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E. ANALYSE CRITIQUE DE LA REVUE DE LA LITTÉRATURE

1. Le vécu émotionnel des pères

D’une manière générale, l’étude quantitative d’Hildingsson, Cederlöf & Widén, (2010) relève que 82% des pères ont reporté avoir eu une expérience positive (positive ou très positive) de l’accouchement, alors que 18% ont eu une expérience plutôt négative (négative, très négative ou sentiments ambivalents).

Pendant le travail, les sentiments des pères varient entre la joie et le désespoir (notamment face à la douleur de leur partenaire et du fait de ne pas pouvoir l’aider), et entre excitation et anticipation (Premberg & al., 2011, étude qualitative).

Moreau & al. (2008) comparent l’expérience émotionnelle des pères et des mères en étudiant des sentiments spécifiques durant l’accouchement : les pères se sentent plus satisfaits (p<0.01), plus fiers (p<0.05), plus heureux (p<0.001), plus calmes (p<0.05) et ressentent moins de souffrance (p<0.01) que leur partenaire. Cependant, ils se sentent plus seuls (p<0.001) et moins utiles (p<0.001).

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73 L’étude a également comparé les sentiments d’anxiété, d’impatience, de contrôle et de peur entre les pères et les mères mais il n’y avait pas de différence significative. (t de Student, p > 0.1).

Les sentiments négatifs que les pères ont ressenti lors du travail s’estompent par le caractère bouleversant de la naissance et sont remplacés par des émotions variées et difficiles à décrire (Premberg & al., 2011, étude qualitative). Par ailleurs, l’étude qualitative de Kopff-Landas & al. (2008) révèle que le moment de la naissance est perçu comme un moment de bonheur et de joie pour la majorité des parents. Cependant, l’étude quantitative de Moreau & al. (2008) souligne qu’il n’y aurait pas de différence significative de vécu entre la phase de travail et la phase d’expulsion (p>0.05). Les pères ont ressenti des émotions très fortes au moment de la naissance, notamment face à la douleur de la partenaire, à la vision de l’apparence physique du nouveau-né et à l’action de couper le cordon ombilical (Johnson, 2002b, étude quantitative et qualitative). De plus, les pères se sont sentis pères au moment de la naissance ; l’enfant devient réel, alors qu’avant, il représentait quelque chose d’indéfini qui appartenait au futur (Premberg & al., 2011, étude qualitative).

Enfin, pour Moreau & al. (2008, étude qualitative), le vécu de l’accouchement (évalué en trois temps : phase de travail, naissance et vécu total) influence de manière significative les scores de l’échelle EPDS1

obtenus à 2-3 jours P-P, pour les pères (comme pour les mères). (Corrélation de Pearson, p< 0,05).

1.1 Le stress des pères autour de l’accouchement et ses facteurs

associés

i Le stress autour de la naissance

L’étude quantitative de Johnson (2002a) utilise une échelle IES pour mesurer le stress perçu par les pères en trois temps différents : durant la grossesse, durant le P-P précoce et à 6 semaines P-P. Ce niveau de stress perçu est calculé à l’aide des scores obtenus dans deux catégories : les « pensées intrusives » (7 questions) et « l’évitement » (8 questions). Les pensées intrusives sont des pensées involontaires qui s’imposent à notre esprit, ici relatives à la grossesse et à la naissance ; il peut s’agir de pensées spontanées, d’images, de rêves, d’émotions fortes ou de comportements répétitifs. L’évitement, quand à lui, est la façon dont un individu évite de penser à un événement stressant : il peut s’agir de déni, de colère ou

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74 d’inhibition. L’addition de ces deux catégories forme le score total de stress qui peut être comparé à une norme de la population masculine présentant une bonne santé psychique (moy. = 6,9 ; SD = 6,8) obtenue dans l’étude de Horowitz, Wilner & Alvaraz (1979). La norme d’une population atteinte de stress post-traumatique atteint 35,3 (SD=22,6).

