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Figure2.2 – Températures de brillance à 19 GHz en polarisations horizontale et verticale

mesurées par la radiomètre AMSR-E sur la calotte Barnes.

la température de la neige. Au contraire, on remarque (Figure 2.2) que dès l’apparition

d’eau liquide au sein du manteau neigeux, une brusque et très importante augmentation

de température de brillance se produit (pouvant atteindre +40 K en une journée). Comme

il est physiquement très peu probable que la température physique augmente aussi

soudai-nement dans de telles proportions, il est logique d’attribuer ce phénomène à une variation

d’émissivité. En effet, dès que le manteau neigeux s’humidifie en surface, cette couche

saturée adopte, dans les micro-ondes, un comportement proche de celui d’un corps noir.

C’est à dire qu’elle absorbe la quasi-totalité du rayonnement émis par les couches

sous-jacentes pour ensuite le ré-émettre. L’émissivité apparente de la surface augmente donc

brutalement, expliquant ce saut de température de brillance, plus ou moins marqué selon

la fréquence et la polarisation. Ce phénomène est exploité, comme cela est décrit dans les

sections suivantes, afin de discriminer les périodes de neige sèche des périodes de neige

humide.

2.3 Utilisation de la télédétection micro-ondes passive pour

le suivi des durées de fonte

Les données de télédétection dans le domaine des micro-ondes passives sont maintenant

disponibles depuis plusieurs décennies, ce qui permet de réaliser des études climatologiques

à long terme. Dans ce but, différents algorithmes ont été développés dans une optique de

télédétection de la fonte. Ces algorithmes ont été aussi bien appliqués en milieu englacé de

type Antarctique avec manteau neigeux permanent qu’en milieu de toundra voire même de

climat tempéré avec manteau neigeux saisonnier. Dans les parties suivantes sont présentés

quelques-uns de ces algorithmes.

2.3.1 Algorithme XPGR

Le XPGR (Cross-Polarized Gradient Ratio, soit « ratio croisé de polarisations ») est

un algorithme par seuillage multi-bandes et multi-polarisations développé dans le cadre

du suivi de la fonte de surface de la calotte groenlandaise (Abdalati and Steffen, 1997).

Chapitre 2 : Étude de la durée de fonte de surface sur la calotte Barnes

L’indice XPGR en lui-même se définit tel que :

XP GR= TB19HTB37V

TB19H +TB37V

. (2.2)

Cet indice fait intervenir 2 combinaisons de bande et polarisation ayant un

compor-tement très différent en période de fonte. En effet, le signal à 19 GHz en polarisation

horizontale est particulièrement sensible à la fonte alors que celui à 37 GHz en

polarisa-tion verticale l’est beaucoup moins (Zwally and Fiegles, 1994). Ainsi, le calcul de l’écart

entre ces bandes (normalisé par leur somme) est un très bon indicateur de la fonte.

Cet algorithme a été spécialement développé pour la télédétection de la fonte en

péri-phérie du Groenland (Abdalati and Steffen, 1997) avec un principe de seuillage très simple :

en conditions hivernales, TB19H est inférieur à TB37V alors qu’en période de fonte la

présence d’eau liquide dans le manteau neigeux entraînant une brutale augmentation de

TB19H, la situation est inversée. On peut ainsi considérer qu’il y a fonte lorsque le XPGR

est positif (Figure 2.3). En pratique, Abdalati and Steffen (1997) utilisent un seuil différent

de zéro (fonte si XPGR>-0.0158) sur les données de la série des satellites SSM/I (le seuil

est à -0.0265 pour les données SMMR).

Cette technique possède des limitations, par exemple lorsque la surface étudiée présente

une surface de glace nue, l’émissivité pouvant être considérée comme environ constante

dans toutes les fréquences et polarisations, le XPGR est proche de zéro et peut donc parfois

indiquer à tort une période de fonte. En pratique, dans ces zones, la date de fin de fonte est

systématiquement détectée avec retard, conduisant à augmenter artificiellement la durée

de fonte estimée (Abdalati and Steffen, 1997). Des problèmes de détermination de la fonte

sont également observés lors d’épisodes de pluie, ce qui a conduit certaines études à utiliser

une variante du XPGR améliorée en ce sens (Fettweis et al., 2007). Cet algorithme donne

de bons résultats dans le cas d’une fonte importante comme dans les zones périphériques

du Groenland mais semble peu adapté aux fontes plus modérées (Torinesi et al., 2003).

