren et al. 2004) ont montré des concentrations entre 0 et 15 mètres d’altitude allant de quelques ppt jusqu’à quelques dizaines de ppt en moyenne. Ces faibles concentrations s’expliquent principalement par le fait que les concentrations des précurseurs du radical NO3 (NO2 et O3) sont généralement plus faibles dans ces régions.

1.2.2.3 Concentrations diurnes

Le radical nitrate a longtemps été considéré comme un oxydant exclusivement nocturne en raison de sa très courte durée de vie durant la journée. Toutefois, quelques études ont mis en évidence des concentrations diurnes de NO3 non négligeables. Ainsi, la première mesure diurne a été réalisée dès 1981 par Ulrich Platt et a permis de détecter des concentrations allant jusqu’à une vingtaine de ppt en moyenne dans la zone urbaine de Jülich (Allemagne). En 2003, une étude a été réalisée par Geyer et al., dans un milieu urbain et en plein été, à La Porte, au Texas. Cette étude a permis de mesurer au sol des concentrations diurnes de NO3 allant jusqu’à 31 ppt en fin de journée avec des concentrations moyennes généralement en dessous de 10 ppt. Durant cette campagne, les concentrations de NO2 étaient de l’ordre d’une dizaine de ppb, celles d’ozone d’une centaine de ppb

et enfin celles de NO de moins de 1 ppb. Ces concentrations en radical nitrate sont donc à mettre en parallèle avec les fortes concentrations de précurseurs, les faibles niveaux de NO, mais aussi à l’ensoleillement faible ou la couverture nuageuse importante. En 2005, Brown et al. ont procédé à des mesures aéroportées diurnes autour de Portsmouth (Etats-Unis) et ont mesuré des concentrations moyennes de 0,5 ppt en haut de la couche limite, à environ 1 km d’altitude. Ces faibles concentrations étaient associées à des concentrations en précurseurs elles-mêmes beaucoup plus faibles que dans l’étude précédente (de l’ordre du ppb pour NO2 et O3).

Ces travaux suggèrent que le radical nitrate peut jouer un rôle non négligeable dans l’oxydation des COV en journée, dans des zones polluées et faiblement ensoleillées (par ex. couverture nuageuse dense, fin de journée ou encore zone forestière). Une étude de modélisation menée par Forkel et al en 2006 a estimé la contribution relative des trois principaux oxydants atmosphériques à la dégradation de monoterpènes sous la canopée d’une forêt de sapins en Norvège (Figure 9). Cette étude confirme que la nuit, le radical nitrate est un oxydant majeur des monoterpènes, à l’exception des zones proches du sol, où les puits de N2O5 sont très efficaces. Mais cette étude montre également que le radical NO3 contribue fortement à la dégradation des COVB le jour sous la canopée, et ce en raison du faible ensoleillement. Ces travaux montrent donc que le radical nitrate joue un rôle important dans la dégradation des COVB la nuit mais aussi le jour.

Figure 9 : Contribution relative des trois oxydants majoritaires (O3, OH, NO3) à l’oxydation des monoterpènes en fonction de l’altitude sous la canopée d’une forêt de Norvège, la nuit, à gauche et en journée à droite (d’après Forkel et al. 2006).