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La rupture conventionnelle plan de départ volontaire

14 N Activités de services administratifs et de soutien 34 9 (+2)

III) Les entretiens : résultats bruts

3. Le contexte de la rupture de contrat : circonstances et pourparlers

3.5. D’autres formes de ruptures de contrat ont-elles été envisagées ?

3.5.1. La question de la démission

Pour les salariés qui sont à l’initiative de leur départ, deux cas de figures distincts se dégagent : ceux qui, sans la rupture conventionnelle, auraient démissionné ou y songeaient fortement et ceux qui n’auraient jamais démissionné.

D’une part, environ un tiers des salariés aurait démissionné à plus ou moins long terme, que ce soit pour des raisons professionnelles ou extra-professionnelles et que ce départ recouvre un réel désir de reconversion professionnelle, des raisons familiales ou une incapacité de rester à un poste devenu intenable pour des raisons liées aux collègues, aux supérieurs hiérarchiques ou aux changements intervenus dans les conditions de travail ou le management. Les propos suivants illustrent des cas de démission en lieu et place de la rupture conventionnelle ou à plus longue échéance :

- standardiste : « je pense que si, j’aurai démissionné en dernier recours s’ils ne m’avaient

pas accordé la rupture conventionnelle parce que je ne pouvais pas rester, c’était plus possible. Je ne pouvais pas rester à Paris, j’étais à bout, les conditions de vie étaient trop difficiles ».

- électricien : « moi j’avais décidé de partir donc si pour lui au niveau financier…Parce qu’il

y a une indemnité… Il y a quand même un coût pour le patron… Si ce n’était pas possible pour lui, j’aurai fait une démission ».

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- ingénieure analyste en informatique : « je n’aurai pas démissionné à ce moment là, mais

j’aurai certainement démissionné un peu plus tard. Pour faire autre chose parce que j’ai plus envie de me recycler que de refaire de l’informatique ».

- manutentionnaire dans un supermarché : le salarié avait envisagé de démissionner durant la période estivale de 2010. « Sur le coup c’était assez loin, j’étais en scooter, j’avais pas encore

le permis, d’ici ça faisait une petite trotte et tous les matins, l’hiver c’était très froid, c’était loin, niveau essence c’était pas…. Donc très tôt le matin, je devais me lever très tôt le matin surtout l’été parce que le temps du trajet et le temps de la préparation avant, vu que j’embauchais à 4h du matin l’été, j’avais pas beaucoup de sommeil. C’est vrai que c’était un petit peu dur à faire, et donc en plein été, j’ai pensé à partir parce que je ne supportais pas de me lever le matin, donc ça m’est passé par la tête et en fait je me suis dit que ça ne valait pas le coup que je parte ». Lorsque son employeur lui a fait part de son désir de séparation, celui-

ci lui a laissé le choix : « c’était soit le licenciement pour faute grave, soit la rupture

conventionnelle ». L’enquêté a donc choisi la deuxième solution qui lui a évité d’être

directement licencié pour une faute qu’il affirme ne pas avoir commis. Dans ce cas, différents modes de rupture ont été envisagés.

Certains salariés subissant une réelle souffrance au travail avaient même annoncé leur départ par démission à leur employeur, bien souvent à la suite d’une énième altercation :

- secrétaire médicale : lors d’un conflit de trop avec son employeur, la salariée déclare « puisque c’est ça, je m’en vais ! ». Celui-ci lui répond « eh bien vas t’en ! », donc elle quitte le cabinet.

- vendeur de pizzas : son employeur rédige une liste de reproches à l’encontre du salarié qui souhaite alors démissionner dès qu’il aura trouvé un autre poste (« si je suis une plaie pour

toi, je m’en vais »). L’accord sur la RC se fera quelques jours plus tard à l’initiative de

l’employeur.

Le salarié peut songer à la démission et son employeur peut également l’y pousser :

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ouvrir son garage. « J’ai été honnête, en début d’année 2010, j’avais dit que je voulais me

mettre à mon compte, que ça dérangeait pas et que je ferai quand même toujours mon travail, le temps que je fasse tous les papiers. En février, j’avais donc commencé à faire des recherches pour me mettre à mon compte avec mon fils ». Cela a pris plus de temps que

prévu, sa direction a fait pression sur lui pour qu’il parte le plus vite possible. Face au refus du salarié de démissionner avant l’accord des banques malgré le harcèlement et sans motif valable pour le licenciement, sa direction lui proposera une rupture conventionnelle.

- vendeuse : « jamais, elle le sait, elle sait toujours comment faire pour que les gens partent

d’eux-mêmes […] voilà, elle pousse à la démission ».

Le salarié peut également envisager de démissionner, mais l’employeur lui propose une RC :

- conducteur de travaux : il songe à démissionner avant la fin de l’année, car les relations avec son employeur sont devenus exécrables. En septembre, ce dernier le convoque et lui annonce son départ par RC. Il accepte immédiatement cette proposition qui l’avantage financièrement.

