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Comparaison entre descripteurs biologiques et chimiques pour décrire l’impact du cuivre dans un sol

J. Sebastia1, D. Lejon2, I. Lamy1 et L. Ranjard2

1INRA, Unité PESSAC, Physico-chimie et Écotoxicologie des SolS d’Agrosystèmes Contaminés, RD 10, Route de Saint-Cyr, 78026 Versailles Cedex

2INRA, UMR Microbiologie et Géochimie des Sols, 17 rue Sully, BP 86510, 21065 Dijon Cedex

Introduction

Le cuivre est un métal toujours utilisé en agriculture en tant que pesticide. Certains horizons de surface de sols, notamment de sols viticoles, présentent des teneurs importantes en cuivre suite à l’utilisation de bouillie bordelaise. La toxicité des éléments traces métalliques comme le cuivre vis-à-vis des organismes vivants du sol a été largement démontrée, et peut se traduire par des effets délétères sur la biocénose du sol. Dans ce cadre, le rôle clé des micro-organismes dans la gestion des flux de matière ainsi que la spécificité et la sensibilité de leur réponse aux stress métalliques en font des indicateurs écotoxicologiques pertinents. Toutefois les effets des métaux et la réponse des micro-organismes sont encore mal compris et donc mal prédits. En effet, l’impact d’un élément trace comme le cuivre va dépendre de façon décisive de sa spéciation. Or les éléments traces métalliques peuvent engager des interactions biotiques et abiotiques avec les différentes composantes du sol, minérale, organique inerte ou organique vivante, qui vont influencer la forme physico- chimique sous laquelle ils se trouvent, et donc leur toxicité. L’affinité du cuivre pour la matière organique, et en particulier la matière organique en solution, est un des paramètres à prendre en compte dans l’évolution de la spéciation du cuivre. Or on ne sait pas prévoir dans quel sens, immobilisation ou transfert, les équilibres vont être modifiés lors d’ajouts de cuivre dans les sols, car les interactions entre les matières organiques, la microflore du sol et les métaux ont été peu étudiées conjointement. Dans ce travail, nous avons voulu superposer des approches analytiques (teneurs totales en carbone organique et cuivre, spéciation en solution, pH) à des mesures d’écodynamique (évolution de la spéciation du cuivre et du carbone en solution) et d’écotoxicologie (impact sur les communautés de bactéries), pour mettre en place des méthodes permettant de prédire le devenir de cette source de pollution diffuse dans le temps qu’est le cuivre, et de développer des outils qui qualifient son impact sur la biocénose.

Matériels et méthodes

Notre échantillonnage s’appuie sur un site expérimental en vignoble (Mâcon) dont le sol est limono argileux (pH 6,7) et faiblement contaminé en cuivre (60 ppm). Ce site est organisé en différentes parcelles qui ont reçu des apports répétés de matières organiques, et nous avons utilisé pour cette étude la parcelle témoin sans amendement organique. Les échantillons de sols ont été prélevés à 0-5cm de profondeur, mis à incuber pendant 0, 15 et 35 jours en présence ou en absence de cuivre (microcosmes dopés ou témoins). Après chaque temps d’incubation, la solution du sol a été extraite (rapport sol:eau de 1:2) et un aliquote a été utilisé pour effectuer un fractionnement des matières organiques dissoutes par ultrafiltration afin de les séparer en deux fractions : les petites molécules les plus labiles (< 500 Da) et

les molécules plus grosses (>500 Da). Le cuivre a également été dosé dans chacune de ces fractions. Sur l’autre partie d’aliquote de solution extraite, les éléments traces (Cu total) et majeurs (Corg, Fe, Ca, Mg, K, Na) ont été dosés afin d’effectuer une

modélisation théorique de la spéciation du cuivre en solution (modèle ECOSAT). En parallèle, la densité de la communauté bactérienne totale cultivable hétérotrophe (CH) ainsi que la communauté bactérienne résistante au cuivre (CuR) ont été appréhendées par un dénombrement des colonies formant unité (cfu) sur milieu synthétique YG supplémenté ou non avec du cuivre (CuCl2, 2mM). Les données

acquises en présence de cuivre ont été comparées avec des blancs H2O, des blancs

HCl pour mimer l’acidification due à l’ajout de cuivre, et des blancs HCl/CaCl2 pour

mimer l’ajout d’un divalent et mieux en comprendre l’effet sur la spéciation du cuivre en relation avec le carbone organique dissous.

Résultats et discussion

Descripteurs chimiques de l’impact du cuivre

A t = 0, et par rapport aux témoins H2O, les ajouts de cuivre ont entraîné une

diminution du pH et de la teneur en carbone organique en solution. Mais ces diminutions sont aussi observées pour le témoin HCl/CaCl2, mettant en avant

l’importance des différences de pH et de force ionique dans la solubilisation de la matière organique des sols. Dans la solution extraite à t = 0, on trouve aussi moins de cuivre en solution pour les témoins HCl/CaCl2 que pour les témoins H2O. Par

contre, au cours de l’incubation, les trois types de microcosmes témoins et cuivre montrent les mêmes tendances de diminution avec le temps du carbone et du cuivre dans les solutions extraites, avec cependant des différences d’amplitude suivant les microcosmes. En terme de spéciation, lorsqu’on compare l’évolution des petites (< 500 Da) et des grosses molécules organiques (> 500 Da) en solution (Fig. 1), on voit que la diminution du carbone organique total en solution est attribuable à la diminution significative au cours de l’incubation des petites molécules (< 500 Da) pour le témoin H2O, mais à celle des grosses molécules pour le témoin HCl/CaCl2.

