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Chapitre 4 Influence de la neige sur la variabilité extratropicale

3. Expériences de sensibilité avec ARPEGE-Climat

3.1. Validation de la circulation extratropicale

De la même façon que nous avons discuté de la capacité d'ARPEGE-Climat à simuler l'état de base de la mousson indienne au chapitre 3, nous allons déterminer dans cette section les biais de notre modèle en ce qui concerne la variabilité hivernale extratropicale. La simulation de contrôle qui est utilisée ici est la simulation CTNO2 (voir chapitre 2 section 4.5), couvrant la période 1950-2000. Afin de faciliter la lecture, nous la désignerons par l'acronyme CTL (pour « Control »). Cette simulation est forcée par des TSM climatologiques, et la variabilité de la neige est supprimée en relaxant les masses de neige vers la climatologie de CT2. Nous espérons ainsi maximiser le signal lié aux anomalies de neige dans nos expériences perturbées. Une autre expérience de contrôle, CTLN, a été produite pour les expériences avec nudging de la stratosphère équatoriale (voir ci-dessous).

Biais du modèle

Bien que le modèle ARPEGE-Climat capture les principaux modes de variabilité de la circulation atmosphérique de l'hémisphère Nord en hiver (AO/NAO/PNA), on observe certains biais sur l'état moyen. Le plus important d'entre eux est lié au jet stratosphérique polaire, qui n'est pas correctement localisé. Pour illustrer ce défaut de notre modèle, la figure 7 montre la climatologie observée et simulée du vent à 10 hPa en hiver, ainsi que les biais du modèle. Alors que dans les observations les maxima de vent se situent autour de 60°N, le jet polaire du modèle est trop faible et décalé vers les moyennes latitudes, avec un maximum entre 30°N et 60°N. L'erreur quadratique moyenne est d'environ 13 m/s sur tout l'hémisphère Nord à ce niveau, ce qui est considérable au vu des valeurs climatologiques. Ce biais se retrouve sur toute la haute

Chapitre 4. Influence de la neige sur la variabilité extratropicale d'hiver troposphère et la stratosphère (figure 7b).

Nous avons vu qu'une bonne représentation du vortex polaire était cruciale pour simuler correctement la propagation des ondes stationnaires, et leur interaction avec la circulation zonale moyenne (cf section 2.2 et chapitre 1 section 1, partie « Ondes stationnaires »). Le décalage du jet vers l'équateur dans notre modèle constitue donc un facteur limitant pour étudier le lien neige-AO, et il apparaît crucial d'améliorer cet état moyen de la variabilité extratropicale pour nos expériences de sensibilité. Dans cette optique, la technique de nudging atmosphérique (cf chapitre 2 section 3.3) va maintenant nous être utile.

Correction des biais par nudging de la stratosphère équatoriale

La stratosphère équatoriale, et en particulier la QBO (« Quasi-biennial oscillation », Ebdon 1960), affecte la circulation moyenne et la variabilité interannuelle de l'ensemble de la stratosphère, voire de la troposphère. Cette oscillation se caractérise par l'alternance entre des vents moyens d'est et d'ouest, avec une période variant entre 25 et 28 mois (Ebdon et Veryand 1961). Les régimes de vent se forment dans la stratosphère équatoriale et se propagent ensuite vers la tropopause où

Figure 7. Biais de la circulation extratropicale d'hiver dans ARPEGE-Climat: a) Vent zonal à 10 hPa (m/s) ; b) coupe pression/latitude de la moyenne zonale du vent zonal. A gauche pour les réanalyses ERA40, au centre pour la simulation CTL, à droite pour le différence CTL-ERA40. La corrélation spatiale et l'erreur quadratique moyenne sont indiquées pour le vent à 10 hPa.

Chapitre 4. Expériences de sensibilité avec ARPEGE-Climat

aux ondes planétaires est maximale (McIntyre et Palmer 1983,1984). Lorsque la QBO est dans sa phase d'est, les ondes planétaires déferlant sur le vortex sont plus nombreuses, et la probabilité d'observer un réchauffement stratosphérique est plus élevée (Holton et Tan 1980). L'influence de la QBO sur la propagation des ondes planétaires se fait via le rôle qu'elle joue sur la structure du flux moyen zonal et sur la position de la « ligne du vent zéro3 » (O'Sullivan et Dunkerton 1994). Les

vents équatoriaux d'ouest permettent une meilleure propagation des ondes planétaires dans les tropiques, la ligne du vent zéro se situant au sud de l'équateur. A l'inverse, lorsqu'ils sont dirigés vers l'est, les vents équatoriaux empêchent cette propagation vers les tropiques. Les ondes planétaires se propagent alors plus en altitude et vers le pôle, affaiblissant le vortex polaire. Une bonne représentation de la QBO dans les modèles est donc importante à la fois pour simuler l'état moyen, mais également pour améliorer la prévisibilité dans les extratropiques (Boer et Hamilton 2008, Marshall et Scaife 2009). Si certains MCG reproduisent un signal de type QBO dans la stratosphère (Takahashi 1996, Scaife et James 2000, Giorgetta et al. 2002), la plupart des modèles actuels simulent un régime moyen d'est au lieu d'une oscillation. Notre modèle ne fait pas exception, avec l'absence de cette oscillation stratosphérique et un régime d'est permanent.

