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Chapitre 4 : Présentation des résultats sur le point de vue de l’enfant

4.5 Le vécu émotionnel des enfants

La quatrième thématique de l’entrevue visait à explorer le vécu émotionnel des enfants en lien avec les visites supervisées. Afin d’avoir un portrait plus global de l’ensemble des émotions qu’ils peuvent ressentir, nous avons divisé cette thématique en trois temps, soit avant, pendant et après une visite. Nous invitions les enfants à compléter les phrases par la ou les émotions qui correspondaient le mieux à leur ressenti. Voici un exemple de ce qui était demandé aux enfants : « Avant une visite, je me sens…? »; « Qu’est-ce qui fait que tu te sens…? ». Nous leur avons également demandé à qui ils se confiaient après les visites supervisées avec leur parent.

Afin d’aborder le sujet des émotions avec les enfants, nous leur avons d’abord présenté celles que nous avions sélectionnées : la joie, la tristesse, la colère, la déception et l’excitation/la fébrilité. Nous leur avons demandé de donner un exemple pour chacune des émotions afin d’en valider leur compréhension. Pour ce faire, des images tirées du livre Léon

et les émotions – Léon est un personnage bien connu des enfants – ont été utilisées. Un tableau

4.5.1 Avant une visite

Plusieurs enfants ont dit vivre un mélange de joie et de fébrilité avant une visite : « Les deux mélangés ensemble » (Jérémie, 9 ans). Les enfants ont dit qu’ils sont heureux de voir leurs parents qu’ils n’ont pas vus depuis longtemps ou qu’ils n’ont pas la chance de voir souvent. Voici un extrait qui traduit bien la joie que les enfant peuvent ressentir à l’idée d’aller voir leurs parents ou leur fratrie : « Heureuse, je souris, je suis contente de voir mes parents, des fois ça fait longtemps que je les ai pas vus et je dis yes! » (Leticia, 9 ans).

Certains ont également rapporté se sentir fébriles ou excités avant une visite. Cette fébrilité ressentie par les enfants est liée à la hâte de voir le parent, de connaître ce qu’il a apporté, de ne pas savoir comment la visite va se dérouler et de voir les activités qui y seront faites. Voici les extraits qui témoignent de la fébrilité pouvant être ressentie par les enfants avant une visite : « Je suis excitée, ben j’ai hâte, j’attends, je saute partout » (Raphaëlle, 10 ans); « Fébrile, parce que j’ai hâte de les voir et je me demande ce qui va arriver » (Thomas, 11 ans); « Fébrile, hum…heureuse, parce que j’ai hâte de voir ce que maman m’amène et de voir maman […] » (Sophia, 10 ans).

Malgré le fait que la majorité des enfants aient parlé de ce moment avec un sentiment de hâte et de joie, d’autres ont dit ressentir un amalgame d’émotions qui peuvent être difficiles à exprimer : « Joyeux, triste ou déçue, pleins d’émotions en même temps et on est pas capable de les dire » (Sarah-Jade, 10 ans).

L’enfant peut ressentir de la joie à l’idée de voir sa famille, mais aussi de l’incertitude face à la possibilité que le parent annule : « Ça se peut que ma mère annule la visite » (Sarah- Jade, 10 ans). Les visites peuvent aussi être synonymes de déception lorsque l’enfant n’a pas de transport pour se rendre à sa visite ou de tristesse lorsque le parent annule sa venue : « Mes parents ils annulent et là ils disent oui oui je vais y aller puis des fois ils annulent et ça fait triste » (Leticia, 9 ans).

4.5.2 Pendant une visite

Encore une fois, la joie et l’excitation ont été les deux émotions les plus nommées par les enfants pour dire comment ils se sentaient durant une visite avec leur parent : « Excitée et heureuse, ben je suis tellement contente que je suis excitée » (Léa, 12 ans). Certains ont dit être heureux de l’affection reçue du parent durant la visite. D’autres ont dit être excités de se retrouver en famille pour faire des activités et de pouvoir passer du temps avec leur parent : « Excité parce qu’on fait beaucoup d’activités […] » (William, 11 ans); « Parce que je passe beaucoup de temps avec ma mère et j’aime ça » (Raphaëlle, 10 ans).