Cette étude démontre que les niveaux de stress relevés chez les pères sont significativement plus hauts que la norme (rappel : moyenne de la norme IES=6,9) durant la grossesse (moy. IES=15,8 ; SD=6.6 ; t=9.77 ; df=52 ; p<0,0001), lors du P-P précoce (moy. IES=19,7 ; SD=7,1 ; t=13,1 ; df=52 ; p<0,0001) et à 6 semaines P-P (moy. IES=16,4 ; SD=7,2 ; t=9,55 ; df=52 ; p<0,0001). L’étude ajoute que la différence entre ces trois moyennes IES est significative (F(2,140)=56,5, p<0,0001). Elle constate donc que le niveau de stress des pères est plus élevé dans le P-P précoce que durant la grossesse (F(1,52)=162,8, p<0,0001), et qu’il diminue à 6 semaines P-P (F(1,52)=45,2, p < 0,0001). Enfin, l’étude révèle que la catégorie des pensées intrusives – en comparaison avec la catégorie de l’évitement – est l’élément qui influence le plus le niveau de stress total.

ii La présence des pères au moment de la naissance : un facteur causal

Dans la même étude, il s’avère que le niveau de stress est plus élevé chez les hommes ayant été présents à la naissance de leur enfant (n=41) dans le P-P précoce (moy. : 22,0, écart-type : 6,2) et à 6 semaines P-P (18,4 +/- 6,3) que chez ceux qui sont sortis de la salle au moment de l’expulsion (n=12 ; moy. du P-P précoce = 11,7 +/- 2,7 et à 6 semaines P-P = 9,6+/- 6,0).

L’auteur a effectué une analyse de covariance (ANCOVA1) pour déterminer si le niveau de stress durant la grossesse pouvait également être un facteur causal de ces niveaux de stress relevés dans le P-P précoce : il semblerait que ce résultat soit significatif lui aussi (F(1,50)=8,4, p=0, 01). Il y a donc deux facteurs influençant le stress du P-P précoce : le niveau de stress durant la grossesse et la présence des pères au moment de la naissance. L’analyse de covariance montre en effet que le fait d’avoir été présent à la naissance – tout en prenant en compte ce facteur de stress durant la grossesse – augmente davantage le stress dans le P-P précoce (F(1,50)=20,7, p<0,0001).

Les mêmes résultats apparaissent pour les niveaux de stress relevés à 6 semaines P-P ; les niveaux de stress durant la grossesse (F(1,50)=8,4, p<0,01) et la présence des pères à la

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ANCOVA est une méthode statistique permettant de tester la « significativité des facteurs de mesures répétées univariées avec plus de deux niveaux » (Statsoft, 2013).

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75 naissance de leur enfant (F(1, 50)=20,7, p<0,0001) sont des facteurs influençant le stress à 6 semaines P-P.

iii La satisfaction de l’expérience globale : un facteur causal

L’étude de Capogna & al. (2006), quant à elle, a démontré une corrélation entre la satisfaction de l’expérience de la naissance et le niveau d’anxiété perçu. Plus la satisfaction de l’expérience est négative, plus l’anxiété est élevée (p<0.0001).

iv L’analgésie péridurale : un facteur causal

Dans la même étude, les pères du groupe sans APD ont montré des niveaux d’anxiété plus élevés durant le travail que ceux du groupe avec APD (STAI score 75 vs 30, p<0.0001). Un jour après la naissance de leur enfant, 99% des pères du groupe sans APD ont reporté de hauts niveaux de stress alors que 94% de ceux du groupe avec APD ont reporté des niveaux de stress moins élevés (p<0.0001).

v Le caractère inconnu de la naissance : un facteur causal

Selon Premberg & al. (2011), les pères ont éprouvé du stress dû au caractère inconnu de la naissance et au fait qu’ils ne savaient pas comment ils allaient réagir et gérer la situation.

vi L’âge, le statut marital, le nombre d’enfant et le fait d’avoir été présent à une naissance auparavant : des facteurs non significatifs

L’étude d’Hildingsson & al. (2010) compare les données démographiques de l’échantillon (âge, statut marital, origine, niveau d’éducation) avec l’évaluation des pères du vécu de l’expérience générale de la naissance ; les auteur-e-s n’ont pas trouvé de relation significative entre les deux. Par ailleurs, dans l’étude de Johnson (2002a), l’auteur a effectué une analyse de variance (ANOVA1) entre différentes données démographiques (l’âge, le statut marital, le nombre d’enfants, le fait d’avoir été présent à une naissance auparavant, etc.) et les niveaux de stress durant la grossesse, le P-P précoce et à 6 semaines précoces ; ces facteurs n’induisent pas de différence significative.

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