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L’ACP permet de décomposer un mouvement en plusieurs directions globales d’évolution. La possibilité de relier les évolutions des structures et des cavités en passant par l’espace des pas de temps peut être exploitée dans une analyse fonctionnelle, pour tirer des informations biologiques pertinentes d’une trajectoire de cavités. Pour illustrer ce point, j’ai analysé l’importance de l’évo-lution des cavités dans le phénomène de "respiration" de la myoglobine permettant le mouvement de petits ligands (dioxygène, monoxyde de carbone, monoxyde d’azote) au sein de son réseau de cavités internes. La myoglobine comporte en effet une multitude de cavités très proches les unes des autres et en général séparées du solvant extérieur. Ces cavités comprennent les quatre cavités Xenon (elles ont été observées pour la première fois par crystallographie par rayons X en présence de Xenon à haute pression), Xe1 à Xe4, la poche distale, située au dessus de l’hème et dans laquelle se loge le ligand lorsqu’il est attaché à l’hème, ainsi que quelques cavités observées plus tardivement, notamment les cavités "fantômes" Ph1 et Ph2 (non observées ici). De nombreuses études sur la myoglobine[114, 115, 116, 117, 118, 119, 120, 121, 122] ont permis de déterminer les différentes voies de passage et de sortie des ligands au sein de ce réseau de cavité, ainsi que les résidus "portes" associés au passage d’une cavité à l’autre ou à la sortie du ligand vers le solvant. Les trois trajectoires de la myoglobine utilisées dans ce chapitre comprennent une molécule de monoxyde de carbone (CO), initialement située dans une poche au dessus de l’hème, mais détachée et donc libre d’évoluer dans l’espace. Au cours de ces trois trajectoires, le CO visite une multitude de cavités :

— dans la première trajectoire, le CO visite la poche distale (DP), Xe4, puis retourne dans DP et y reste jusqu’à la fin des 120ns

— dans la seconde trajectoire, le CO visite la poche distale (DP), puis oscille entre les poches Xe4, Xe2 et Xe1 avant d’entrer dans Xe3 vers la fin de la trajectoire

— dans la troisème trajectoire, le CO visite la poche distale (DP), une petite poche au dessus de DP, puis sort après 8ns par une sortie située entre les résidus F46, H48, L49, M55, D60 et L61.

Ces trois trajectoires ont été concaténées pour former une trajectoire globale de 248ns (la tra-jectoire 3 étant tronquée après la sortie du CO). L’ensemble des positions sucessives du CO a ensuite été partitionnée à l’aide de l’algorithme DBSCAN (voir page 162) selon les différents sites de liaisons (DP et Xe1 à Xe4, plus une partition "exception"). Ces positions sont représentées figure III.13, et la composition des partitions est détaillée dans le tableau IV.

FigureIII.13 – Définition des sites de liaison du CO dans la myoglobine.Positions de l’atome d’oxygène du monoxyde de carbone au cours des 248ns de la trajectoire concaténée (24 800 positions). Le code couleur correspond à la définition du site de liaison par DBSCAN : DP en bleu, Xe4 en cyan, Xe2 en vert, Xe1 en jaune et Xe3 en rouge. L’isosurface à 3% de la cavité moyenne est indiquée en contour vert.

Site DP Xe4 Xe2 Xe1 Xe3 “exceptions”

# conf. 12224 1789 1559 8954 231 43

Tableau IV – Nombre de conformations pour lesquelles CO est lié pour chaque site., définis par l’algorithme DBSCAN.

Les cavités utilisées sont celles produites par mkgrid pour la trajectoire de 248ns définie ci-dessus. Les cavités ont été filtrées pour ne garder que les cavités internes, celles ayant au moins un point de grille à moins de 0.5 A d’une des 24,800 positions du CO. Pour chaque site de liaison du CO, on définit un jeu de cavités internes moyen calculé sur les pas de temps pour lesquels le CO s’y trouve. La projection de ces cinq jeux de cavités moyennes sur les vecteurs propres des cavités de la trajectoire de 248ns (figure VI.6 en annexe) montre une ressemblance très forte avec la première composante principale, ainsi qu’une ressemblance de la cavité moyenne de Xe2, relativement centrale, avec la 3e composante.

déviation p/ à la cavité moyenne: 20% 5% -5% -20%

DP Xe4

DP Xe4

Xe2 Xe4

Xe2 Xe4 Xe2 Xe3Xe2 Xe3

Xe1 Xe2

Xe1 Xe2

a.

