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1. Généralités sur le système climatique

1.2. Notions de variabilité du climat

1.2.3. État de l'art de la prévision saisonnière

1. Généralités sur le système climatique

Deux types de prévisions existent: celles basées sur les modèles statistiques, et les prévisions dynamiques utilisant les modèles couplés océan-atmosphère.

Les prévisions dynamiques ont fortement progressé durant les vingt dernières années avec l’amélioration des modèles de circulation générale (MCG) et de la compréhension des téléconnexions de grande échelle. Les premiers succès de la prévision dynamique concernent l’ENSO, source majeure de prévisibilité du climat tropical mais également extratropical, avec la prévision de l’événement El Niño de 1986-87 par un modèle couplé océan-atmosphère de complexité intermédiaire (Cane et al. 1986). Les modèles de cette époque n’étaient pas à proprement parler couplés, l’atmosphère étant alors forcée par des TSM préalablement prédites. Bien que cette méthode permettait de s’affranchir des biais des modèles couplés de l’époque, elle présentait le désavantage de négliger les rétroactions entre l’atmosphère et l’océan, qui jouent un rôle primordial dans certains processus comme la mousson par exemple (Wu et Kirtman 2005). Vers la fin des années 1990, les progrès des MCG, notamment en ce qui concerne la représentation de l’ENSO (Latif et al. 2001), ont permis l’utilisation des modèles couplés océan-atmosphère en prévision saisonnière. Contrairement aux modèles dynamiques de la génération précédente, les bases sur lesquelles reposent les prédictions ne sont donc plus un problème de conditions aux limites, mais reposent sur la connaissance des conditions initiales, le modèle évoluant librement par la suite. Ces améliorations notables des MCG sont liées à la meilleure compréhension des mécanismes du climat tropical (notamment à travers le projet « Tropical Ocean Global Atmosphere », TOGA, Trenberth et al. 1998). De pair avec ces progrès de la modélisation numérique, un palier a pu être franchi en prévision saisonnière avec des résultats encourageants sur la prévision de l’ENSO. En particulier, le fort El Niño de 1997 a pu être anticipé quelques mois à l’avance (Barnston et al. 1999).

Depuis le début du XXIème siècle, les prévisions saisonnières dynamiques sont

opérationnelles, et mises à disposition par plusieurs grands centres de climat à travers le monde (Alves et al. 2004, Palmer et al. 2004). Afin de limiter les erreurs dues au caractère chaotique de l’atmosphère, des ensembles d’expériences sont conduits, avec des conditions initiales atmosphériques différentes. De plus, afin de s’affranchir des biais caractéristiques de chaque modèle, une approche multi-modèle a été adoptée. La prévision finale provient de la moyenne des prévisions d’ensemble de chaque modèle. Cette méthode donne de meilleurs résultats que les prévisions faites par chaque modèle pris individuellement (Krishnamurti et al. 2000, Doblas-Reyes et al. 2005). Le modèle du CNRM fait partie des modèles européens participant au projet DEMETER (Development of a European Multi-model ensemble System for Seasonal to Interannual Predictions), centralisé au centre européen de Reading (ECMWF, European Centre for Medium-Range Weather Forecasts, en français CEPMMT, Centre européen de prévision météorologique à moyen terme) où sont réalisées des prévisions saisonnières à partir de 7 MCG européens. Le projet CliPAS (Climate Prediction and its Application to Society) est également un projet international d’intercomparaison de modèles dynamiques américains, asiatiques et australiens (Wang et al. 2009).

Depuis une dizaine d’années, il semble que notre capacité à prévoir le climat tropical ait atteint un palier (Kirtman et Pirani 2009), et il paraît crucial de s’intéresser à d’autres sources de prévisibilité que les TSM tropicales. L’amélioration des modèles couplés est également un enjeu important des années à venir, concernant leur état moyen mais surtout

Chapitre 1. Neige et climat: notions introductives

les téléconnexions de grande échelle que peu de modèles actuels sont capables de capturer. Ces perspectives motivent également l’utilisation de méthodes empiriques (ou statistiques) dans le contexte de la prévision saisonnière. Les modèles statistiques sont apparues bien avant l’utilisation des modèles couplés, mais sont aujourd’hui moins répandues que les prévisions dynamiques. Historiquement, elles sont plus utilisées dans certaines régions du globe que d’autres, notamment par les Indiens pour prévoir la mousson. Malgré la forte croissance des prévisions dynamiques de ces dernières années, les modèles statistiques restent une alternative intéressante, et donnent régulièrement de meilleurs résultats que les MCG, particulièrement aux moyennes latitudes (Cohen et Fletcher 2007).

La prévision statistique repose sur l’utilisation de prédicteurs du phénomène climatique à prévoir, par exemple la NAO, ou l’ENSO. Ces prédicteurs sont en général déterminés à partir des observations des variables climatiques, et des téléconnexions qui leur sont associées. Un modèle statistique est construit à partir des différents prédicteurs, le plus souvent à l’aide de la méthode de régression multiple. Des méthodes non-linéaires existent également, comme les réseaux de neurones (Navone et Ceccatto 1994). Les prévisions du phénomène climatique sont ensuite réalisées quelques semaines ou mois avant son apparition à partir de l’état de chaque prédicteur. De la même manière qu’une approche multi-modèle est utilisée en prévision dynamique, certains centres de prévision réalisent leurs prévisions en se basant sur les résultats de plusieurs modèles empiriques (Sahai et al. 2008). Le principal défaut de la prévision statistique du climat est qu’elle ne donne pas précisément l’évolution spatiale et temporelle de la mousson, contrairement à un MCG. Par exemple, la prévision statistique de la mousson indienne donne une valeur moyenne de l’indice de mousson sur la saison juin-septembre, sans préciser la distribution spatiale des précipitations et leur variabilité intrasaisonnière. De plus, les téléconnexions sur lesquelles se basent ces modèles sont souvent non stationnaires, et un lien fort entre deux phénomènes climatiques à un moment donné peut disparaître quelques années plus tard. L’exemple le plus flagrant de ces dernières années est l’affaiblissement du lien ENSO-mousson depuis les années 1990 (Krishna Kumar et al. 1999). La variabilité multi-décennale du climat nécessite donc de changer régulièrement de prédicteurs. C'est ce que fait l’Indian Meteorological Department (IMD), qui réalise des prévisions régulières de la mousson indienne par des méthodes empiriques. Les indiens sont traditionnellement assez pragmatiques dans ce domaine, et n’hésitent pas à utiliser tous les prédicteurs possibles de la mousson, sans forcément qu’un mécanisme physique n'explique les liens statistiques (Sahai et al. 2003). Cependant, ces méthodes ont montré leurs limites ces dernières années, et l’IMD est revenu à des modèles statistiques plus simples, avec moins de prédicteurs et plus de cohérence physique (Rajeevan et al. 2006).

Pour conclure cette section, si les prévisions dynamiques des modèles couplés constituent indéniablement l’avenir de la prévision saisonnière, les modèles empiriques restent des outils complémentaires intéressants et ne doivent pas être négligés. Nous aurons l'occasion d'utiliser un modèle statistique de la mousson indienne au chapitre 3.