Par contre, l’impact du cuivre se différencie de l’effet de l’acidification et de la présence d’un divalent par une dynamique du carbone différente des deux témoins (Fig. 1). Ces résultats montrent que c’est à 15 jours qu’un effet du cuivre est significativement observable, tandis qu’à 35 jours les effets sont moindres.

Figure 1. Fractionnement du COT (histogrammes) et du cuivre en solution (courbes superposées) pour

les microcosmes témoin H2O (A), pour les témoins CaCl2 (B) et pour les microcosmes en présence de

cuivre (C).

Les calculs de spéciation théorique indiquent que pour le témoin H2O, très peu de

cuivre en solution est sous forme libre, plus de 98 % du cuivre étant sous forme liée à la matière organique en solution pour des pH variant de 7,5 à 7,0 pendant l’incubation. Pour les microcosmes HCl/CaCl2, 90 % du cuivre total est sous forme

organique, 8 % sous forme libre, le reste étant attribué à des complexes inorganiques pour des pH de l’ordre de 6,5 variant peu au cours de l’incubation. Pour les microcosmes en présence de cuivre, 55 % du cuivre total en solution est sous

Time, days 0 15 35 T O C , m g l -1 0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 3,0 3,5 C u, µ g l -1 0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 <500Da >500Da Cu <500Da a b b A B B * ** *** Time, days 0 15 35 T O C , m g l -1 0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 3,0 C u, µ g l -1 0 2 4 6 8 10 <500Da >500Da Cu <500Da a ab b A A A * ** **

Temps d'incubation en jours

0 15 35 T O C , m g L -1 0 2 4 6 8 C u, µ g L -1 0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0 < 500Da > 500Da Cu < 500Da a b b A A A * ** ** A B C

forme libre, et ce pourcentage diminue avec le temps pendant l’incubation à 35 % à 15 jours en faveur d’espèces organiques, pour ré-augmenter à 46 % du cuivre total en solution à 35 jours, avec un pH évoluant parallèlement de 6,4 à 6,8 puis 6,5.

Descripteurs biologiques de l’impact du cuivre

Les ajouts de cuivre ont induit une diminution du nombre de bactéries cultivables totales à t=15j ainsi qu’un enrichissement en bactéries résistantes au cuivre (Fig. 2) par rapport aux contrôles H2O. Cependant la différence entre le témoin H2O et les

microcosmes contaminés au cuivre ne se voit plus à 35 jours pour les bactéries cultivables totales, suggérant une atténuation de l’impact du cuivre. Ainsi, l’enrichissement en bactéries résistantes au cuivre observé à 15 jours entre le témoin et les microcosmes contaminés reste le même au bout de 35 jours.

Dans la littérature, un tel résultat d’impact sur les populations microbiennes du cuivre est attribué à la présence d’ions libres en solution. Ici, les calculs théoriques basés sur la composition des solutions montrent que pour les microcosmes Cu, il y a plus de cuivre libre en solution que pour les témoins, cette forme du cuivre étant réputée la plus biodisponible.

Cependant, les données de spéciation des microcosmes H2O ne peuvent être

comparées directement aux spéciations dans les microcosmes cuivre, car les conditions physico-chimiques de pH, force ionique et nature d’ions ne sont pas identiques. Par contre, en comparant avec les spéciations des microcosmes HCl/CaCl2 on montre bien un impact différencié du cuivre à 15 jours qui peut être

relié à l’impact observé sur les populations bactériennes du sol.

Temps d'incubation Lo g C F U / g de s ol s ec 0 1 2 3 4 5 T =15 j T=35 j a b a b

Figure 2. Dénombrement des populations bactériennes résistantes au cuivre pour les microcosmes

témoin H2O (en noir) et pour les microcosmes en présence de cuivre (en gris). Conclusions

Dans nos conditions expérimentales, les résultats montrent qu’il existe bien un lien entre des descripteurs chimiques et biologiques. Ce lien est complexe, car les descripteurs chimiques intègrent les processus biotiques et abiotiques tandis que les descripteurs biologiques sont le résultat d’une biodisponibilité de l’élément métallique introduit. Ainsi il convient, pour pouvoir comparer ces données, de suivre la spéciation des ions et la dynamique des éléments dans des milieux de mêmes conditions physico-chimiques.

Cette étude a été financée en partie par l’INRA et la Région Ile de France (Thèse de J. Sebastia), la région Bourgogne et le BIVB (thèse de D. Lejon) et par le programme national ACI/FNS ECODYN.

Session 4 Altérations de la dynamique des communautés

Impact d’un herbicide sur la diversité microbienne aquatique.

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