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Utilisation de plantes agronomiques pour la phyto-dépollution des sols contaminés par des explosifs

M. Vila, S. Pascal-Lorber et F. Laurent

INRA, UMR Xénobiotiques, 180 chemin de Tournefeuille, BP 3, 31931 Toulouse Cedex 9

La phyto-dépollution est une technologie émergente qui consiste à utiliser les plantes pour absorber, accumuler, dégrader ou détoxiquer des polluants de diverses natures (polluants organiques ou minéraux). De par leur immobilité, les plantes sont sans cesse soumises à des contraintes environnementales qui constituent des facteurs importants dans leur adaptation et leur évolution. Beaucoup de plantes ont développé des systèmes biochimiques pour la détoxication et le contrôle des conditions géochimiques locales. S'appuyant sur ces caractéristiques, la phyto-dépollution met en œuvre divers mécanismes qui n'aboutissent pas au même traitement de la pollution (Fig. 1). La phyto-dépollution permet d'éviter l'usage de méthodes invasives et chères comme l'incinération totale des sols après excavation.

Figure 1. Représentation schématique des différents mécanismes impliqués dans la phyto-dépollution.

La phyto-dépollution est une méthode envisagée pour la dépollution de sols contaminés par des explosifs nitrés. En effet, la pollution résultant de la production, du stockage et de l'utilisation de l'hexahydro-1,3,5-trinitro-1,3,5-triazine (RDX) et du 2,4,6-trinitrotoluène (TNT) représente un problème environnemental important. Ces composés toxiques se retrouvent

Dilution dans l’air (Phyto-volatilisation)

Métabolisation (Phyto-dégradation)

Incorporation dans les parois cellulaires (Phyto-stabilisation) Récolte Accumulation (Phyto-extraction)

Polluant

Minéralisation microbienne Libération d’exsudats augmentant la dégradation

par les micro-organismes de la rhizosphère Incinération

dans les sols à des teneurs très élevées. Auparavant, au cours de la production d'explosifs, les eaux usées étaient rejetées dans des bassins de décantation pour permettre la sédimentation des polluants. L'eau après cette dépollution était orientée vers les rivières avoisinantes. Il en résulte aujourd'hui des lagunes hautement contaminées par les explosifs mais aussi d'autres produits intervenants dans leur synthèse. Sur les autres sites pollués, la pollution est plus diffuse mais tout aussi préoccupante. L'utilisation de plantes agronomiques a été envisagée pour cette dépollution car elles ont une croissance rapide et peuvent produire une biomasse importante.

Des expérimentations utilisant des molécules marquées au carbone 14 ont été mises en place pour étudier les capacités des plantes agronomiques à absorber les explosifs. Des études ont aussi été menées pour connaître le devenir de ces explosifs une fois absorbés par les plantes. Les plantes testées sont le blé, le maïs, le soja et le riz. Ce dernier a été envisagé pour son adaptation à des cas de pollution sur des sites lagunaires. Les plantes ont été semées sur des sols contaminés avec 138 mg/kg avec chacun des explosifs séparément ainsi que son équivalent radiomarqué. Les pots ont été disposés dans une chambre de culture avec une alternance jour nuit de 16 h et une température de 25°C le jour et de 20°C la nuit. Après 42 jours de culture, les plantes sont récoltées, lyophilisées, broyées puis analysées pour déterminer la quantité de radioactivité dans les parties racinaires et aériennes. Une analyse en radio-CLHP (Chromatographie Liquide Haute Performance couplée à la détection de la radioactivité) a permis d'étudier les transformations de chacun des explosifs après pénétration dans les plantes.

Figure 2. Principaux résultats obtenus lors de l'étude de l'absorption et du devenir du RDX (à gauche) et du TNT

(à droite) dans quatre espèces végétales.

Les quatre plantes se sont révélées capables d'absorber le RDX et le TNT (Fig. 2). Toutefois, les quantités, la répartition et le devenir de chaque explosif après absorption sont totalement différents. Le RDX est absorbé en grande quantité et plus de 80 % de la radioactivité est transférée vers les parties aériennes. Le RDX est très peu dégradé puisqu'il

vacuole 0 10 20 30 40 50 60 70 m g/ g of d ry w ei gh t

maize wheat soybean rice Maïs Blé Soja Riz

0 10 20 30 0 50 100 150 200 250 Time (min) R ad io ac tiv ity ( dp m ) RDX 0.0 1.0 2.0 3.0 4.0 m g/ g of d ry w ei gh t

maize wheat soybean rice

roots shoots

RDX TNT

Transformation Conjugaison

représente plus de 95 % de la radioactivité absorbée. Le TNT, quant à lui, est absorbé en quantité 20 fois plus faible. Le TNT est totalement dégradé en composés plus polaires (principalement des conjugués à des sucres) qui sont ensuite stockés dans les vacuoles ou liés à la paroi au niveau des racines (plus de 60 % de la radioactivité est non extractible). Après pénétration dans la plante, le TNT est donc bloqué dans les parties racinaires et seulement 20 % de la radioactivité est transférée vers les parties aériennes.

Figure 3. Effets de l'accumulation de RDX dans les parties aériennes du blé et du soja.

Chez le soja, le riz et le blé, la forte accumulation de RDX dans les parties aériennes provoque l'apparition de nécroses précédée d'un jaunissement des tissus aériens (Fig. 3). Ces nécroses conduisent à la chute des feuilles de soja. Ce phénomène pourrait conduire à la dispersion du polluant et à une impossibilité d'utilisation pour la phyto-dépollution du RDX. Par contre, ce phénomène est moins marqué chez les graminées qui pourraient donc être utilisées pour la phyto-dépollution. Après phyto-accumulation du RDX dans les parties aériennes, les plantes devront être récoltées puis incinérées ou compostées. Il faudra donc privilégier l'utilisation de monocotylédones pour éviter la chute des feuilles ayant accumulé le RDX. Parmi les plantes testées, le blé semble être la plus efficace.

La séquestration du TNT dans les parties racinaires ne permet pas l'usage des plantes dans un processus de phyto-accumulation suffisamment efficace pour dépolluer des sols. Toutefois, elle conduit à une phyto-stabilisation du polluant évitant sa dispersion vers les nappes phréatiques. De plus, certains micro-organismes capables de dégrader la lignine, probable site de fixation des résidus du TNT dans la paroi, pourront dégrader le polluant dans le sol après la mort du végétal.

Blé

Soja

Session 6 Bioremédiation et bioprocédés

Devenir des composés disrupteurs endocriniens et de l’activité

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