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4.3 Couplage réanalyses NARR - modèle de neige SURFEX-CROCUS - modèle

4.3.2 Adaptations du modèle SURFEX-CROCUS pour la glace surimposée 96

Afin de représenter correctement les processus spécifiques à un manteau neigeux

repo-sant sur de la glace surimposée dans le modèle SURFEX-CROCUS, il a été nécessaire de

procéder à deux adaptations distinctes du modèle.

4.3 Couplage réanalyses NARR modèle de neige SURFEXCROCUS

-modèle électromagnétique DMRT-ML

La première adaptation repose sur le critère d’agrégation des couches de neige,

opéra-tion nécessaire, par exemple, lorsque le nombre maximal de couches est atteint et qu’une

nouvelle chute de neige nécessite d’en créer une nouvelle. Dans la version opérationnelle

de SURFEX-CROCUS, les deux couches les plus proches en terme de taille de grains sont

agrégées en une seule (Vionnet et al., 2012). Or, lors de l’utilisation du modèle sur une

surface de glace surimposée, il arrive que le modèle considère que la couche de glace la plus

haute et la couche de neige la plus basse soient les deux couches les plus semblables du

profil de neige. En effet, même si la notion de grain de neige n’a plus de sens lorsqu’il s’agit

de couches de glace, cette information est tout de même présente dans le modèle. Dans

cette situation, l’agrégation a donc pour conséquence de diminuer artificiellement le stock

de neige hivernal en en transformant une partie en glace. Cela a aussi une conséquence sur

la métamorphisme du reste du manteau neigeux en perturbant le profil de température,

mais aussi de faire disparaître le givre de profondeur formé en début de saison. Afin de

palier à ce problème, une simple condition sur la densité des couches a été ajoutée, afin

d’empêcher l’agrégation de couches ayant une différence de masse volumique supérieure à

400 kg m−3 (Figure 4.3). Cette condition permet donc d’éviter l’agrégation de couches de

neige avec des couches de glace.

Figure 4.3 – Résultats de simulations SURFEX-CROCUS forcées par les réanalyses

NARR sur 1 an et demi. A gauche, la version classique de SURFEX-CROCUS procède

à l’agrégation de couches de glace et de neige. A droite, la version adaptée pour la glace

surimposée avec ajout d’un critère sur la densité des couches lors du processus d’agrégation

ne présente pas ces artefacts.

La deuxième adaptation du modèle SURFEX-CROCUS concerne la gestion de la

per-colation dans le manteau neigeux. Une gestion réaliste de la perper-colation est essentielle afin

de modéliser le bilan de masse à la surface de la calotte Barnes car c’est l’un des

proces-sus qui est à la base de la formation de la glace surimposée (par regel de l’eau liquide à

la surface de la glace). Dans SURFEX-CROCUS, la capacité de rétention en eau liquide

d’une couche de neige est définie comme étant inversement proportionnelle à sa densité.

Cela signifie que plus une couche est dense, moins elle va absorber d’eau. Cette eau liquide

va donc la traverser et continuer à percoler en profondeur. Si cette manière de gérer l’eau

liquide est tout à fait adaptée dans le cas classique d’un manteau neigeux, cela n’est plus

vrai lorsqu’il s’agit de couches de glace. En effet, la capacité de rétention de la glace telle

que définie par le modèle étant très faible, l’eau liquide va percoler très profondément dans

la calotte, ce qui va entraîner une libération de chaleur latente à grande profondeur et a

donc pour conséquence de ramener tout le profil de température dans la calotte à 273 K

Chapitre 4 : Modélisation et analyse des processus d’évolution de la calotte

Barnes : accumulation, fonte et bilan de masse de surface

après quelques mois de simulations alors que la calotte Barnes présente en réalité une glace

dite«froide», c’est à dire ayant une température strictement inférieure au point de fusion

excepté temporairement pour les couches les plus proches de la surface. Le caractère

tem-péré4 ou«froid» d’un glacier donné dépend essentiellement de la température moyenne

du lieu auquel il se développe. De plus, la glace étant par définition d’une densité

supé-rieure à la densité de«close-off»5, elle peut être considérée comme imperméable (Arnaud

