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Validation d’un régime de PRRT personnalisée

Le protocole de PRRT personnalisée conçu a été utilisé depuis avril 2016 à l’Hôpital de l’Hôtel-Dieu de Québec grâce à une étude prospective enregistrée de phase II (NCT02754297). L’utilisation de cette approche personnalisée a confirmé que la dose cumulative délivrée aux tumeurs a été augmentée jusqu'à 2,12 fois (médiane 1,26 fois) par rapport au régime empirique simulé de PRRT et ce, sans dépasser le seuil de toxicité rénale de 23 Gy. Ces résultats sont similaires à ceux obtenus dans notre étude de simulation, dans laquelle nous avons calculé une augmentation médiane de 1,37 fois de la dose absorbée cumulative maximale à la tumeur (intervalle : 0,68 – 2,64 fois) (Del Prete, Buteau, and Beauregard 2017). En fait, la dose rénale cumulative médiane a été de 22,1 Gy (intervalle : 8,3 – 24,4) et aucun patient n’a développé d’insuffisance rénale sévère au suivi. De plus, malgré l'augmentation de l’AI chez 85 % des sujets pouvant atteindre 78.6 GBq sur quatre cycles d’induction, le régime de PRRT personnalisée a été associé à un faible taux de toxicité cliniquement significative. Le régime de PRRT personnalisée permet donc de contrôler adéquatement et de limiter avec précision la dose absorbée par le rein en utilisant une approche de dosimétrie basée sur la QSPECT.

Nous avons également revisité notre système personnalisé de prescription de l’AI pour notre protocole de PRRT. Pour le premier cycle, nous avons proposé une équation plus simple pour déterminer l'AI personnalisée en comparaison avec celle que nous avions suggérée dans notre étude rétrospective (Del Prete, Buteau, and Beauregard 2017). Bien que le produit TFG•PCM fournisse un degré de précision similaire, nous avons choisi de continuer à utiliser une équation basée sur le le TFG et la SC pour déterminer l’AI au premier cycle d'induction. Le principal avantage de personnaliser le premier cycle est d'éviter les cas extrêmes de surdosage. Pour les cycles subséquents, l’AI personnalisée peut être déterminée de manière fiable sur la base du GBq/Gy obtenu aux reins au cycle précédent.

De plus, dans notre protocole, des cycles de « consolidation » ou « maintenance » sont proposés aux patients répondant au traitement d'induction de PRRT, dans les cas d'amélioration des symptômes ou de réponse radiologique (c’est-à-dire au moins la

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stabilisation d'une maladie précédemment progressive). Ces cycles de traitement pourraient entrainer une augmentation de la dose cumulative délivrée aux reins au-delà de 23 Gy qui pourrait, par conséquent, augmenter le risque d’une réduction significative de la fonction rénale à long terme. Cependant, seuls les patients répondant sont exposés à ce risque potentiel afin de maintenir un rapport risque-bénéfice favorable. D’autre part, des données chez un nombre limité de patients suggèrent que la dose seuil rénale est probablement

supérieure à 23 Gy pour la PRRT au 177Lu (Bodei et al. 2008).

Contrairement à la dosimétrie rénale, la dosimétrie de la moelle osseuse basée sur l'imagerie, demeure une procédure difficile, en particulier chez les patients atteints de métastases osseuses. Néanmoins, nos méthodes de dosimétrie de la moelle osseuse basées sur QSPECT donnent des estimations par cycle qui sont liées à la baisse subaigüe du nombre de plaquettes. Toutefois, chez les patients atteints de métastases osseuses, les estimations de dose absorbée à la moelle osseuse peuvent être moins fiables. D’un point de vue clinique, bien que des métastases osseuses visibles ont été évitées lors du placement des VOI, nous ne pouvons exclure l'influence de micrométastases non apparentes ou de l'infiltration tumorale diffuse de la moelle. Par contre, la toxicité hématologique subaiguë constitue un indice de tolérabilité permettant de modifier le régime (e.g. allonger l’intervalle inter-cycle et/ou diminuer l’AI aux cycles subséquents) sans égard à la dose absorbée médullaire.