Un moyen de s'affranchir de ce biais des modèles consiste à forcer la stratosphère équatoriale vers une QBO réaliste. Cette méthode fait partie des compétences développées au CNRM à travers la technique de nudging. Des expériences déjà existantes ont montré que le nudging de la stratosphère tropicale avait des effets sur l'intensité et la position du vortex polaire simulé par ARPEGE-Climat (Saint-Martin et al. 2010). Nous avons donc profité de la disponibilité des outils développés au CNRM pour réaliser une expérience de contrôle similaire à CTL (SST+neige climatologique), avec la stratosphère équatoriale relaxée vers la climatologie des réanalyses ERA40. Cette expérience a été nommée CTLN (pour « Control with Nudging »). Le domaine sur lequel est appliqué le nudging est visible sur la figure 8. Le nudging est appliqué au vent et à la température. La relaxation se fait entre 15°S et 15°N, avec une intensité différente sur les bords du domaine pour éviter les discontinuités sur ces régions. Sur la verticale, les quatre niveaux de pression les plus hauts (20,40,50 et 80 hPa) sont fortement nudgés (avec un coefficient d'intensité de 1), et les trois niveaux de pression inférieurs (entre 80 hPa et 130 hPa) permettent une transition avec les couches non-nudgées, le coefficient de nudging diminuant progressivement vers la surface (coefficients de 0.75, 0.5 et 0.25). Il est important de souligner que la relaxation du modèle se fait vers la climatologie ERA40, ce qui permet de corriger l'état moyen du vortex polaire sans injecter de signal lié à la variabilité interannuelle dans notre expérience.

La figure 9 montre les biais hivernaux (DJF) de l'expérience CTLN relativement aux réanalyses ERA40. La position du jet polaire simulé est plus correcte, les maxima de vent dans la stratosphère étant repoussés vers le pôle (figure 9a). Comparée à la figure 7, l'erreur quadratique sur le vent à 10 hPa est significativement réduite, et les effets sont positifs sur l'ensemble de la haute troposphère et la stratosphère (figure 9b). Le nudging de la stratosphère équatoriale nous permet donc de réduire significativement les biais du modèle en ce qui concerne le flux zonal moyen. L'analyse d'expériences existantes au CNRM semble indiquer que le nudging de la température, plus que celui du vent, permet d'obtenir ce résultat. La réduction des biais reposerait donc sur la correction des gradients méridiens de température dans la stratosphère plutôt que sur un effet dynamique lié à une intensité/direction des vents plus réalistes. Regardons maintenant si cette modification a des impacts sur la propagation verticale des ondes planétaires de la troposphère vers la stratosphère.

Chapitre 4. Influence de la neige sur la variabilité extratropicale d'hiver

Chapitre 4. Expériences de sensibilité avec ARPEGE-Climat

Pour cela, nous montrons les modifications du WAF à 150 hPa (figure 10a), de sa moyenne zonale (figure 10b) et de l'indice de réfraction de Liu et al. (2008, cf description au chapitre 2 section 2.2). L'indice de réfraction est calculé à partir de données mensuelles pour le nombre d'onde 1. Il donne la probabilité en % que l'onde soit réfractée ou absorbée par le flux moyen, les valeurs négatives indiquant les régions pour lesquelles les ondes peuvent se propager librement. Le vent zonal est montré en contour afin de situer la modification de la position du jet polaire entre les deux expériences.

La figure 10a permet en premier lieu de valider la climatologie du WAF dans ARPEGE- Climat. Elle paraît réaliste en comparaison de l'activité des ondes stationnaires calculée à partir des réanalyses ERA40 (figure 3 chapitre 2). On retrouve les deux principaux foyers d'ondes stationnaires sur les régions Sibérie/Pacifique Nord et Atlantique Nord, ainsi que le flux descendant sur l'Amérique du Nord. Le nudging favorise la propagation verticale de la troposphère vers la stratosphère sur une large zone couvrant le nord de l'Eurasie. En coupe pression/latitude, on voit que le décalage du jet polaire vers le nord augmente la capacité de réfraction de la haute troposphère au-delà de 60°N (figure 10b). Entre 40°N et 60°N, le déplacement et le renforcement du jet entraînent une réfraction plus prononcée vers la surface des

Figure 10. Climatologie hivernale (DJF) dans CTL, CTLN, et différence entre les deux pour: a) le WAF à 150 hPa (m²/s²) ; b) l'indice de réfraction (couleur) et le WAF (vecteurs) en moyenne zonale. Pour la différence, le vent zonal (m/s) est montré en contour.

Chapitre 4. Influence de la neige sur la variabilité extratropicale d'hiver

ondes verticales, en accord avec l'augmentation du critère de vitesse de Rossby. Dans le même temps, le vortex, en agissant comme un guide d'ondes, favorise la propagation verticale des ondes au-delà de 60°N, qui sont ensuite déviées vers l'équateur au niveau de la tropopause. Ainsi, une quantité plus importante d'ondes est captée et vient déferler dans la troposphère. En déplaçant le jet polaire vers le nord, l'utilisation du nudging permet donc une plus grande sensibilité de l'atmosphère extratropicale aux ondes planétaires forcées en surface.

En résumé

Bien que les biais sur la position et l'intensité du jet polaire persistent en partie, l'utilisation du nudging de la stratosphère équatoriale permet de les réduire sensiblement et d'améliorer l'état moyen de notre modèle. Nous augmentons ainsi la sensibilité potentielle de la stratosphère au forçage des ondes planétaires, ce qui constitue un plus pour étudier la capacité du modèle à reproduire la téléconnexion neige-AO.

Des expériences de sensibilité ont donc été réalisées à la fois avec l'état de base du modèle (représenté par CTL), et avec le nudging climatologique de la stratosphère équatoriale (représenté par CTLN). La comparaison des deux types d'expériences va nous permettre de discuter de la sensibilité des résultats à l'état moyen du modèle. Il est important de noter que notre protocole ne rajoute pas de variance dans la stratosphère équatoriale, celle-ci étant faible dans le contrôle et par construction nulle dans les expériences nudgées vers la climatologie ERA40.