La validation d’une échelle de triage se fait après avoir évalué sa reproductibilité et son exactitude (ou validité). Ces deux notions sont illustrées par la figure 3.1 qui représente
Peu reproductible Peu exact
Peu reproductible Exact
Reproductible
Peu exact Reproductible Exact
Figure3.1. – Reproductibilité et exactitude d’un score
une cible et les différents tirs d’un arc. La reproductibilité est une mesure des erreurs aléatoires entre l’objectif défini (représenté par le centre de la cible) et le niveau de triage (représenté par les différents tirs). La reproductibilité peut être mesurée [56] grâce aux pourcentages de concordance, au coefficient kappa (κ) ou idéalement au coefficient kappa pondéré (κw). Elle peut être étudiée en situation réelle ou en présentant des scenarii aux soignants. L’exactitude est une mesure des erreurs systématiques entre l’objectif défini et le niveau de triage. L’exactitude peut être mesurée grâce aux coefficients de corrélation ou aux courbes ROC. La validation d’une échelle de triage nécessite que la reproductibilité et l’exactitude soient toutes deux satisfaisantes (Figure 3.1.D). Évaluer une échelle de triage implique également de se référer à un gold standard représentant l’objectif du triage. Un des problèmes de l’étude des échelles de triage est la définition de ce gold standard censé représenter l’état de santé exact du patient. Ce gold standard n’existant pas, il faut utiliser un critère de substitution. Peuvent être choisis comme critère de substitution le taux d’hospitalisation, la consommation de ressources, le taux d’admission en réanimation et soins intensifs, ou encore la durée de séjour en SU. L’évaluation d’une échelle de triage est donc complexe, la reproductibilité et l’exactitude dépendant de l’objectif de l’échelle mais aussi du personnel qui l’utilise.
3.1.1. Échelle canadienne de triage et de gravité
L’échelle canadienne de triage et de gravité (ÉTG) utilisée chez l’adulte a une
re-productibilité modérée à forte, évaluée avec un κ de 0,46 [57] à 0,91 (κw) [58] pour les
pa-et comparé au niveau 3 : OR = 4,4 pour le 1, OR = 2,2 pour le 2, OR = 0,4 pour le 4 pa-et OR = 0,2 pour le 5 (p < 0,001). L’ÉTG permet également la prédiction de la mortalité [60], de la durée de séjour en SU et de la consommation de ressources [61].
L’ÉTG [62] utilisée chez l’enfant a une reproductibilité modérée, évaluée avec un κ de 0,55 pour les scenarii, de 0,51 pour les cas réels. Dans l’étude de Gravel et al. [63] (n = 550 940 patients), l’exactitude de l’ÉTG à prédire le taux d’hospitalisation retrouve en fonction du niveau : 61 % pour le 1, 30 % pour le 2, 10 % pour le 3, 2 % pour le 4 et 1 % pour le 5 (p < 0,001). L’ÉTG permet également la prédiction de la durée de séjour en SU, de l’admission en réanimation et de la probabilité de sortie sans avis médical [63].
3.1.2. Classification infirmière des malades aux urgences
La classification infirmière des malades aux urgences (CIMU) [64] version 2 utilisée
chez l’adulte a une reproductibilité forte, évaluée avec un κw de 0,77 (CIs 95 % [0,71
-0,82]) pour les scenarii. Dans l’étude de Taboulet et al. [64] (n = 941 patients), l’exac-titude de la CIMU version 2 à prédire le taux d’hospitalisation retrouve en fonction du niveau : 83 % pour le 1 et le 2, 44 % pour le 3, 5 % pour le 4 et 1 % pour le 5 (p < 0,001). LA CIMU permet également la prédiction de la durée de séjour en SU et de la consommation de ressources [64]. Nous n’avons pas retrouvé d’étude évaluant la reproductibilité ou l’exactitude de la CIMU chez l’enfant.
3.1.3. Emergency severity index
L’emergency severity index (ESI) version 3 utilisée chez l’adulte a une reproductibilité
forte, évaluée avec un κw de 0,89 [58, 65] pour les scenarii et de 0,73 [66] pour les cas
réels. Dans une étude visant à comparer l’ÉTG et l’ESI, Worster et al. [58] retrouvent des reproductibilités fortes, que ce soit pour l’ÉTG (κ = 0,91 ; ICs 95 % [0,90 - 0,99]) comme pour l’ESI version 3 (κ = 0,89 ; ICs 95 % [0,88 - 0,99]), sans différence significative entre les deux échelles. Dans l’étude de Tanabe et al. (n = 403 patients) [65], l’exactitude de l’ESI à prédire le taux d’hospitalisation retrouve en fonction du niveau : 80 % pour le
L’ESI utilisée chez l’enfant a une reproductibilité modérée à forte, évaluée avec un κw
de 0,77 [68] et 0,84 [69] pour les scenarii, de 0,57 [68] et 0,59 [69] pour les cas réels. Dans l’étude de Travers et al. [68] (n = 1 175 patients), l’exactitude de l’ESI à prédire le taux d’hospitalisation retrouve en fonction du niveau : 83 % pour le 1, 46 % pour le 2, 17 % pour le 3, 4 % pour le 4 et 0 % pour le 5 (p < 0,001). L’ESI permet également la prédiction de la durée de séjour en SU [68].
3.1.4. Australasian triage scale
L’australasian triage scale (ATS) utilisée chez l’adulte a une reproductibilité modérée, évaluée avec un κ de 0,56 [70] pour les scenarii. Une étude de Doherty et al. confirme l’exactitude de l’ATS à prédire la mortalité [71]. Van Gerven et al. soulignent l’exactitude de la national triage scale (NTS), ancêtre de l’ATS, à prédire le taux d’hospitalisation [72]. Cependant, la généralisation des résultats de la NTS vers l’ATS est critiquable, bien que les échelles soient proches. Nous n’avons pas retrouvé d’évaluation de l’exactitude de l’ATS à prédire l’hospitalisation ou la consommation de ressource.
L’ATS utilisée chez l’enfant a une reproductibilité faible à modérée, évaluée avec un κ de 0,21 [73] à 0,58 [70] pour les scenarii. L’étude de Crellin et al. [73], qui retrouve une faible reproductibilité (κ = 0,21), présente cependant d’importantes critiques méthodologiques. Nous n’avons pas retrouvé d’étude évaluant l’exactitude de l’ATS chez l’enfant.
3.1.5. Manchester triage system
La Manchester triage system (MTS) utilisée chez l’adulte a une reproductibilité forte, évaluée avec un κ de 0,49 [74] à 0,82 (κw) [75] pour les scenarii. Dans l’étude de Van der Wulp et al. [76] (n = 37 974), l’exactitude de la MTS à prédire l’hospitalisation retrouve en fonction du niveau et comparé au niveau 4 : OR = 21 pour le 1, OR = 9 pour le 2, OR = 4,8 pour le 3 et OR = 0,5 pour le 5 (p < 0,001). La MTS permet également la
chez l’enfant a une reproductibilité forte, évaluée avec un κw de 0,62 [74] et 0,83 [78] pour les scenarii, de 0,65 [78] pour les cas réels. Dans l’étude de Roukema et al. [79] (n = 1 065 patients), l’exactitude de la MTS à prédire le taux d’hospitalisation retrouve en fonction du niveau : 53 % pour le 1, 29 % pour le 2, 16 % pour le 3, 6 % pour le 4 et 1 % pour le 5 (p < 0,001). La MTS permet également la prédiction de la consommation de ressources [79].