Efficacité

Le taux de réponse objective complète ou partielle au traitement empirique de PRRT

au 177Lu-octréotate peut aller jusqu’à 33 % (Kwekkeboom et al. 2008; Bodei et al. 2011) et

jusqu’à 46 % quand la réponse mineure est considérée (Kwekkeboom et al. 2008). Récemment, une étude de phase III a été publiée sur le traitement des TNE du midgut par

177Lu-octréotate et a montré un taux de réponse objectif de 18 % contre 3 % dans le groupe

contrôle traité seulement par ASST (Strosberg et al. 2017). Un taux de réponse objective de

33,3 % avecun taux de contrôle de la maladie de 77.8 % a été rapporté par notre étude

rétrospective, ce qui est similaire à ceux déjà rapportés dans d’autres séries (Kwekkeboom et al. 2008; Bodei et al. 2011; Del Prete, Buteau, and Beauregard 2017).

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La PRRT est reconnue pour sa capacité à améliorer de façon significative la qualité de vie des patients atteints de TNE et en particulier les symptômes tels que la fatigue et la diarrhée (Khan et al. 2011; Bodei et al. 2011). Dans notre étude rétrospective, 64,7 % des patients ont eu une amélioration significative des symptômes hormonaux (Del Prete, Buteau, and Beauregard 2017). Aux vues de ces résultats, la réponse symptomatique a été évaluée dans notre cohorte prospective et ce, à l’aide de questionnaires sur la qualité de vie

validés. Le traitement personnalisé par 177Lu-octreotate a permis ainsi d'améliorer

significativement la qualité de vie chez 50 % des patients et les symptômes chez 42,9 % des patients.

Le traitement par PRRT empirique au 177Lu-octréotate permet d’obtenir une survie

médiane globale de 46 mois et une survie sans progression de la maladie de 33 mois, qui sont significativement plus élevées que celles rapportées avec les ASST comme l’octréotide ou le lanreotide (Rinke et al. 2009; Caplin, Pavel, and Ruszniewski 2014), des chimiothérapies ou d’autres traitements approuvés pour les TNE du pancréas tels que l’évérolimus et le sunitinib (Yao, Shah, Ito, Bohas, Wolin, Van Cutsem, Hobday, Okusaka, Capdevila, de Vries, Tomassetti, Pavel, Hoosen, Haas, Lincy, Lebwohl, Oberg, et al. 2011; Raymond et al. 2011).

La survie médiane globale et la survie sans progression de la maladie chez notre cohorte de patients traités avec le régime empirique jusqu’à avril 2016, étaient respectivement de 18.9 et 17.4 mois (Del Prete, Buteau, and Beauregard 2017). Les données obtenues dans cette étude rétrospective étaient inférieures à celles publiées, probablement en raison du notre nombre limité de patients et d’un biais de sélection. Néanmoins, il faut souligner que la progression de la maladie post-PRRT reste un marqueur puissant de mauvais pronostic dans notre cohorte (Del Prete, Buteau, and Beauregard 2017).

En outre, les résultats préliminaires d'efficacité de la PRRT personnalisée sont encourageants, avec une réponse partielle ou mineure chez 59 % des patients et une progression de maladie chez seulement 8 % des patients (traités depuis avril 2016 avec un régime personnalisé). De plus, 85 % des patients atteints de TNE du pancréas ont eu une

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réponse tumorale partielle ou mineure, les 15 % restant ayant eu une stabilisation de la maladie. Nos résultats préliminaires semblent prometteurs, se comparant favorablement à ceux de la cohorte de Rotterdam, où les patients recevant un régime de PRRT empirique ont eu une réponse partielle ou mineure dans 46 % des cas, avec un taux de réponse de 64 % dans le sous-groupe de patients avec TNE du pancréas (Kwekkeboom et al. 2008).

