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La rupture conventionnelle plan de départ volontaire

14 N Activités de services administratifs et de soutien 34 9 (+2)

III) Les entretiens : résultats bruts

12. Vécus de la procédure et du départ

Nous nous posions la question de savoir si ce dispositif concourt à pacifier, dans les faits, les ruptures de contrat de travail. Si pacifier c’est éviter le recours aux tribaux, alors la réponse est positive. Mais si pacifier c’est éviter les conflits latents ou ouverts ou ressentir un vécu positif de la procédure, alors la réponse est négative. En effet, si la quasi-totalité des interviewés émettent une opinion très favorable sur le dispositif de rupture conventionnelle (comme nous le verrons plus loin), la procédure est en revanche, chez bon nombre de

salariés, vécue difficilement, certains ressentent même de la colère et de l’écœurement. Il

peut s’agir de personnes qui vivent un conflit et/ou qui sont contraintes à partir, mais aussi de salariés à l’initiative de la rupture :

- secrétaire : « je ne voulais pas lui faciliter la tâche et je voulais lui dire ce que je pensais

lors du dernier entretien, mais il ne m’a pas entendu. C’était difficile, je suis sortie en pleurant ».

- préparatrice en pharmacie : « la mise en place concrète a été très longue parce qu’au début

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allait le faire, mais il ne me donnait pas de date précise d’entretien pour cette rupture. Il n’enclenchait pas le processus donc c’était très long et surtout très tendu ! Cette année a été très dure. (…) La période du délai de rétraction et d’homologation ça dure, deux mois… Ça a été les deux mois les pires de ma vie. Il me mettait une pression telle… Il faisait tout pour me pousser à la faute grave. (…) Il a essayé par tous les moyens de me déstabiliser, mais moi grâce à l’inspection du travail j’ai pu lui montrer qu’il n’avait pas le droit de faire ce qu’il faisait. (…) J’étais sur mes gardes tout le temps et pour tout ! J’ai une famille qui a été très présente et heureusement parce que c’est grâce à ça que j’ai pu gagner la bataille et la guerre surtout ! ».

- commercial : « si on m’a expliqué ? Sincèrement ? Je lui ai dit, je m’en fou, je signe et je

pars ! Je me prends pas la tête dans ces cas-là. Le plus marrant, c’est qu’on m’a fait signer ça alors que j’étais en arrêt de travail pour dépression à cause de ce crétin ! J’étais super pote avec le directeur Europe, il aurait fallu que je passe un seul coup de fil pour rester, mais quand ça commence comme ça, c’est pas la peine. (…) La DRH m’en a parlé le mardi et le mercredi j’avais l’entretien. Je suis rentré dans son bureau, j’ai signé et je suis reparti donc ça a duré 16 secondes ! J’ai rien regardé. L’indemnité de départ ? Non, vraiment j’ai même pas regardé. J’ai été contraint, mais quand on veut plus de moi, je vais pas chercher à m’accrocher, je passe à autre chose. J’ai juste signé sans regarder le montant. Le montant je l’ai su le soir quand ma copine a voulu voir les papiers que j’avais signé. Dans le fond, j’étais écœuré ».

- responsable service administratif et commercial : « le jour où ils m’ont convoqué, je suis

tombée de l’escabeau parce que ça se passait très très bien et il y avait énormément de travail. Je pensais que c’était pour faire un suivi des intérimaires qu’on me convoquait. Donc j’y allais avec le sourire jusque-là sans aucune pensée, c’était impressionnant ! C’était très dur ! ».

- responsable administrative et financière : « jusqu’à la signature de la rupture conventionnelle où il y avait bien écrit mes trois mois et demi d’indemnité ça a été super dur ! C’était stressant, il y avait cette pression et je voulais partir. Donc là pendant trois mois, psychologiquement les négociations étaient hard, c’était dur ! J’ai eu la chance d’avoir le soutien du commissaire aux comptes, mais jusqu’à la fin parce que je le connaissais tellement,

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j’avais tellement peur qu’il revienne sur sa décision. Tant que le protocole de rupture conventionnelle n’était pas signé, j’étais super stressée. Le stress supplémentaire c’était l’homologation de l’inspection du travail parce que quand on a envie de partir, on ne veut pas qu’une personne extérieure dise non. En plus, moi derrière j’avais trouvé du travail ! Ma rupture conventionnelle c’était le 15 décembre et je commençais mon nouveau travail le 16 ! C’est le vécu de la procédure qui est lourd à gérer ».

