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2. Recherche

2.4. Discussion

2.4.4. Utilisation de ces tests en clinique

En avril 2005, D. a passé un test de ce type ne comportant que les items sur les questions identiques à ceux de notre test. Qui est-ce qui veut manger ? Qui est-ce que Marie adore ? Il n’a fait qu’une erreur sur 16 items proposés soit 6,25% d’erreurs.

Questions multiples indirectes : il fait 41% d’erreurs. Ses erreurs consistent majoritairement à accepter les formes agrammaticales (16% d’erreurs sur les formes correctes contre 66% sur les formes agrammaticales).

Lors de la passation de mai 2004, D. fait plus d’erreurs dans les conditions Chaîne-A et Chaîne-A’ que dans la condition Chaîne-X. Mais, on ne peut pas conclure que les structures avec mouvement de constituants lui posent problème car :

• Les résultats sont très différents selon le type d’items proposés : ainsi, pour le mouvement de constituants en position non argumentale (Chaîne-A’), nous avons vu qu’il fait 44% d’erreurs sur des questions emboîtées contre 6,25% sur des questions simples. Ses difficultés sont donc plutôt liées à la complexité des items proposées, complexité qu’il faudrait caractériser en termes d’opérations syntaxiques en jeu dans ces phrases.

• Les résultats de D. sont extrêmement fluctuants d’une passation à l’autre. Ainsi, en mai 2002, il faisait 7% d’erreurs dans les structures avec sembler et montée du sujet contre 58% en mai 2004. Concernant les questions avec extraction du sujet ou de l’objet, il fait 16,7% d’erreurs en mai 2002 contre 44,4% en mai 2004.

• Le nombre d’items est faible, en particulier dans la condition Chaîne-A’ (3 items grammaticaux, 3 items agrammaticaux pour chaque structure), le poids d’une erreur sur le résultat moyen est donc important.

2.4.4. Utilisation de ces tests en clinique

L’objectif de cette étude était de construire des tests permettant une analyse fine de la syntaxe de l’enfant. Les tests sur l’accord et le mouvement utilisés ici seraient-ils exploitables d’un point de vue clinique ?

On peut identifier un certain nombre de problèmes posés par ces tests :

• Ils présentent des biais : pas de contrebalancement de l’ordre de présentation forme correcte/forme incorrecte dans le cas du test sur l’accord, plus de formes correctes que de formes incorrectes dans le cas du test sur le mouvement.

• Ils ne sont pas exhaustifs : en particulier, la flexion verbale de temps et la pronominalisation ne sont pas testées, or ce sont des phénomènes syntaxiques considérés comme des marqueurs de trouble spécifique du langage (Cronel-Ohayon, 2004)

• L’exposition des enfants à des formes incorrectes est controversée, or dans le test sur le mouvement, on propose dans certaines condition plus de phrases incorrectes que correctes (ainsi pour les structures avec sembler la forme correcte est contrastée avec 3 formes incorrectes).

• L’analyse des résultats est complexe et nécessite des connaissances avancées en linguistique.

• Les catégories établies ne correspondent pas nécessairement à des distinctions pertinentes du point de vue des traitements sous-jacents (pas de corrélation intra-catégorie).

• Seules les capacités métalinguistiques sont évaluées; il serait intéressant de pouvoir évaluer les capacités productives et de compréhension pour mieux cerner la nature du déficit.

• Enfin, ces tests sont peu attractifs : on pourrait imaginer une version informatisée où l’enfant doit juger la correction grammaticale des énoncés d’un personnage de dessin animé.

Enfin, pour être utilisables en clinique, de tels tests devraient être évalués et améliorés d’un point de vue psychométrique:

-le nombre d’items proposés est trop faible dans certaines conditions (3 items …) -la variabilité inter-items est trop élevée dans certaines conditions

Cependant, le test sur l’accord, complété par des tests supplémentaires, semble pouvoir contribuer à affiner le diagnostique (déficit morphologique vs déficit de l’opération d’accord vs déficit dans les représentations hiérarchiques), comme indiqué sur la Figure 2.

Le test sur le mouvement doit être enrichi pour être exploitable : il faudrait identifier les principales structures impliquant les différents types de mouvement (Chaînes-X, Chaîne-A, Chaîne-A’) et les inclure dans le test. Il serait de plus intéressant d’évaluer la compréhension et la production des structures impliquant ces différents types de mouvement, chez des enfants sans trouble du langage et des enfants TSL, afin de voir si ces catégories de mouvement sont réellement pertinentes.

Conclusion

Les principaux problèmes posés par les outils d’évaluation de la syntaxe de l’enfant sont leur hétérogénéité et leur manque d’exhaustivité. Construire un outil d’évaluation sur la base d’une théorie linguistique devrait en principe permettre de pallier à ces problèmes en identifiant et évaluant toutes les opérations syntaxiques s’appliquant sur les constituants (exhaustivité) et seulement elles (homogénéité) et en recensant toutes les structures dans lesquelles elles apparaissent (systématicité).

Les tests sur le mouvement et l’accord utilisés dans cette étude sont des adaptations d’outils élaborés dans des buts de recherche. Ces tests ciblent des opérations syntaxiques précises et reposent sur l’hypothèse qu’il existe des déficits purement syntaxiques. L’analyse des résultats est relativement complexe. Ces tests seraient donc réservés à des enfants chez qui l’on suspecte de tels déficits, c'est-à-dire des enfants présentant des troubles développementaux sévères et persistants de type dyssyntaxie ou agrammatisme, alors que les autres niveaux linguistiques sont relativement préservés.

Le test sur l’accord pourrait permettre de préciser le niveau du déficit (déficit morphosyntaxique, déficit de l’opération d’accord ou déficit des représentations hiérarchiques). Disposer de tels outils serait intéressant pour orienter la prise en charge.

Marinis et Van der Lely (2007) soulignent cependant que le mode d’intervention reste alors une question ouverte : la thérapie doit-elle cibler le déficit syntaxique ou favoriser le développement de stratégies compensatoires ?

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