A contrario, de nombreux salariés pensaient quitter leur entreprise en démissionnant, mais à la

suite d’une prise de renseignements, ils optent pour la RC, notamment parce qu’elle offre un filet de sécurité assurantiel (le droit au chômage).

D’autre part, les deux tiers des salariés à l’initiative de leur départ n’auraient pas démissionné, malgré une importante souffrance au travail ou une envie de reconversion professionnelle et ce pour deux raisons : soit parce qu’il leur fallait nécessairement le filet de sécurité que représentent les indemnités-chômage (sans quoi ils « ne pouvaient pas se le permettre »), soit parce que l’on retrouve une idée de « patrimonialisation de leur emploi » (volonté d’une prime de départ après plusieurs années d’ancienneté). Sans la rupture conventionnelle, certains salariés subissant des conditions de travail difficiles ou ayant un projet de reconversion professionnelle, seraient donc néanmoins restés à leur poste. Voici ces situations illustrées :

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- attachée à la promotion du médicament, Île-de-France : « ah non, une démission, j’aurais

jamais… Je ne serais pas partie, je n’aurais pas fait ça, je n’aurais pas pu, j’ai un crédit sur le dos et une fille à charge ».

- assistante de direction : « moi c’était une rupture conventionnelle ou rien, il était hors de

question que je démissionne ! C’est pour des raisons personnelles parce que j’ai acheté une maison donc je ne pouvais pas me permettre de rester sans travail. Vu que j’avais un salaire de région parisienne, j’ai quand même un montant de chômage assez intéressant ».

- chef d’équipe dans le transport : « sans la rupture conventionnelle je n’aurai pas

démissionné, c’est certain. Je sais que c’est quelque chose… Pour moi au bout de dix ans de boîte, l’entreprise… Je ne dis pas qu’elle me devait parce qu’elle me devait rien, mais il ne fallait pas partir comme ça, sans rien. Il fallait quelque chose, je ne sais pas si c’est une reconnaissance ou quoi que ce soit, mais il fallait quelque chose parce qu’on était en très bons termes. Démissionner c’est trop compliqué, trop lourd, heureusement qu’il y a eu la rupture conventionnelle ».

La démission peut aussi être encouragée par l’employeur, mais refusée par le salarié :

- technicien géomètre : il évoque la RC devant son employeur qui ne connaît pas le dispositif. Ce dernier accepte dans un premier temps, puis se rétracte lorsqu’il comprend qu’il doit verser une indemnité de départ : « tu te fous de ma gueule ! Tu t’en vas et en plus il faut qu’il

[l’employeur] te file des thunes ! (…) Si tu n’es pas content, tu démissionnes ».

Dans de nombreux cas, la RC peut représenter une issue lorsque le salarié ne souhaite pas démissionner et que l’employeur ne veut pas licencier :

- hôtesse de caisse : la salariée avait déjà envisagé de partir depuis plusieurs années. C'est pour cela qu'elle avait demandé par trois fois au FONGECIF une aide à la formation. Ses trois demandes se sont soldées par trois refus. « Ça faisait plusieurs années que je voulais partir.

En fait, j’ai demandé à faire une formation à l’AFPA et donc j’ai demandé une demande de subvention au FONGECIF et le FONGECIF m’a refusé trois fois. Et donc, j’ai pris le risque de partir en me payant moi-même ma formation. Tout le monde le savait que ça allait pas,

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j’avais vraiment envie de partir, j’étais pas bien ». Entre temps, elle avait réfléchit au

licenciement pour faute car il était hors de question pour elle de démissionner. La direction ne souhaitait pas se séparer d’elle et n’envisageait donc pas de la licencier.

Parfois, lorsque la démission n’est pas possible pour le salarié, l’employeur envisage un licenciement :

- employée de paroisse : au mois de juin 2010, sa sœur lui parle de l’existence de la rupture conventionnelle sans que l’enquêtée n’ait pris de réelle décision sur un possible départ. « Honnêtement, quand j’ai repris le 1er août [2010], je me suis dit “ il faut que je fasse un an

de plus ”, c’était pesant, quand j’ai repris oui. Je me suis dit “ mais il faut encore faire un an de plus, c’est pas rien”. Bon le temps passe, j’en conviens, mais un an de plus c’est pas rien quand même, bon à mon âge, j’ai des problèmes au cœur donc je me disais que ça allait être lourd parce que j’étais pas toujours bien quand même sur le plan santé ». Aucune autre forme

de départ n’avait été envisagée avant et ce en raison du décès de son mari qui l’a contrainte à travailler plus longtemps pour pouvoir cotiser suffisamment pour sa retraite. Elle reconnaît cependant que « si mon mari avait vécu, j’aurais souhaité m’arrêter mais financièrement je

ne pouvais pas ». C’est une altercation avec une personne sur son lieu de travail, au mois

d’août, à son retour de vacances, qui précipite son départ. Cependant, avant la proposition de la rupture conventionnelle, la comptable de l’employeur lui propose un licenciement « pour

incompatibilité d’humeur ou pour faute grave ». Mais analysons plus en détail la question du

licenciement.