et al., 2000). Une deuxième adaptation a donc été apportée à SURFEX-CROCUS

consis-tant à rendre toute couche de glace totalement imperméable à partir de la seconde couche

du profil. Il est nécessaire de conserver la perméabilité de la première couche de glace afin

de permettre au modèle d’accroître la stock de glace et donc de reproduire la formation de

glace surimposée (Figure 4.4). En effet, dans SURFEX-CROCUS, le gain de masse par une

couche ne peut se faire que par absorption de l’eau liquide et regel d’une partie de cette

eau au sein de la couche. Ensuite, la couche sous-jacente étant imperméable, l’eau n’ayant

pu regeler est évacuée, ce qui correspond physiquement à une évacuation latérale de type

ruissellement de surface. Cette procédure semble la plus à même de reproduire

correcte-ment ce phénomène physique complexe et difficilecorrecte-ment modélisable qu’est la formation de

glace surimposée (Figure 4.4), (Wright et al., 2007). Ceci est d’autant plus réaliste que

les images satellites prises en conditions estivales témoignent d’un important écoulement

de surface, avec développement d’un réseau de bédières (Figure 1.3). Les tests effectués

montrent de bons résultats pour reproduire le mode de formation de la glace surimposée.

Figure 4.4 – Résultats de simulations SURFEX-CROCUS forcées par les réanalyses

NARR sur 1 an et demi. A gauche, l’échelle de couleur représente la teneur en eau liquide

du manteau neigeux, ce qui permet de mettre en évidence les processus de percolation

à la fin du printemps. A droite, l’échelle de couleur représentant la masse volumique des

couches de neige et glace met en évidence la formation de la glace surimposée lorsque l’eau

liquide regèle sur la surface de glace rendue imperméable.

4.3.3 Premiers tests du couplage NARR - SURFEX-CROCUS

Des premiers tests de couplage entre les données NARR et le modèle

SURFEX-CROCUS ont été effectués sur la période 2009-2011. Cette période a été choisie afin de

pouvoir réaliser une comparaison avec les observations de terrain de mars 2011, en plus des

comparaisons avec les données AMSR-E et MODIS. Les premiers résultats de ce couplage

4. Un glacier est dit tempéré lorsque la glace qui le compose est à une température égale au point de

fusion

5. Le close-off est un terme désignant le processus de fermeture des bulles d’air emprisonnées lors des

processus de densification du névé, à une masse volumique de l’ordre de 800 kg m−3

4.3 Couplage réanalyses NARR modèle de neige SURFEXCROCUS

-modèle électromagnétique DMRT-ML

Tableau 4.1 – Comparaison entre l’équivalent en eau (EEN) du manteau neigeux

sai-sonnier en mars 2011 mesuré in-situ et modélisé par SURFEX-CROCUS, et comparaison

entre l’albédo moyen MODIS pour la période estivale et la paramétrisation de l’albédo de

la glace nue dans SURFEX-CROCUS.

EEN (mm) Albedo estival

Mesuré 357±21 0.53±0.08

Modélisé / paramétrisé 197 0.33

NARR - SURFEX-CROCUS mettent en évidence un certain nombre de problèmes. Le

premier est que les précipitations semblent être sous-estimées par les réanalyses NARR,

et/ou les températures sur-estimées (comparaison avec les mesures de terrain de la

cam-pagne de mars 2011, en terme d’équivalent en eau de la neige et de température physique)

(Tableau 4.1). De plus, la paramétrisation utilisée par le modèle SURFEX-CROCUS pour

l’albédo estival, lorsqu’il n’y a pas de neige et que la glace affleure, qui correspond à un

albédo de glace pure de glacier alpin en zone d’ablation, ne semble pas adaptée pour la

surface de glace surimposée estivale telle qu’on en rencontre au sommet de la calotte en

juillet et août (comparaison avec les données MODIS) (Tableau 4.1 et figure 4.6). En effet,

le sommet de la calotte Barnes en période estivale ne présente pas une surface de glace

lisse et homogène, mais plutôt un patchwork mélangeant des zones de glace, de neige, et

même des mares de petite taille6 (Figure 4.5). Le terme d’albédo estival sera utilisé par la

suite pour désigner l’albédo de surface lorsque le modèle ne simule pas de neige.