2.3.2 Seuillage à 19 GHz en polarisation horizontale

Hormis l’algorithme basé sur l’utilisation du XPGR détaillé ci-avant, de nombreux

algorithmes basés sur des seuillage sur la seule température de brillance à 19 GHz en

po-larisation horizontale ont été développés (Ridley, 1993; Zwally and Fiegles, 1994; Torinesi

et al., 2003; Picard and Fily, 2006; Tedesco et al., 2009; Tedesco, 2009). En effet, ces

fré-quences et polarisations, particulièrement sensibles à la présence d’eau liquide en surface

du manteau neigeux, offrent le plus souvent suffisamment d’information pour réaliser une

détection précise des épisodes de fonte. Ces méthodes diffèrent principalement entre elles

dans la manière de définir le seuil permettant de discriminer les périodes de fonte ainsi

que par le caractère constant ou adaptatif de ce seuil.

L’un des premiers algorithmes de ce type a été développé par Ridley (1993) dans une

optique de télédétection de la fonte sur les plate-formes glaciaires antarctiques. Il consiste

en un seuil constant sur TB19H, défini de manière empirique par rapport au maximum

de la fonction périodique permettant d’ajuster au mieux les températures physiques

mesu-rées à proximité des zones d’étude considémesu-rées. Un évènement de fonte est détecté lorsque

TB19H dépasse cette température physique + 10 K. L’une des principales limitations

2.3 - Utilisation de la télédétection micro-ondes passive pour le suivi des durées

de fonte

Figure2.3 – Série temporelle de l’indice XPGR sur une zone périphérique du Groenland

avec le seuil retenu pour la détection des dates de début et de fin de fonte Source : (Abdalati

and Steffen, 1997).

de cette méthode est qu’elle est subordonnée à la présence d’observations in-situ de

tem-pérature de l’air. Or, l’un des principaux intérêts des méthodes de télédétection est de

suppléer au manque de stations de mesures. Les algorithmes développés par la suite sont

donc indépendants de toute donnée in-situ, hormis en terme de validation.

Dans l’algorithme de Zwally and Fiegles (1994), lui aussi développé pour l’Antarctique,

la fonte est détectée lorsque la température de brillance mesurée dépasse un seuil constant

défini comme étant la moyenne à long terme de la température de brillance de la zone à

laquelle est rajoutée 30 K :

TBseuil=TBmoyen+ 30K. (2.3)

Cette méthode pose le problème de l’objectivité de la définition du seuil, car le delta

appliqué, ici de 30 K pourrait, en étant légèrement modifié, donner des résultats différents

en terme de durées de fonte.

Ainsi, dans Torinesi et al. (2003) et Picard and Fily (2006), le seuil est variable

spatiale-ment et temporellespatiale-ment. Il est défini à partir de la température de brillance moyenne de la

dernière saison froide et est proportionnel à l’écart-type du signal mesuré sur cette même

période afin de s’affranchir des problèmes de modifications inter-annuelles du manteau

(par exemple, cycles de regel aboutissant à la formation d’une lentille de glace impactant

le signal micro-onde durant quelques années avant que l’enfouissement progressif ne fasse

disparaître cette contribution) :

TBseuil=TBmoyen derniere saison hivernale+ 2,5 σ TB19H. (2.4)

Une telle méthode permet de s’affranchir des modifications spatiales et temporelles des

conditions de surface ainsi que d’automatiser la définition du seuil de manière objective,

Chapitre 2 : Étude de la durée de fonte de surface sur la calotte Barnes

le seul contrôle étant sur la valeur considérée comme sortant de la variabilité du signal

hi-vernal (2σ, 3σ, etc). Les résultats de ces études montrent que le nombre de jours de fonte

n’est pas uniquement corrélé à la température de l’air proche de la surface mais dépend

aussi fortement du rayonnement. Les méthodes appliquées dans Zwally and Fiegles (1994);

Torinesi et al. (2003); Picard and Fily (2006), indépendantes de mesures de température,

semblent donc plus appropriées que celle de Ridley (1993).

Du fait de la forte variabilité diurne du signal micro-ondes sur certaines régions de

l’Antarctique, des pics journaliers sont observés correspondant au cycle gel/dégel rapide

se superposant à la fonte saisonnière (Figure 2.4). Ces cycles sont pris en compte dans le

travail de Picard and Fily (2006).

Figure 2.4 – Variation temporelle durant l’été 2003/2004 du signal micro-onde à 19

GHz en polarisation horizontale mesuré sur la plate-forme Amery (70,72°E, 70,26°S). Ces

données, combinant les mesures de plusieurs radiomètres et de plusieurs passes, mettent en

évidence la fonte estivale d’une part et la fonte journalière d’autre part. Source : (Picard

and Fily, 2006).

Après différents tests sur la calotte Barnes, et comme un algorithme du type XPGR

pose des problèmes sur un manteau neigeux peu épais, il a été décidé d’utiliser une

mé-thode par seuillage à 19 GHz. La mémé-thode retenue tire partie des spécificités de la calotte.

Elle présente en effet la particularité d’être basée sur l’analyse de la distribution

bimo-dale des températures de brillance inter-annuelles sur la calotte Barnes (Figure 3, article

2.4 - Article : Monitoring the melt season length of the Barnes Ice Cap over the