1 5 10 15 20

Rang des composantes principales

0 5 10

Projection des cavités de transfert

Dév. standard

Xe2 vers Xe3 transferts aléatoires DP vers Xe4 Xe2 vers Xe1 Xe4 vers Xe2

1 10 100 1000 0

5 10

b.

FigureIII.14 – Localisation et amplitude des cavités de transfert. a.Cavités de transfert des paires de sites de liaison du CO adjacentes. De haut en bas et de gauche à droite : Xe4 → DP, Xe4 → Xe2, Xe2 → Xe1, et Xe3 → Xe2. Les isosurfaces positives des cavités de transfert (transfert positif net de volume par rapport à la cavité moyenne) sont représentées en rouge, et les isosurfaces positives en bleu (surface opage : 20%, contour : 5%). b. Valeurs absolues des projections des cavités de transfert sur les composantes principales des cavités, en bleu pour le transfert DP → Xe4, en vert pour Xe4 → Xe2, en jaune pour Xe2 → Xe1 et en rouge pour Xe2 → Xe3. La valeur propre de chaque composante (correspondant à la déviation standard des projections de l’ensemble des cavités sur cette composante) est représentée en gris. Les pointillés représentent les valeurs absolues pour l’hypothèse de transfert aléatoire (voir annexe 4.4).

Il existe 4 couples de sites de liaisons pour lesquels on observe des transferts d’un site à l’autre entre deux conformations successives : DP → Xe4, Xe4 → Xe2, Xe2 → Xe1 et Xe2 → Xe3. On peut donc définir des différences de jeux de cavités moyennes entre deux sites de liaisons, en faisant simplement la différence de l’une par rapport à l’autre. J’appelle ces différences de jeux de

cavités moyennes des jeux de cavités de transfert. Elles représentent le changement de forme des cavités internes lorsque le CO passe d’un site à un autre. Ces jeux de cavités de transfert sont représentés dans la figure III.14.a, et révèlent des variations notables de volume de certaines cavités lorsque le CO change de site. Globalement, le volume des sites liant le CO semble diminuer (resp. augmenter) lorsque le CO part du site (resp. arrive dans le site). On observe en outre plusieurs effets de changement de localisation de certaines cavités, en particulier pour le site de fixation Xe3 qui semble bouger en fonction de la localisation du CO. La projection des cavités de transfert sur les composantes principales (figure III.14.b) indique une forte ressemblance des cavités de transfert Xe4 → Xe2, Xe2 → Xe1 et Xe2 → Xe3 avec la 3e composante principale. De même, la cavité de transfert Xe2 → Xe1 est très proche de la 1recomposante principale, indiquant que ce transfert est une composante majeure de l’évolution des cavités. On observe également que les projections de toutes les cavités de transfert sur les 10-15 premières composantes principales ont des amplitudes significatives par rapport à l’hypothèse nulle de transfert aléatoire (voir annexe 4.4 pour une définition précise). Cela implique que ces transferts spécifiques sont particulièrement importants pour la dynamique globale des cavités de la myoglobine. Ce résultat est renforcé par la part des cavités de transfert dans la variance globale des cavités (tableau V)

Norme de la cavité fraction du RMS de la Site 1 Site 2 de transfert déviation totale (%)

DP Xe4 7.1 (3.1) 35.0

Xe4 Xe2 12.8 (3.9) 63.5

Xe2 Xe1 13.9 (4.6) 69.1

Xe2 Xe3 15.5 (8.9) 76.7

Tableau V – Amplitude du mouvement décrit par les cavités de transfert. La norme des cavités de transfert est indiquée - voir annexe, section 4.2 pour l’interprétation de ce nombre. La colonne de droite donne la fraction de cette norme sur la racine de la déviation carrée moyenne de la trajectoire des cavités. La norme des cavités de transfert aléatoire (voir annexe, section 4.4) est indiquée entre parenthèse.