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Chapitre 2 : État des connaissances sur le point de vue des acteurs impliqués dans les visites

2.1 L’expérience des visites supervisées selon les adultes : les parents, les intervenants et les

2.1.5 L’impact des visites pour l’enfant

Dans l’étude réalisée par Morrison, Mishna, Cook et Aitken (2011), lorsque questionnés sur les avantages et les désavantages pour les enfants de voir leur parent dans un contexte de visites supervisées, les participants ont parlé des réactions de détresse souvent observées chez les enfants avant et après les visites. Les intervenants et parents d’accueil ont dit vivre de nombreuses frustrations à constater que les enfants demandent malgré tout de revoir leur parent. De leur côté, les parents d’accueil ont exprimé un fort sentiment d’incompréhension et d’injustice face aux perturbations que ces contacts de seulement quelques heures font parfois vivre aux enfants, et qui perdurent parfois plusieurs jours. Pour la majorité des parents d’accueil interrogés, les visites supervisées sont une source de tension, de colère et de déception pour les enfants, en plus de créer parfois de faux espoirs face à un possible retour dans le milieu d’origine. Un des parents d’accueil rapporte avoir entendu un enfant mentionner qu’il ne le laisserait pas avoir des visites avec ses parents si un retour n’était pas possible. Tous les participants ont également parlé de la détresse observée chez les enfants lorsque les visites sont annulées. Malgré tout, quelques parents d’accueil mentionnent que les visites supervisées peuvent s’avérer bénéfiques pour certains enfants plus âgés ayant la capacité de faire face à ces rencontres et ayant déjà créé un lien d’attachement avec le parent. Les intervenants et les parents d’accueil disent toutefois constater que, malgré la détresse souvent exprimée par les enfants, la majorité des enfants ont le désir de maintenir des contacts réguliers avec leurs parents.

Dans l’étude réalisée par Haight et al. (2002), les réactions de l’enfant avant et après les visites sont des enjeux très peu abordés par les participants. En effet, seulement 11 % des mères et 8 % des intervenants en ont parlé. Toutefois, ces réactions ont été discutées par l’ensemble des mères d’accueil ayant participé à cette recherche. Selon les chercheurs, ce constat est loin d’être surprenant, considérant qu’elles partagent la vie de l’enfant au quotidien, et donc l’accompagnent et le soutiennent dans ces moments. Pour les mères d’accueil interrogées, les réactions de l’enfant à la suite d’une visite peuvent être variées (tristesse, perturbations du sommeil) et ne sont pas uniquement observés chez les enfants dont

les visites se sont mal déroulées : « Sometimes they come back and they are kind of sad. I think

it is because they want to be with their parent […] » (p. 23). Les mères d’accueil ont aussi

parlé de la détresse et de la déception des enfants lorsque les visites sont annulées, lorsque les parents ne se présentent pas ou lorsque les visites ne se déroulent pas comme l’enfant l’avait prévu. La majorité des parents d’accueil ont aussi abordé l’importance de maintenir les promesses faites à l’enfant concernant le déroulement des visites et les personnes présentes. L’étude révèle que les mères d’accueil ont aussi mentionné ne pas toujours se sentir suffisamment outillées pour faire face à l’ensemble des réactions pouvant être exprimées par l’enfant avant et après les visites ou lorsque les visites n’ont pas lieu.

De son côté, Kovalesky (2001) fait le constat que les réactions de l’enfant aux visites sont considérées par les participantes de son étude (mères toxicomanes) comme un facteur pouvant influencer la poursuite ou non des visites auprès de l’enfant durant leur traitement. Lorsque les visites étaient perçues par les mères comme étant susceptibles d’affecter négativement le bien-être de l’enfant, les mères interrogées ont dit avoir tendance à limiter leurs contacts avec l’enfant. À l’inverse, si les réactions de l’enfant étaient perçues comme positives, les mères se sentaient encouragées à visiter leur enfant. Toutefois, l’étude démontre à quel point il peut être difficile pour les mères de bien interpréter les réactions de l’enfant. Par exemple, une mère raconte avoir cessé de visiter ses enfants durant son traitement dû aux réactions de ses enfants à la suite du placement (refus de manger, colère, agressivité), croyant que cela leur permettrait de mieux s’adapter dans leur milieu de vie substitut. Avec du recul, cette mère dit regretter d’avoir cessé les visites, car selon elle cela n’a fait qu’augmenter le sentiment d’abandon ressenti par ses enfants. Pour une autre mère interrogée, la colère de sa fille à la fin d’une visite a plutôt été interprétée comme une preuve de son importance aux yeux de son enfant.

Afin de mieux soutenir les enfants avant et après les visites, les parents d’accueil rencontrés dans l’étude de Morrison, Mishna, Cook et Aitken (2011) ont dit vouloir ne plus se sentir à l’écart et souhaiter être informés sur ce qui se passe durant les visites. Tous les parents d’accueil et la majorité des intervenants ont parlé de leurs besoins d’être mieux formés. Ce

désir d’être mieux formés à l’égard des visites supervisées a aussi été soulevé par les intervenants rencontrés dans l’étude de Sellenet (2010).

Dans l’étude réalisée par Morrison, Mishna, Cook et Aitken (2011), tous les intervenants interrogés ont abordé les effets bénéfiques pour les enfants des relations positives entre les parents d’accueil et d’origine. Entre autres, les participants ont dit que cela permettait de réduire le conflit de loyauté pouvant être ressenti par les enfants. À l’inverse, tous les intervenants et les parents d’accueil ont mentionné que, lorsque les relations sont tendues entre la famille biologique et les parents d’accueil, cela génère un sentiment de confusion et de colère chez l’enfant, ce qui augmente les chances de nuire à la stabilité du placement.

Selon les données de l’étude réalisée par Haight et al. (2002), la qualité de la relation entre la mère et la personne qui supervise les visites a été abordée par tous les participants comme pouvant avoir un impact sur l’enfant durant les visites. Certaines mères ont mentionné que, lorsqu’elles se sentent épier, juger et surveiller, leurs interactions avec l’enfant sont affectées. De leur côté, les parents interrogés dans les travaux de Sellenet (2010) ont parlé de la présence du tiers qui leur donne parfois l’impression d’être en prison. Ils ont dit ne pas apprécier le fait de se sentir constamment surveillés par les intervenants qu’ils vont même jusqu’à comparer à des gardiens de prison. Les parents ont parlé de leur désir de vivre avec plus d’intimité ces moments avec leur enfant.