Bien que la taille de l'échantillon de notre analyse préliminaire soit faible et que les TNE constituent un groupe hétérogène de tumeurs, nos résultats indiquent une augmentation de l'irradiation tumorale (chez 85 % de nos patients, comparativement au régime empirique) avec un taux de réponse tumorale amélioré. La survie sans progression estimée au sein de notre cohorte de patients était de 15,9 mois, mais la durée de suivi est courte, empêchant de tirer des conclusions. Finalement, nous avons aussi observé une amélioration significative du score de la qualité de vie chez 50 % des patients, contre 36 % pour le groupe de Rotterdam (Kwekkeboom et al. 2008).

Dans la pratique clinique, les examens d’imagerie servant à évaluer la réponse tumorale sont effectués 3 mois après le dernier cycle d’induction. Nous avons effectué une évaluation de la réponse tumorale par images quantitatives SPECT/CT après chaque traitement de PRRT personnalisée, en plus de l'imagerie de suivi prescrite systématiquement trois mois après le dernier cycle d'induction chez 18 patients. Nous avons démontré, chez ces 18 patients, une très bonne concordance entre la réponse tumorale après chaque traitement de PRRT, les réponses radiologiques et à l’imagerie moléculaire au suivi. L'imagerie moléculaire est effectivement plus pratique pour évaluer la réponse globale de la charge tumorale exprimant les récepteurs de la somatostatine que les mesures radiologiques lésion par lésion. Elle présente aussi la meilleure façon d’évaluer les métastases osseuses. Selon nos résultats, la réponse tumorale évaluable au minimum trois mois après le début du traitement peut être considérée fiable. Les résultats obtenus dans notre analyse préliminaire du taux de réponse tumorale pourraient même être sous-estimés, en raison d’un court suivi, sachant que la réponse maximale peut être tardive chez certains patients (Kwekkeboom 2008).

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Toxicité

La PRRT est connue pour sa toxicité envers les organes critiques tels que les reins et la moelle osseuse. Toutefois, le taux de toxicité sévère rapporté avec la PRRT empirique est < 10 % (Kwekkeboom et al. 2008; Strosberg et al. 2017). En fait, les effets secondaires et le profil de toxicité observés dans notre cohorte de patients rétrospective étaient comparables à ceux observés dans d'autres séries (Kwekkeboom et al. 2008; Bodei et al. 2011; Del Prete, Buteau, and Beauregard 2017).

Les effets secondaires aigus les plus fréquents suite à l’administration du 177Lu-

octréotate sont la nausée et le vomissement. Ces évènements, généralement de grade 1 ou 2, probablement liés à l’administration des acides aminés, ont également été décrits dans notre série de patients rétrospective (Del Prete, Buteau, and Beauregard 2017; Strosberg et al. 2017; Kwekkeboom et al. 2008). Il est intéressant d'observer que les effets secondaires subaigus ainsi que les toxicités hématologiques trouvées dans notre série de patients sont transitoires. En effet, aucun patient n’a démontré de toxicité rénale sévère, soulignant par le fait même que la PRRT est un traitement sécuritaire.

Dans le régime de PRRT personnalisée, l’effet secondaire subaigu le plus fréquent

suite à l’administration du 177Lu-octréotate demeure la fatigue comme avec la PRRT

empirique. De plus, les taux de toxicité subaiguë sévère (autre que la lymphocytopénie) rapportés dans notre étude prospective sont similaires à ceux rapportés dans les autres séries de patients traités par le régime empirique de PRRT. Les taux de toxicité hématologique de grade 3 ou 4 étaient toujours inférieurs à 10 % (Kwekkeboom et al. 2008; Del Prete, Buteau, and Beauregard 2017; Bodei et al. 2015; Strosberg et al. 2017; Hubble et al. 2010). Toutefois, le taux de lymphocytopénie de grade 3 ou 4 est plus élevée dans le régime personnalisé que dans le régime empirique, mais sans conséquences cliniques telles que les infections opportunistes (Del Prete, Buteau, and Beauregard 2017; Hubble et al. 2010). Cette observation reflète probablement l'augmentation de l'irradiation systémique et de la moelle osseuse, résultant de notre protocole.

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