Certains enfants ont rapporté vivre de la gêne avec leur parent durant les visites : « Je suis juste gênée » (Leticia, 9 ans). D’autres ont souligné être contents de voir leur famille, mais déçus lorsque la visite ne se déroule pas selon leurs attentes, comme en témoigne l’extrait suivant : « Pendant une visite, des fois je m’attendais pas à des choses alors je suis déçu […] » (Thomas, 11 ans).

4.5.3 Après une visite

La majorité des enfants rencontrés ont dit vivre de la tristesse ou de la déception après une visite supervisée. Les enfants ont rapporté être tristes de devoir quitter leur parent, parce qu’ils aimeraient les voir plus souvent : « Triste par ce que ça me tente pas de quitter maman » (Sophia, 10 ans); « Triste parce que ma mère elle s’en va, comme je la vois et les journées comme après demain je la vois pas » (Hugo, 11 ans).

Parfois, l’enfant quitte la visite avec l’incertitude de ne pas savoir quand il pourra revoir à nouveau son parent : « Un peu triste parce qu’on peut plus la voir, parfois il faut juste que j’attends l’autre mois, pis parfois elle annule » (Sarah-Jade, 10 ans).

D’autres se sont dits déçus de ne pas être restés assez longtemps avec le parent : « Je suis déçue parce que je ne suis pas restée longtemps » (Leticia, 9 ans). D’autres ont plutôt mentionné ressentir un mélange de tristesse et de déception, comme en témoigne ce garçon : « Des fois je suis triste, je suis déçu, mais dans mon corps et quand j’arrive pour me coucher des fois je pleure » (Thomas, 11 ans).

4.5.4 L’enfant se confie

L’analyse des entrevues a permis de constater qu’il n’est pas toujours facile pour les enfants de parler de ce qu’ils vivent dans le cadre des visites supervisées avec leur parent. Nous avons demandé aux enfants s’ils se confiaient à quelqu’un au sujet de ce qu’ils vivaient durant les visites. Certains ont dit avoir besoin d’en parler. Les éducateurs sont généralement les personnes à qui les enfants se confient : « Oui, quand je reviens au foyer, j’ai besoin de parler, parfois avec des éducateurs » (Sophia, 10 ans); « Oui à l’éducateur qui est là » (Raphaëlle, 10 ans). Pour Raphaëlle, se confier l’aide aussi à se sentir mieux : « Je me sens moins déçue » (Raphaëlle, 10 ans).

Toutefois, quelques enfants nous ont dit ne pas avoir envie de parler de leurs visites : « Non parce que j’ai pas envie d’en parler » (Léa, 12 ans). D’autres ont mentionné que d’en parler pourrait les aider, mais que malgré tout ils ne se confiaient pas et préféraient garder cela pour eux : « Non pas vraiment, j’aime mieux garder ça pour moi » (Sarah-Jade, 10 ans). Certains ont rapporté qu’ils allaient tout simplement finir par oublier ou qu’ils n’avaient pas le sentiment que d’en parler leur permettrait d’obtenir le soutien dont ils avaient besoin :

J’ai pas envie d’en parler, c’est rare que j’en parle, je vais garder ça pour moi et un moment donné je vais oublier. Pis aussi, ils disent de parler de quoi qui va pas bien toute de suite après pour que ça aille bien, ok mais c’est pas vrai ça, ça m’aide pas. J’ai essayé un petit bout, mais après j’ai arrêté de dire des choses. (Jérémie, 9 ans)

L’objectif de ce chapitre était de décrire le vécu et l’expérience des enfants à partir de l’analyse de contenu thématique qui a été réalisée. Le prochain chapitre se consacre à la

discussion des principaux résultats à la lumière des études existantes et du cadre théorique. Les thèmes transversaux de l’étude seront aussi discutés.