- chef d’équipe dans le transport : « moi j’étais très pressé, je voulais partir le plus vite

possible parce que quand on rentre de formation, qu’on a un travail… Parce que pendant ma formation j’avais fait des stages dans une entreprise qui m’a dit que si je validais mes acquis, un poste m’attendait. Donc quand je suis revenu au travail, j’avais qu’une envie c’était de partir. Donc ça a été deux mois très très très très longs ! En plus je me mettais à l’écart parce que je partais donc je n’allais pas reprendre mon poste. J’en ai avisé mon chef de centre. J’ai quand même assuré mon travail, mais en collaboration avec la personne qui me remplaçait. C’était un peu particulier, je me suis senti très mal jusqu’à la fin ».

- préparatrice de commandes en pharmacie : suite à plusieurs refus d’homologation et souhaitant quitter l’entreprise au plus vite, elle a très mal vécu la procédure.

- assistante comptable : sans justification, la rupture conventionnelle a été vécue comme un choc pour elle. Elle pensait, qu’en étant irréprochable dans son travail depuis 35 ans, elle serait toujours reconnue.

D’autres positivent leur départ (même lorsqu’il est contraint par l’employeur) en y voyant une opportunité pour leur trajectoire professionnelle :

- consultant : « ça a été un soulagement pour moi de les quitter parce qu’il n’y avait plus rien

à faire avec ces gens-là et on avait engagé la procédure, donc je m’étais fait à l’idée de les quitter. J’ai fini par me dire que c’est un mal pour un bien. Je suis parti dans cet état d’esprit pour rester constructif. C’est aussi le coup de pied au cul qui fait qu’on va voir ailleurs parce que je savais qu’il n’y avait plus rien à faire ».

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assez exceptionnelle sur le fait qu’elle acceptait les ruptures conventionnelles. Tout s’est passé sans souci » (chef de projets, Île-de-France) et des procédures qui se déroulent

sereinement : « ça s’est passé très vite, très simplement, la procédure n’est vraiment pas

lourde » et « tout s’est très bien passé, ce n’était pas un coup de poignard dans le dos ».

Enfin, pour certains salariés elle représente un véritable soulagement, notamment lorsque la RC supprime toutes formes de souffrance au travail.

Mais quelques en soient les modalités, comme pour toutes ruptures de contrat, il n’est jamais aisé de quitter son emploi, son poste de travail et ses collègues. Que la page se tourne dans un soulagement ou avec amertume, la rupture est toujours marquante, comme en attestent ces dires : « avant de signer j’avais quand même la larme à l’œil, c’est une page qui se tourne.

(…) Ça fait un pincement de faire ses cartons » ;

« Mais j’ai quand même pas quitté mon travail sans un peu de regret non plus » ;

« Compte tenu de mon profil, on peut se dire que c’est un peu une préretraite dans le départ,

pas vraiment mais bon. Je ne suis pas du tout dans l’esprit de la prétraite, de me dire que je ne suis plus utile à rien. Je fais une recherche réelle de travail »

Voyons maintenant ce qu’il en est de la phase qui suit la rupture (le devenir de l’emploi, du salarié et les opinions sur le dispositif).

166 III.3) L’après rupture

Cette dernière partie vise à rendre compte de ce qu’il advient du poste des enquêtés ayant connu une RC (est-il majoritairement pourvu ou supprimé ?) (1.), des salariés eux-mêmes (sont-ils toujours à la recherche d’un emploi ou en ont-ils retrouvé un ?) (2.) et enfin, quelles opinions portent-ils sur ce dispositif avec ces quelques mois de recul (3.).