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Analogues de la somatostatine (ASST) radiomarqués

La radiothérapie est un traitement antitumoral ciblé qui consiste à exposer le patient à des rayonnements qui vont détruire les cellules cancéreuses. Les rayonnements abîment les cellules essentiellement au niveau de leur ADN. Les rayonnements ionisants provoquent des dommages aux bases de l’ADN, des cassures d’un seul brin ou double brin et aux liaisons croisées entre les protéines et l’ADN. Les cassures double brin sont les lésions les plus dommageables causées aux chromosomes par le rayonnement ionisant. Ces dommages surviennent par action directe ou indirecte. On parle d’action directe lorsque les rayonnements brisent l’un des deux ou les paires de base de l’ADN et d’action indirecte lorsque les dommages sont induits par des radicaux libres. Les radicaux libres sont des molécules extrêmement réactives qui peuvent former des composés comme le peroxyde d’hydrogène, qui peut induire divers changements structurels dans les cellules qui entraînent leur mort ou transforment leur fonction. La cellule a développé des mécanismes pour répondre à chaque type de dommage induit par les radiations comme la réparation par

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excision de base ou la recombinaison homologue ou non-homologue (source : teachnuclear.ca). On distingue plusieurs techniques de radiothérapie et le choix du type de rayons et d’énergie dépend du type de tumeur, de son extension et de sa localisation. La radiothérapie externe utilise une source de radiation à l’extérieur du patient, tandis que la curiethérapie utilise une source de rayonnement implantée à l’intérieur du patient comme l’iridium-192 ou le césium-137. Les photons (ou rayons X) et les électrons sont les rayonnements les plus utilisés en radiothérapie externe. La dose de rayonnement, exprimée en gray (Gy), peut varier pour chaque patient selon le type de cancer et les organes atteints. Enfin, la radiothérapie interne ou métabolique est un troisième type de radiothérapie. La radiothérapie métabolique permet d’administrer par voie orale ou par injection intraveineuse un produit radioactif qui se fixe à la surface ou à l’intérieur des cellules cancéreuses. L’objectif est de diriger les rayons sur les cellules cancéreuses, tout en limitant le plus possible l’irradiation des tissus sains pour éviter les effets secondaires. Ce dernier type de traitement est utilisé, entre autres, pour traiter certains cancers de la thyroïde, les métastases osseuses, et les TNE métastatiques. Le traitement par radiothérapie externe est généralement fractionné sur plusieurs séances étalées sur quelques semaines et à haut débit. La radiothérapie métabolique utilise des radiopharmaceutiques émetteurs de particules bêta (β), alpha () ou électrons d’Auger et le traitement est administré à bas débit sur plusieurs mois (Sadeghi, Enferadi, and Shirazi 2010; Bodei et al. 2014).

Le traitement des TNE par ASST radiomarqués a commencé dans les années ‘90 en

utilisant l’111In-DTPA-octréotide, le même agent utilisé pour l’imagerie fonctionnelle, avec

des résultats prometteurs, surtout pour le contrôle des symptômes des TNE. Toutefois, ce traitement a également fourni la première preuve de risque potentiel de développer des syndromes myélodysplasiques ou la leucémie (Valkema et al. 2002; Anthony et al. 2002).

La seconde génération de thérapie radionucléidique par radiopeptides (PRRT :

peptide receptor radionuclide therapy) utilise le Tyr3-octréotide, en raison d’une plus grande affinité pour le RSST de type 2, un nouveau chélateur DOTA (1,4,7,10- tetraazacyclododecane-1,4,7,10-tetra-acetic acid) permettant le couplage de radionucléides

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encourageants (Reubi et al. 2000; Waldherr et al. 2001; van Essen et al. 2007; Kwekkeboom, de Herder, and Krenning 2011) (Figure 1 - 1).

Fig. 0 - 1

Profils d’affinité́ des ASST radiomarqués utilisés en imagerie ou en thérapie radionucléidique [reproduit de (Reubi et al. 2000)]. hsst = somatostatin receptors. Les valeurs représentent IC50±SEM en nM

La PRRT avec le 177Lu-[DOTA,Tyr3,Thr8]-octréotide (177Lu-octréotate) et le 90Y-

[DOTA,Tyr3]-octréotide a montré des taux de réponse objective complète ou partielle allant

de 22 à 37 %, et jusqu’à 46 % pour le 177Lu-octréotate quand la réponse mineure était

incluse. Un gain de survie de 40 à 72 mois a été estimé, et un soulagement symptomatique chez plus de 50% des patients a aussi été observé (Kwekkeboom et al. 2008; Khan et al. 2011).