Finale-ment, le bilan de masse annuel modélisé est négatif, alors qu’un forage peu profond réalisé

sur la calotte a permis de mettre en évidence la présence de glace surimposée, suggérant

l’existence d’un bilan de masse positif, bien qu’il puisse aussi s’agir d’anciennes couches de

glace surimposée apparaissant à nouveau en surface dans un contexte de bilan de masse

négatif. L’ensemble de ces observations montrent qu’il n’est pas possible en l’état de

mo-déliser correctement le bilan de masse de surface au sommet de la calotte.

La raison la plus probable permettant d’expliquer une éventuelle sous-estimation des

précipitations par les réanalyses atmosphériques est certainement liée à une mauvaise prise

en compte des processus orographiques à fine échelle dans les données NARR. En effet,

la résolution spatiale de ces réanalyses (32 km) ne permet pas d’intégrer un modèle

nu-mérique de terrain (MNT) d’une précision suffisante (Figure 4.7). La topographie de la

calotte est donc très fortement lissée. Or, des études ont montré que la sous-estimation

de l’effet orographique local sur les masses d’air peut avoir des effets significatifs sur les

précipitations et donc sur le bilan de masse de surface modélisé (Agosta et al., 2012). Ce

lissage de la topographie peut aussi avoir une influence sur le bilan d’énergie calculé à la

surface et donc la température de l’air à 2 m utilisée en entrée du modèle.

Quelques tests (Figure 4.8) montrent en effet que le bilan de masse modélisé varie

considérablement lorsque les paramètres de forçage atmosphériques sont modifiés (ces

si-mulations sont effectuées avec un albédo estival prescrit de la même valeur que l’albédo

MODIS). C’est pourquoi un processus d’optimisation sera mis en place sur ces paramètres

afin de simuler convenablement le bilan de masse de surface. Ces premiers tests mettent

6. Les étangs de fonte qui se développent en surface des glaciers sont souvent dénommés sous le terme

demelt pondsdans la littérature scientifique internationale

Chapitre 4 : Modélisation et analyse des processus d’évolution de la calotte

Barnes : accumulation, fonte et bilan de masse de surface

Figure4.5 – Photographie prise lors d’un survol en avion du dôme sommital de la calotte

Barnes à faible altitude le 30 juillet 2010. Cette photographie met en évidence la complexité

de la surface en période estivale, avec présence de flaques d’eau (A), de zones encore

enneigées (B) et de zones de glace nue (C). Source : G.H. Miller, Univ. Colorado, Boulder

Figure 4.6 – Comparaison de l’albédo mesuré par l’instrument MODIS et simulé par le

modèle SURFEX-CROCUS sur la période 2009-2011 sur la zone sommitale de la calotte

Barnes. Les données MODIS sont indisponibles en hiver du fait de l’incidence solaire trop

rasante à la latitude de la calotte.

par ailleurs en évidence la nécessité de réaliser unspin-up7 lors des simulations définitives.

En effet, les simulations débutant au 1erjuillet (afin de partir d’un état initial supposé de

glace nue, plus simple et nécessitant moins d’hypothèses à l’initialisation) montrent une

fonte exagérée lors du premier été. Un spin-up d’une durée de 1 an sera donc utilisé par

7. Le termespin-updésigne la durée nécessaire à l’initialisation d’un modèle numérique, parfois nommée

«temps de relaxation».

4.3 Couplage réanalyses NARR modèle de neige SURFEXCROCUS

-modèle électromagnétique DMRT-ML

(a) Carte de la calotte Barnes et représentation du trait de coupe.

Les pixels représentent les données NARR à 32 km et le fond de

carte est issu du MNT Géobase

(b) Profils obtenus selon le trait de coupe sur les données Géobases (en rouge) et NARR (en bleu)

Figure4.7 – Comparaison des profils obtenus à partir des modèles numériques de terrain

de Géobase Canada (trait rouge) et des réanalyses atmosphériques NARR (trait bleu). La

calotte Barnes est clairement visible sur la profil issu du MNT Géobase (entre 100 et 200

km sur l’axe horizontal) alors qu’elle n’apparaît pas sur le profil issu de NARR.

la suite.

4.3.4 Couplage avec le modèle d’émission micro-onde DMRT-ML