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3.1.1 Fonctionnement des récepteurs ionotropes et intérêt pharmaceutique

Les récepteurs ionotropes pentamériques humains sont des protéines localisées au niveau de la membrane des synapses. Ces récepteurs lient des neurotransmetteurs, ce qui ouvre leur canal entre le milieu extérieur et le cytoplasme du neurone. L’ouverture de ce canal permet le passage sélectif d’un type d’ions ce qui génère un courant électrique. Ainsi, ce sont ces récepteurs qui convertissent le signal chimique délivré par les neurotransmetteurs en signal électrique utilisé par les neurones pour transmettre une information. Les cinq sous-unités formant chaque récepteur ont des séquences variées, et peuvent s’assembler en homo ou hétéropentamères. Les récepteurs ionotropes sont en général spécifiques d’un seul type d’ion et d’une seule famille de neurotrans-metteurs. Les principales familles de récepteurs ionotropes pentamériques sont :

— les récepteurs nicotiniques de l’acetylcholine (nAChRs), se liant comme son nom l’indique à la fois à l’acetylcholine et à la nicotine (sélectifs des cations Na+, K+ et parfois Ca2+). — les récepteurs GABAA, se liant au neurotransmetteur GABA (sélectifs de Cl)

— le récepteur sérotoninergique 5-HT3, liant la sérotonine (Na+, K+, Ca2+) — les récepteurs GlyR, liant la glycine et d’autres petits acides aminés (Cl)

Les fonctions de ces récepteurs sont multiples et très variées, et dépendent largement de la composition des sous-unités. Ces récepteurs régulent un grand nombre de phénomènes : mou-vements musculaires, mémoire, anxiété, apprentissage, nausée, addiction... Ainsi, les récepteurs

GABAA sont responsables de la plupart des phénomènes inhibiteurs du système nerveux cen-tral, tandis que certains récepteurs nicotiniques de l’acetylcholine sont responsables de certaines sensations de "récompense", mais aussi de la transmission des mouvements musculaires volon-taires. Ce sont donc des cibles de choix pour l’industrie pharmaceutique. Malheureusement, les récepteurs ionotropes pentamériques restent des cibles difficiles à étudier de par leur nature et leur localisation (difficulté de production, molécule transmembranaire difficile à cristalliser, mode de fonctionnement complexe et subtile, effets de "haut niveau" sur le comportement et la santé complexes à modéliser).

3.1.2 GLIC : structure et mouvements

Les travaux de Aravind et collab.[230] ont permis de déterminer un homologue bactérien du ré-cepteur GABAAhumain, nommé GLIC (Gloeobacter Ligand-gated Ion Channel). Cet homologue a la particularité d’être activé par les protons, donc à pH acide. Plus récemment, Corringer et collab. ont déterminé une structure ouverte[231] et localement ouverte de GLIC en pH acide[232] (figure IV.8, gauche), puis une structure fermée à pH neutre[233] (figure IV.8, droite). L’ensemble de ces structures permettent d’établir des hypothèses sur le fonctionnement de GLIC et plus par-ticulèrement sur les mouvements du pentamère lors de l’ouverture du canal. La fermeture du canal s’accompagne ainsi de deux mouvements généraux de l’ensemble de la protéine : un mouvement de torsion[234, 233] et un mouvement dit d’éclosion du domaine extracellulaire[233]. Cette éclosion s’accompagne d’ailleurs d’une ouverture du domaine extracellulaire au niveau de la jointure avec le domaine transmembranaire (figure IV.9.a).

canal ouvert canal fermé

FigureIV.8 – Vue de dessus des structures ouvertes (gauche) et fermées (droite) de GLIC.

3.1.3 Stratégie de recherche d’effecteurs

L’ouverture de cette partie du domaine extracellulaire lors de la fermeture du canal fait appa-raitre un réseau de plusieurs cavités à l’intérieur de cette zone (figure IV.9.b) La stabilisation de ce réseau de cavités devrait donc stabiliser la forme fermée du récepteur et empécher son ouverture. Une molécule se liant aux résidus constituant ces cavités pourrait ainsi être inhibitrice de GLIC. L’objectif de ce projet est donc d’obtenir de nouveaux effecteurs de GLIC, et en particulier des inhibiteurs, afin d’affiner la compréhension de son mécanisme de fonctionnement.

b.

a.

d o m a in e e xt ra ce llu la ir e d o m a in e tr a n sm e m b ra n a ir e zon e c ib lé e

pore ouvert pore fermé

Figure IV.9 – Zone de GLIC ciblée dans ce chapitre. a. La zone ciblée, en bleu, est située à la base du domaine extracellulaire, juste au dessus du domaine transmembranaire. b. Le volume des cavités de la forme fermée (à droite) augmente par rapport à la forme ouverte (à gauche).

Pour aborder ce projet, nous avons mis en place les étapes et fait les choix suivants. Pour répondre à l’absence de densité électronique des chaînes latérales, nous avons effectué un échan-tillonnage de ces mêmes chaînes par dynamique moléculaire. Nous avons détecté et analysé la dynamique des cavités du domaine afin de les trier et de sélectionner des conformations pour le criblage virtuel à partir de différents critères (énergie de la structure, volume, diversité). Le cri-blage est réalisé en utilisant la ZINC[235], une collection de plusieurs chimiothèques commerciales recensant plus de 10 millions de composés a priori disponibles à la commande. Ce choix se justifie par la possibilité de commander rapidement de nombreux composés et par la grande diversité chimique que l’on peut attendre d’une chimiothèque de cette taille.

Du fait des difficultés et incertitudes importantes de ce projet (voir section suivante), les étapes d’affinement suivant l’identification des premières touches sont faites en se concentrant sur les données concrètes provenant des tests. Je me suis donc concentré pour cette étape sur une recherche de composés similaires aux composés actifs (ligand-based).

3.1.4 Particularités de la cible

La cible peut être considérée comme une cible risquée et difficile à cribler en raison de la faible résolution (4.35Å) - la définition de la densité électronique est toutefois relativement bonne pour une si faible résolution du fait de la possibilité de moyenner les 4 copies du pentamère de l’unité asymétrique. L’absence de densité électronique pour la majorité des chaînes latérales de la zone ciblée demande une étape supplémentaire de modélisation de leur positionnement, ce qui affaiblie la pertinence du criblage, la position des atomes devenant hypothétique.

Un deuxième facteur de risque provient des tests biologiques qu’il n’est possible d’effectuer qu’en petit nombre. Il s’agit de mesures d’électrophysiologie, c’est-à-dire de la différence de po-tentiel entre l’intérieur et l’extérieur d’une cellule, en l’occurence un œuf de xénope. Ces mesures ne peuvent pas être automatisées, et doivent donc être réalisées manuellement, œuf par œuf, ce

qui demande beaucoup de temps. Il n’est donc possible de tester qu’environ 30 à 50 composés par série de tests, loin des milliers de composés habituellement testés pour un projet de criblage. Ce faible nombre de composés testés diminue les chances de trouver un composé actif parmi ceux qui sont sélectionnés suite au criblage virtuel.

Dernièrement, la taille de la chimiothèque utilisée (plus de 10 millions de composés) implique d’effectuer un travail de partitionnement chimique en amont afin de limiter la durée du criblage virtuel tout en gardant l’essentiel de la diversité chimique d’origine.