Le 90Y est associé à un taux de toxicité rénale sévère plus élevé (9,2 %)

comparativement au 177Lu (< 1 %) en raison de la plus grande énergie de ses particules β

(pénétration tissulaire maximale de 11 mm contre 1,8 mm, respectivement). Ceux-ci causent des dommages aux glomérules dû à l’accumulation de l’agent radiopharmaceutique

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l’avantage d’être émetteur β et émetteur gamma (γ) permettant ainsi d’effectuer la dosimétrie et la surveillance tumorale par imagerie (Tableau 1 – 5).

Tableau 0 - 5 Caractéristiques physiques des radionucléides utilisés dans la thérapie radionucléidique des TNE (Teunissen et al. 2005)

Radionucléides Radiations émises Pénétration tissulaire

maximale de la particule Demi-vie (jours)

Indium-111 (111In) Électrons de Auger et rayon γ 10 m 2.8

Yttrium-90 (90Y) Particules β 12 mm 2.7

Lutétium-177 (177Lu) Particules β, rayon γ 2 mm 6.7

Pour les raisons précédemment évoquées, le 177Lu-octréotate est le

radiopharmaceutique préféré à ce jour et il demeure l’une des thérapies systémiques ciblées parmi les plus prometteuses pour les TNE. En fait, le temps médian de survie sans progression suite à la PRRT est de 33 mois contre environ 11,0 – 11,4 mois pour les thérapies ciblées (Kwekkeboom et al. 2008; Raymond et al. 2011; Yao, Shah, Ito, Bohas, Wolin, Van Cutsem, Hobday, Okusaka, Capdevila, de Vries, Tomassetti, Pavel, Hoosen, Haas, Lincy, Lebwohl, Oberg, et al. 2011).

Récemment, une étude prospective, multicentrique, randomisée de phase III sur la

PRRT au 177Lu-octréotate (étude NETTER-1) versus un ASST (octréotide longue action 60

mg) dans une cohorte de patients atteints de TNE du midgut a été publiée avec des résultats

encourageants (Strosberg et al. 2017). Le 177Lu-octréotate a été associé à une réduction de

79 % du risque de progression de la maladie ou de décès par rapport au traitement avec une dose doublée d’octréotide longue action (rapport de cote = 0.21, IC 95 % : 0.13-0.34 ; P < 0.001) et à un taux de réponse objective de 18 % comparé à seulement 3 % obtenu par l’ASST (P = 0.0008). La survie sans progression médiane dans le groupe PRRT n’a pas encore été atteinte (après 18 mois), tandis que la durée médiane de survie sans progression du groupe octréotide longue action 60 mg était de 8,4 mois (Strosberg et al. 2017). Le Luthatera a reçu l’approbation de l’agence européenne des médicaments European

Medicines Agency (EMA) le 29 septembre 2017 et de l’agence sanitaire américaine Food and Drug Administration (FDA) pour le traitement des TNE gastro-entero-pancréatiques le

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26 janvier 2018. Le 177Lu-octréotate a été aussi utilisé en combinaison avec de la

chimiothérapie comme la capécitabine et le TMZ ou la thérapie ciblée comme l’évérolimus avec un taux de contrôle tumoral important (Claringbold, Price, and Turner 2012; Claringbold and Turner 2015).

En résumé, les figures 1 – 2 et 1 – 3 montrent les algorithmes thérapeutiques des TNE du midgut et pancréatiques. En général, le traitement par PRRT est effectué après qu’un traitement médical de première ligne ait échoué. Sur la base de l’essai de phase III NETTER-1 et des données d'autres études prospectives et rétrospectives des 15 dernières années, la PRRT peut être recommandée dans le traitement des TNE du midgut en tant que traitement de deuxième intention après échec des ASST ou comme traitement de troisième intention après échec de l’évérolimus (Pavel et al. 2017) (Figure 1 – 2). De plus, étant donné les différentes options thérapeutiques établies et approuvées et l’absence d’un essai prospectif avec PRRT dans les TNE du pancréas, le traitement par PRRT est en général recommandé dans les TNE bien ou modérément différenciées (G1 ou G2) après échec des traitements par ASST, de la chimiothérapie ou des thérapies ciblées (Pavel et al. 2017) (Fig.1 – 3).

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Fig. 0 - 2

Algorithme thérapeutique pour la prise en charge des TNE du midgut avec maladie locorégionale avancée et/ou métastases à distance [reproduite de (Pavel et al. 2017) avec permission].

CS = syndrome carcinoïde ; LM = métastases au foie ; PD = maladie progressive ; SD = maladie stable.

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Fig. 0 - 3

Algorithme thérapeutique pour la prise en charge des TNE pancréatiques avec maladie locorégionale avancée et/ou métastase à distance [reproduit de (Pavel et al. 2017) avec permission].

CS = syndrome carcinoïde ; LM = métastases au foie ; PD = maladie progressive ; SD = maladie stable